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Des insultes, des agressions mais avant tout une passion: Maxime et Joël racontent l'arbitrage sans tabou (vidéos)

Souvent pointé du doigt par les supporters et les dirigeants de club, l’arbitre occupe une fonction parfois très ingrate, bien que centrale, dans le football. Pour illustrer le ressenti de ces hommes, avant tout passionnés par le ballon rond, nous avons été à la rencontre d’un jeune qui débute et, à l'autre bout d'une carrière, d'un référé expérimenté. Maxime, 21 ans et Joël, 58 ans, abordent plusieurs thèmes et expliquent ce qui les pousse à continuer.

Originaire de Tubize, Maxime Lagneau, 21 ans, poursuit des études en vue de devenir professeur de mathématiques. Mais à côté, il consacre plusieurs heures par semaine à son passe-temps favori, l’arbitrage. Il aurait bien voulu faire ses débuts à l’âge de 16 ans mais il a dû attendre d’être "autonome" et d’avoir un moyen de transport. "Je n’avais pas envie de dépendre de mes parents et leur demander de me conduire à gauche et à droite. Quand j’ai eu 18 ans, j’ai entamé les procédures pour devenir arbitre", raconte-t-il.

Arbitre depuis maintenant deux ans, Maxime s'est affilié à un club, celui de Braine-le-Château (l’ES Braine) et a débuté sa jeune carrière dans les catégories d'âge U14 et U15 après sa formation. Le Tubizien est vite monté en grade et il a été "promu" pour diriger des rencontres en provinciale 3.


38 ans de carrière au compteur

De son côté, Joël Verboonen compte déjà 38 ans de carrière et exerce sa passion tous les week-ends en championnat amateur Abssa ou dans les championnats du Brabant wallon et à Bruxelles. "Je suis un vrai Bruxellois et tous les week-ends le foot est mon passe-temps", confie l’employé d’une société qui produit des boissons gazeuses.  

Son histoire est "assez simple". Après avoir commencé le football en tant que gardien de but, Joël s’est malheureusement blessé gravement au genou (ligament déchiré et ménisque "foutu") à l’âge de 17 ans. Suite à sa revalidation, il décide de suivre l’exemple de son père, un ancien arbitre inscrit au Comité provincial de football du Brabant. "J’ai commencé l’arbitrage à 20 ans sans y croire vraiment et cela fait maintenant 38 ans que je le fais avec passion", s'enorgueillit-il. "J’ai beaucoup de vécu. J’ai d’abord arbitré les jeunes pendant cinq ans avant de passer en provincial et j’ai passé 16 ans de ma carrière en provincial 1."


Lors de nos entretiens avec Maxime et Joël qui ont des expériences distinctes, nous avons voulu aborder avec eux différents aspects de l'arbitrage: des difficultés à se faire respecter sur le terrain, aux côtés enrichissants de l'arbitrages ou encore à l'arrivée de l'assistance vidéo.


Selon vous, quelles sont les principales difficultés dans l'arbitrage?

Joël: "Il y a évidemment la déception de ne pas monter dans les niveaux de l’arbitrage comme on voudrait mais ce qui est parfois découragement, est de se faire insulter. C’est aussi l’agressivité et l’accueil de certains clubs, la méchanceté des gens, le manque de respect… Quand on a un certain âge, on sait aller contre mais quand on a 20 ans, ça fait mal. Je peux comprendre que certains jeunes après s’être fait agresser verbalement ou physiquement laissent tomber", estime-t-il.

Pour Maxime, il faut savoir être "opaque" face aux supporters (voir vidéo ci-dessous)

Comment gérer les agissements de certains joueurs ou supporters en bord de terrain?

Maxime: "Je me suis préparé à me faire un peu bousculer mais j’ai eu de la chance de ne jamais avoir eu un contact physique avec quelqu’un. Après, des insultes j’en ai déjà eues, mais je suis assez opaque à ça", explique-t-il. "Une fois, je me suis dit que ça pouvait dégénérer, quand après cinq minutes de match, un parent est venu sur le terrain. J’ai fixé les limites et j’ai eu de la chance que le fils du parent intervienne pour lui demander de quitter immédiatement le terrain, sinon j’aurais pu arrêter le match. Tout s’est finalement bien passé. Quand j’entends ce que d’autres ont enduré, je peux m’estimer chanceux."

Joël estime lui que le plus important dans l’arbitrage est de se faire une carte de visite et se faire connaître: "Quand j’arbitrais en P1, tous les clubs me connaissaient. Quand j’arrivais sur un terrain ou dans les vestiaires, j’entendais directement des commentaires disant qu’il fallait se taire car c’était moi l’arbitre. J’avais déjà une réputation qui me précédait. C’est un avantage. Quand un jeune doit se faire connaître, il faut beaucoup de caractère et il faut mordre sur sa chique pour réussir à se faire une carte de visite", souligne-t-il. "Il faut aussi avoir de l’ambition mais pas trop. Il ne faut pas brûler les étapes et prendre son temps. Vouloir apprendre, écouter les conseils d’anciens. II y a des amicales d’arbitres qui permettent d’épauler les jeunes. Je conseille également aux jeunes d’être eux-mêmes, de ne pas forcer leur talent, d’être naturel. Ce n’est pas toujours ce que tu siffles qui est important mais aussi la façon dont on siffle."

Joël raconte malgré tout s'être fait agresser physiquement "2-3 fois" durant sa carrière. Il revient sur cet épisode dans la vidéo ci-dessous.

