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Roger Habsch, de son accident à 18 ans, aux médailles des JO Paralympiques à 42 ans: "Encaisser, digérer et aller de l’avant"

L’athlète belge Roger Habsch, 42 ans, est revenu des Jeux Paralympiques de Tokyo 2021 avec deux médailles de bronze à son cou, sur 100 m et 200 m en chaise roulante dans la catégorie T51 (tétraplégie sans fonction musculaire du triceps). Il est désormais revenu en Belgique et nous a raconté son parcours de vie.


(c) BELGA

Roger Habsch est né le 5 janvier 1979 à Verviers d’un père facteur et d’une mère au foyer. À 16 ans, il est devenu apprenti maçon, plafonneur et carreleur. Sa vie va basculer deux ans plus tard alors qu’il se dirige vers Spa pour rejoindre sa petite copine. Les conditions météorologiques sont difficiles ce jour-là. Sa Renault 5 glisse dans un virage et emboutit un poteau à 60 km/h. Roger se souvient qu’il verra quatre voitures passer en contresens sans s’arrêter avant qu’une conductrice s’arrête pour lui venir en aide avant que les services de secours ne prennent le relais. Il doit être désincarcéré de son véhicule. Il ne peut plus que bouger sa tête. Dans l’ambulance, on lui dit déjà qu’il restera sûrement paralysé. "Le médecin me prenait pour un petit con qui avait bu et ce n’était pas du tout le cas. Il me donnait 99 chances sur 100 de rester paralysé à vie. A ce moment-là, vous jurez un bon coup." se rappelle le médaillé olympique.

Aujourd’hui, le Verviétois est tétraplégique, il est paralysé jusqu’aux tétons. Il a récupéré une certaine mobilité mais il subit régulièrement des pertes de force dans les mains, triceps et pectoraux. Mais malgré ce bouleversement dans sa vie personnelle, Roger considère que ses proches ont souffert davantage encore : "Le plus dur c’est pour les proches, eux s’interrogent toujours sur quelle direction va prendre votre vie du point de vue social, professionnel ou encore sentimental."

"Depuis le jour de mon accident, j’ai achevé mon père" ajoute le sportif dont l’accident hanterait encore ses parents qui songent à ce que la vie aurait pu réserver à leur fils si sa voiture n’avait pas quitté la route.

Mais Roger Habsch, de nature positive, ne s’est jamais laissé abattre.

Le jeune homme qui n’avait avant l’accident d’autre activité physique que la danse de salon, pratique peu à peu de plus en plus de sports. Il profite de joggings pour PMR (personne à mobilité réduite) organisé par le CHU (Centre Hospitalier Universitaire) de Liège, se lance dans la natation et le handbike (le vélo couché aux pédales manuelles). Le Verviétois souhaite d’abord trouver une bonne hygiène de vie. De nombreuses années plus tard, son évolution l’amène à un statut de sportif de haut niveau auprès de la Ligue Handisport Francophone après avoir atteint les minimas requis sur le 100m. Il participe des championnats d’Europe et du monde. Puis vient cette année 2021, année de tous les exploits pour Roger, l’année de la consécration. Il réalise les meilleures performances de sa carrière sur 100 m et 200 m au Grand Prix de Notwill en Suisse. Celles-ci lui, non loin des records du monde, lui ouvrent les portes des Jeux Paralympiques à Tokyo où il va marquer l’histoire du handisport belge, décrochant deux médailles de bronze. Sur 200m, ils étaient même deux Belges sur le podium, Peter Genyn se hissant sur la plus haute marche. L’histoire aurait pu être autre car nos deux compatriotes ont fait la Une des médias belges après avoir subi un sabotage de leur chaise roulante avant la course. Mais ni cet épisode ni la participation aux JO n’ont déstabilisé l’imperturbable Roger Habsch avant de s’élancer sur la piste : "J’étais plus stressé pour la cérémonie de remise de médaille que la course. Pour moi, courir à Liège ou à Tokyo ne change en rien ma concentration."


(c) BELGA

Aujourd’hui, Roger a rejoint les siens à Liège. L’effervescence des jeux paralympiques retombant, le Verviétois pense aux autres, à toutes les personnes handicapées pour qui la situation en Belgique pourrait être améliorée : "La Belgique a bien 10 à 15 dans de retard sur le Japon ou les USA sur l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite. Aux USA ou au Japon, on est intégré. En Belgique, on n’est pas intégré" juge l’homme tétraplégique. Il espère que la médiatisation des exploits belges dans le handisport puissent aider à changer le sort des personnes souffrant d’handicap. Il estime aussi que les handisportifs mériteraient une meilleure rémunération, eux qui se dépassent tout autant que les sportifs valides.


(c) BELGA

Mais au-delà de ces aspects de reconnaissance, Roger reste un homme incroyablement positif. "A partir de quel point peut-on considérer qu’on a un handicap ? Il y a des intellectuels qui ne savent pas mettre un coup dans un mur et il y en a qui sont manuels et qui savent écrire une lettre sans faute. Ce sont aussi des formes d’handicap. Et la chaise n’est pas un handicap. Certains ont tout et ne sont pas bien au niveau mental. Il faut encaisser, digérer et aller de l’avant. La vie ne s’arrête pas là. Les jambes ne sont qu’un détail, sans lesquelles on peut vivre" argumente Roger Habsch, une force de la nature qui doit son dépassement uniquement par sa volonté de vivre au-delà de tout handicap. Il visera désormais les Jeux Paralympiques de Paris 2024.  

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