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Tour de France: Poulidor, le grand absent omniprésent

"Zéro autographe, zéro selfie": s'il y en a un que le slogan du Tour de France version Covid aurait chagriné, c'est Raymond Poulidor. "Poupou" est cette année le grand absent de la Grande boucle, qui lui rendra hommage en passant chez lui jeudi. Le personnage est décédé il y a dix mois, la légende reste elle bien vivace.

Arrêt prévu dans la capitale de la "Poulidorie" jeudi. Un peu après 14h30 et 114 kilomètres de la 12e étape du Tour de France, une des voitures de course fera une halte à Saint-Léonard-de-Noblat en Haute-Vienne, la ville de résidence de Raymond Poulidor pendant des années, où le directeur-adjoint de la Grande boucle lui rendra, en l'absence de Christian Prudhomme, un rapide hommage.

Comme la caravane LCL, dont il a été l'ambassadeur pendant 19 Tours de France: "On va faire des petites choses, des signes forts, qu'il aurait certainement appréciés", raconte sa responsable Sophie Moressée-Pichot.

"Je ne veux pas le révéler mais il y aura des petites modifications, quelque chose de discret, sur la caravane. Il sera à nos côtés", témoigne la championne olympique d'escrime 1996 qui l'a accompagné pendant 19 éditions, un "an et demi de vie ensemble", a-t-elle calculé.

- La recette de la "poupoularité" -

Ce ne sera pas le premier hommage à Raymond Poulidor: depuis le Grand départ à Nice, les pancartes "merci Poupou", qui ont fleuri au bord des routes, témoignent de l'aura tenace de l'"éternel second".

Au premier rang pour constater la "poupoularité" du personnage qui avait même dépassé celle du coureur, Sophie Moressée-Pichot se souvient de "plusieurs milliers d'impressions pour ses photos dédicacées sur le Tour".

"Il disait que sa popularité était absolument inexplicable", rapporte Philippe Bouvet, ancienne plume de l'Equipe, 35 Tours de France couverts et auteur de l'essai "Nos années Poulidor".

Le journaliste, lui, retient plein d'aspects symboliques pouvant l'expliquer. D'abord, la malchance, "il n'a pas gagné le Tour et subi cette incroyable malédiction du maillot jaune", qu'il n'a jamais porté. L'ancienneté aussi, "il est monté sur le podium du Tour à 40 ans (en 1976), à l'époque un âge déjà avancé" pour un coureur. Et enfin, son visage de "champion de la France profonde et surtout de la ruralité".

- Héritiers involontaires -

Vu de cette façon, difficile de ne pas trouver dans le peloton de 2020 certains héritiers bien involontaires de Poulidor, celui qui érigeait la "malédiction en vertu rayonnante", selon la formule d'Antoine Blondin.

En 1968, après une traversée des Pyrénées où Poulidor avait pris plus de deux minutes à ses adversaires directs, une chute provoquée par une moto lors de la 15e étape brise son rêve de maillot jaune à Paris.

L'épisode rappelle l'abandon l'an passé de Thibaut Pinot, en raison d'une mystérieuse blessure, après avoir été le plus en vue des favoris au Tourmalet puis au Prat d'Albis.

"Il y a un peu de lui chez Pinot", acquiesce Philippe Bouvet. Quand on croit que c'est bien engagé, il lui arrive des malheurs pas conventionnels. La popularité, c'est irrationnel. Les conditions de son abandon, avec les larmes en direct, ont fait beaucoup pour sa popularité".

Si la fascination pour Poulidor reste franco-française, le tropisme poulidorien dépasse les frontières. Il y a quelque chose de la "vox populidor", chère à Blondin, dans Nairo Quintana, issu d'une famille de paysans, comme "Poupou", le "champion laboureur".

"La plupart des coureurs à l'époque étaient d'extraction modeste et paysanne, relate Philippe Bouvet. Ca se rapprochait des parcours de ceux qui sortent de leurs campagnes en Colombie". Comme Quintana, cet autre abonné au podium (trois fois) mais jamais maillot jaune !

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