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Édito: ils ont tué ma Coupe Davis

La Coupe Davis. Rien que la lecture de ce nom me fait frissonner et fait remonter en moi des souvenirs que le tennis ne peut m'offrir en temps normal. Ces images d'une demi-finale légendaire entre la Belgique et l'Argentine. Celle d'un cinquième set haletant, face au public conquis. A Madrid, depuis hier, la Coupe Davis 2.0 se joue dans l'indifférence la plus complète. Voilà qui est bien triste.

La Coupe Davis, c'est un ensemble d'émotions. C'est une série de frissons, de la passion et du sport de haut niveau dans un package parfait. Ce sont des matchs à domicile, dans un contexte favorable, avec une foule immense. Ce sont des fans en fusion, réunis dans une atmosphère familiale et patriotique qui dépasse l'entendement. C'est aussi ces déplacements, loin de ses bases, à la rencontre de fans aussi téméraires et motivés que nous. La Coupe Davis, c'est ce qu'il y a de plus beau: l'art de rendre collectif un sport pensé pour être individuel.

Ce qu'il se passe aujourd'hui à Madrid n'est pas la Coupe Davis. Ce n'est qu'un tournoi d'exhibition organisé à la pire période de l'année. Un ensemble de matchs, d'affrontements qui n'ont de sens que lorsqu'ils sont joués au contact des habitants des pays concernés. Gérard Piqué, qui a investi dans l'organisation de ce tournoi au travers de la société Kosmos Tennis, aurait mieux fait de se rappeler que la petite balle jaune n'a que faire des formats adoptés par le ballon rond. S'il en connaît un rayon dans ce sport, il n'a pas le droit de détruire le tennis et cette compétition particulière. C'est pourtant exactement ce qu'il fait.


Rendez-nous ces émotions.

Hier, peu intéressé par ce format, je me suis remis dans le bain. La Belgique affrontait la Colombie. Dans une indifférence presque totale. L'enceinte madrilène était désespérément vide. Aucune ambiance lors des hymnes. Dans le public, des familles. C'est bien le seul point commun entre la Coupe Davis telle qu'elle devrait être et ce qu'elle est devenue. Mais que s'est-il donc passé ? Par quelle folie est-on passé pour mettre fin à ce qui était, à mon sens, la plus belle compétition tennistique de la planète ?

Dans toute compétition, représenter son pays est un honneur. Plus encore lorsque l'on a l'occasion de se montrer face à son propre public, comme en déplacement, face à des rivaux poussés par leurs supporters. Oui, cette formule permet de rassembler des stars, bien plus qu'avec l'ancienne version: Medvedev, Djokovic, Murray, Shapovalov, Nadal... ils sont là, au rendez-vous. 

Mais à nouveau, ce n'est pas l'esprit Coupe Davis. La Belgique en a la preuve vivante avec Steve Darcis. D'ordinaire bon joueur, avec le respect que je lui dois pour sa carrière et sa mentalité plus qu'exemplaire, il se transforme en ovni en Coupe Davis. Comment ? Avec le soutien d'un public qui ne fait qu'un avec son équipe. Pour avoir vécu une demi-finale mémorable face à l'Argentine, je peux vous assurer que cela n'a rien à avoir avec quelque sport que ce soit. C'est inimaginable, et je n'étais que spectateur. 

Je me souviens avoir assisté à cette dernière journée haletante en 2015, lors d'une demi-finale face à l'Argentine. Les Belges étaient menés 2-1. David Goffin, devant une foule presque plus tendue que lui, n'avait laissé aucune chance à son adversaire pour recoller à 2-2. Steve Darcis, au terme de cinq sets de folie, avait arraché une place en finale, inespérée au départ. Je le vois encore s'effondrer en larmes sur le court installé à Forest National. La main de ma maman serrait mon avant-bras comme jamais. J'en ai gardé une marque pendant plusieurs heures. Et au bout, j'ai vu des enfants pleurer dans les bras de leurs parents parce qu'ils venaient de vivre un moment d'histoire. Voilà ce qu'est la Coupe Davis.

J'ai ressenti la même chose, cette-fois devant mon téléviseur, lorsque Murray offrait le point décisif à l'Angleterre face à Goffin. Même si c'était dans l'autre sens, avec le sentiment du devoir bien fait de nos joueurs. J'ai loupé la moitié des informations fournies par notre guide lors d'une balade artistique scolaire à Louvain-la-Neuve lors de la première journée de la finale contre la France, en 2017. David Goffin était en feu ce weekend-là. Steve Darcis un peu moins. Au bout, une défaite. Sans rancune, c'est le jeu. Mais à chaque fois, j'avais le sentiment d'assister à quelque chose de plus grand que moi. 

L'esprit Coupe Davis, ce sont aussi des joueurs parfois méconnus, fiers de représenter leur pays, capable de se transcender et de sortir la performance la plus impressionnante de leur carrière. Dans un esprit collectif avec une volonté unique dans le tennis: celle de représenter son pays devant ses supporters. C'est encore plus fort qu'une médaille olympique. Du moins c'est comme cela que je le perçois.

 

Je vous en supplie, rendez-moi les émotions. Rendez-moi le plaisir, rendez-moi le public, rendez-moi les joueurs. Et surtout, rendez-nous la Coupe Davis. Ce tournoi appartient à tous et sa centralisation est l'échec le plus impardonnable de ces dernières années. Aucun joueur n'aura la même volonté, la même pression ou le même soutien du public. Si ce n'est l'Espagne... Le tennis ne correspond pas aux codes d'une Coupe du Monde de football.

Gérard, je vais reprendre les mots d'Alizée Cornet: "Tu n'es jamais allé voir un match de Coupe Davis, si ?". Laisse-nous donc regarder ce que l'on aime, je t'en supplie... 

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