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Top 14: le rugby français proche du K.O. au niveau des commotions

L'impressionnant K.O. subi par le jeune Clermontois Samuel Ezeala, dimanche pour son premier match de Top 14, suscite une très forte émotion tant il rend possible une hypothèse auparavant inenvisageable: un mort en direct sur un terrain de rugby.

"Le joueur n'est pas décédé, c'est tant mieux, mais la prochaine fois, ça pourrait arriver." Ce n'est pas faute d'avertissement de la part de Jean Chazal, le neurochirurgien du CHU de Clermont-Ferrand qui ne chôme pas ces derniers mois avec l'hécatombe de blessés dans les rangs de l'ASM.

En septembre, après une phase finale de Top 14 marquée par la violence des chocs, le professeur avait déjà tiré la sonnette d'alarme, disant craindre un décès sur les terrains.

Il réagissait alors à l'absence de la Fédération française de rugby (FFR) à la première réunion du Grenelle pour la santé des joueurs, censé apporter des solutions aux commotions cérébrales de plus en plus nombreuses et inquiétantes en Ovalie.

La FFR s'est depuis assise à la table des discussions, les conclusions du Grenelle étant prévues au printemps. "Il y a eu une prise de conscience, et puis on s'en est approché dimanche", estime Chazal: lorsque Ezeala a perdu connaissance après avoir heurté tête la première son vis-à-vis et idole Virimi Vakatawa lancé à pleine vitesse.

L'espoir clermontois, tout juste majeur, a repris connaissance lors de l'intervention des secouristes avant d'être transporté dans un hôpital proche. N'ayant pas subi de blessure grave, il devait rentrer mardi soir en Auvergne.

Un dénouement heureux mais qui s'est joué à un fil, a résumé Chazal à l'AFP. "S'il n'avait pas eu de soins sur l'instant, ce joueur, dimanche soir, il serait décédé".

- Le 'ballet' de Lorenzetti -

La prise de conscience n'est pas la même pour tout le monde. Les draps blancs tendus par les stadiers autour du jeune ailier, âgé de 18 ans, pour cacher l'intervention n'ont pas été du goût de Jacky Lorenzetti, le président du Racing 92 qui recevait Clermont. "J'ai trouvé ça dramatisant, anxiogénisant (sic)", a-t-il déclaré lundi dans Rugbyrama.

"En aucun cas, pour le respect de la personne, on ne peut faire des actes médicaux invasifs devant 20.000 personnes et des centaines de milliers de téléspectateurs", lui a répondu Chazal.

"Le rugby est un sport de combat", a encore dit Lorenzetti à propos du K.O. entre son ailier Vakatawa et Ezeala. "A force de vouloir tout enlever, il ne faudrait pas non plus retomber dans l'effet inverse et donner au supporter l'image d'une danse ou d'un ballet."

"Je suis un peu malheureux que M. Lorenzetti ait tenu les propos qu'il a tenus. Cela reste un événement sérieux qu'il faut prendre en compte. Il y a eu aussi un drame en direct", rétorque Chazal.

Le camp des relativistes peut aussi compter sur Bernard Laporte. Le président de la FFR a estimé mardi que le K.O. d'Ezeala était un événement "malencontreux".

- Le danger du second impact -

Ezeala a-t-il réellement frôlé la mort ? Les experts médicaux sont en désaccord. "Le joueur, finalement, a reçu un mur sur lui-même à 30 ou 35 km/h", explique Chazal. Imaginez-vous, vous, sur un solex ou sur une mobylette, à 30 ou 35 km/h, sans casque, rentrer dans un mur. Vous comprendrez assez facilement que votre organisme ne peut le supporter."

Jean-François Chermann, qui participe lui aussi au Grenelle, n'est pas du même avis. "Le cas d'Ezeala est spectaculaire mais pas dangereux. (...) Il n'a pas failli mourir, il a fait une forte commotion", a réagi auprès de l'AFP ce neurologue réputé. "Oui, un jour il pourrait y avoir un mort mais si un joueur revient sur le terrain après avoir réussi le protocole commotion, en raison du phénomène de double impact".

C'était ce qu'avait risqué en mars 2017 le Toulousain Alexis Palisson, victime d'une percussion spectaculaire du Rochelais Levani Botia. "Il n'aurait même pas dû faire le protocole, il titubait", se rappelle Chermann, pour lequel le protocole est à revoir.

Les docteurs, qui ont également les délais de récupération dans le viseur, risquent d'enrager en voyant que le Toulonnais Facunda Isa, lui aussi K.O. samedi à Brive, sera peut-être autorisé à rejouer dès dimanche.

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