Quels éléments positifs retirez-vous de votre expérience dans l'arbitrage?

Maxime: "On n’a jamais de supporters sauf si mes parents ou ma copine viennent me voir. Personne ne va crier "Allez l’arbitre", on ne marque jamais de goal,… Mais l’arbitrage m’a permis de rencontrer plein de personnes. Je suis membre d’une amicale et j’ai pu rencontrer plein d’arbitres expérimentés qui ont pu me donner beaucoup de conseils, ce qui a été très précieux pour que je puisse m’affirmer", indique Maxime. "Ils viennent parfois me voir pour dire de changer certains placements (pour voir le hors-jeu notamment). C’est très enrichissant et c’est la plus belle chose qu’on puisse faire au football. On fait appliquer les règles."

Joël a lui été marqué par un événement en particulier: "Je m’attendais à ce qu’il m’engueule"

Lors des périodes de préparation d’avant-saison, Joël Verboonen a également eu "la chance" de diriger des rencontres d’équipes évoluant au top du football belge.

"J’ai eu l’honneur d’arbitrer le Standard face à Tubize à l’époque de Daniel Van Buyten ("c’était un gars tellement sympa", souligne-t-il) et Anderlecht. C’était des matchs amicaux mais il fallait quand même se les farcir. Les Mauves jouaient contre le White Star avec des grands noms comme Wasilewski et Ariël Jacobs", se souvient-il avant de raconter une anecdote "croustillante".

"C’était un match de décrassage. Wasilewski était à l’époque le cauchemar des arbitres. J’ai eu le "plaisir" de siffler un penalty contre lui car il a poussé un adversaire dans la surface. Il est venu chez moi en me disant "Référé, tu es fou, ce n’est pas un penalty". Je lui ai répondu "c’est penalty ok!" en le regardant droit dans les yeux "à la Pierluigi Collina" et il a fait marche arrière. J’ai eu le plaisir d’entendre des copains derrière le banc des entraîneurs dire "on ne le connait pas mais il a quand même de l'audace."

Marcin Wasilewski

Pierluigi Collina

L'arrivée de l'assistance vidéo est-elle une bonne chose selon vous?

Joël: "L'assistance vidéo est une bonne chose. Il m’est souvent arrivé en provincial, même avec un assistant, de devoir prendre une décision en une fraction de seconde… Est-ce que c’est penalty? Est-ce que la balle a franchi la ligne? J’aurais parfois bien voulu aller voir la vidéo dix secondes pour voir si ma décision était correcte. On se sent parfois seul mais il faut assumer ses responsabilités. Sans savoir si on est dans le bon, il faut assumer. La vidéo c’est bien quand c’est bien utilisé." 

Maxime est également enthousiaste avec la période de test de l'assistance vidéo en Belgique: "Je trouve que c'est une bonne chose. Je comprends que la vidéo puisse être décriée pour le moment car on est qu’au début de celle-ci. Malgré cela, je pense qu’avec une utilisation plus réfléchie et qu’avec le temps, cela va rentrer dans les moeurs d’une rencontre professionnelle et que le recours à la vidéo deviendra naturel",déclare-t-il. "Dans un monde idéal, la vidéo serait présente dans toutes les rencontres de football peu importe le niveau (tout comme l’aide apportée par les arbitres assistants par exemple). Pour ma part, si j’avais la chance de pouvoir disposer d’un tel outil, je pense que cela ne changerait pas ma manière d’arbitrer dans un premier temps mais que je n’hésiterais pas à l’utiliser en cas de besoin. En effet, quand on voit à quel point un pénalty sifflé à tort ou à raison peut influencer le cours d’une rencontre, je pense que l’arbitre doit utiliser l’ensemble des outils mit à sa disposition afin de s’assurer de prendre les bonnes décisions. Cela ne peut rendre son match que plus confortable."


Quelles sont à présent vos ambitions respectives?

Joël espère poursuivre sa passion le plus longtemps possible même si les tests physiques commencent à lui compliquer la tâche: "Comme tous les arbitres, quand on commence, on veut diriger un match de Coupe du Monde mais il faut être réaliste. Il y a peu d’appelés et peu d’élus. Mais je suis quand même fier de mon parcours. A présent, les tests physiques de l’Union belge deviennent de plus en plus difficiles. On jette quelque part l’expérience à la poubelle. Il faut des jeunes qui savent courir maintenant. On oublie le côté expérience et gestion. Le niveau des tests est vraiment compliqué", assure-t-il. 

En regardant dans le rétroviseur, Joël se dit par ailleurs fier de son parcours. "C’est quand même une carrière exemplaire, sans me vanter. Des anciens comme moi, il n’y en a plus beaucoup. Il y en énormément qui commencent mais il y a peu qui continuent. Beaucoup d’appelés et peu d’élus comme on dit. Ce n’est pas une question de réussite. C’est une question de motivation. Il y a beaucoup de jeunes qui commencent et qui veulent être des arbitres internationaux comme Pierluigi Collina mais les motivations ne sont plus les mêmes qu’avant."

Maxime lui ne se fixe pas de limites: "Pourquoi pas arriver un jour en D1. Je ne me suis pas fixé d’objectifs. On verra où ça me mène mais ça pourrait être sympa d’arriver jusque-là", confie-t-il. "Pour l’instant, chaque week-end, j’ai mon match et je suis content avec ça. Cela m’arrive encore de découvrir des clubs du Brabant wallon et je trouve ça très chouette. La saison passée, j’avais un match, à présent, j'en ai souvent deux."  

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