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L1: et maintenant, les clubs face à la décote des droits TV

Le retrait du diffuseur Mediapro, acté mardi, éclaircit à peine l'horizon financier du football français, qui anticipe une dépréciation des droits TV lorsqu'un nouvel opérateur les récupérera. Avec le risque que les clubs doivent renégocier les salaires des joueurs, voire dégraisser au mercato d'hiver.

Les vingt écuries de Ligue 1 n'auront qu'une certitude avant d'aborder les fêtes de fin d'année: le montant record de 1,153 milliard d'euros annuels de revenus télévisuels, initialement obtenu grâce à une enchère folle de Mediapro en 2018, n'existe plus.

Pour le reste, les inconnues demeurent. Qui reprendra les huit matches de Ligue 1 et de Ligue 2 par journée laissés en suspens par le diffuseur défaillant? A quelle échéance? Et surtout, à quel prix? Tous les regards se tournent vers Canal+ mais pour l'heure, la chaîne cryptée s'est refusée à tout commentaire.

"Nous nous attendons à des pertes financières (...) mais au moins nous avons de la visibilité pour le futur", a relativisé mardi Oleg Petrov, vice-président de l'AS Monaco et membre du conseil d'administration de la Ligue de football professionnel (LFP).

Néanmoins, le temps presse pour les clubs, alors que Téléfoot, la chaîne de Mediapro, continue de diffuser les rencontres sans contrepartie en attendant un nouveau diffuseur.

Si le passage de mi-saison devant la DNCG, le gendarme financier du football français, semble s'être passé sans encombre, les trésoreries sont à sec.

- Vers des reports de salaires ? -

Sur les 325 millions d'euros dus par Mediapro depuis le mois d'octobre et censés être redistribués aux clubs, seuls 64 ont été réglés en dédommagement, et 36 sont attendus au premier semestre 2021.

Un emprunt collectif de 112 millions d'euros a certes été souscrit en urgence en octobre, mais ce prêt doit être remboursé dès le mois de février 2021...

"Le risque est d'arriver à une situation de cessation de paiement, très probablement à une échéance assez proche pour certains clubs si tout reste figé", explique Christophe Lepetit, responsable des études économiques du Centre de droit et d'économie du sport (CDES) de Limoges.

Plusieurs dirigeants ont d'ailleurs évoqué ces derniers jours la possibilité de reporter les salaires si aucune solution n'était trouvée d'ici quelques semaines.

"Qui a fait l'erreur Mediapro, les joueurs ou les dirigeants ?", a grincé mercredi soir l'entraîneur de Metz Frédéric Antonetti. "Si vous baissez les salaires de 30%, les joueurs vont partir ailleurs."

Du côté de l'UNFP, le syndicat des joueurs, le coprésident Sylvain Kastendeuch s'était dit prêt à "faciliter les choses", dans un entretien à l'AFP mi-décembre, même si toute renégociation des salaires doit se faire au cas par cas, d'employeur à salarié.

- Mercato "dans l'urgence" -

Canal+, pressenti pour reprendre les droits TV, semble en tout cas temporiser dans ce dossier et se fait très discret. Plusieurs connaisseurs des instances ne s'attendent d'ailleurs pas à une offre concrète de la chaîne cryptée avant janvier.

"J'espère qu'on n'attendra pas les dernières heures", a prévenu Jean-Pierre Caillot dans un entretien à l'AFP mardi. "Les gens de Canal+ sont dans une situation légitime, ils ont la main, mais à leur place je n'en abuserais pas".

L'inconnue majeure est celle du montant des futurs droits. Si M. Caillot a indiqué ne pas "pouvoir imaginer" une offre "sous les 800 millions d'euros" annuels pour toute la Ligue 1, Canal+ n'a, de son côté, rien laissé filtrer.

Plusieurs sources proches des négociations ont en tout cas évoqué une offre potentielle à moins de 600 millions d'euros fixes par an, plus une centaine de millions en part variable, soit une perte d'au moins 450 millions d'euros par an jusqu'à 2024.

En privé, un autre dirigeant de club indiquait récemment s'attendre à un nouveau contrat inférieur "au mieux" de 400 millions d'euros annuels par rapport au précédent...

Le président de Rennes Nicolas Holveck veut pour sa part aller plus loin et "révolutionner le football français" pour lui redonner de l'attractivité avec "des formats différents", sans exclure par exemple la tenue de play-offs en fin de saison.

Au cœur de toutes ces incertitudes intervient le mercato hivernal, qui démarre dès le 2 janvier, et risque donc d'être très fortement placé sous le signe de la vente.

"Sachant les Français dans l'urgence, (les clubs acheteurs) risquent de jouer de cette position pour offrir encore moins", conclut Christophe Lepetit.

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