Timothée Manand chausse des patins depuis son plus jeune âge et ne se voit pas ailleurs que sur la glace pour vivre de sa passion. À 18 ans, il est multiple champion de Belgique chez les jeunes. Après avoir vécu des expériences à l’étranger et s’être entouré des meilleurs entraîneurs du pays, le Sombreffois se retrouve actuellement sans patinoire et doit quitter sa coach. "Cela fait plus de quinze ans qu’il a tout consacré à ce sport. Rester sans entraînements c’est "la mort" pour un athlète de haut niveau", s’inquiète sa mère, Brigitte Parmentier.
Timothée Manand est à un tournant de sa prometteuse carrière dans l’univers périlleux du patinage artistique. Après s’être donné les moyens de ses ambitions depuis son plus jeune âge, il craint de ne plus pouvoir évoluer au plus haut niveau, essentiellement par manque de soutien financier et à présent d'infrastructure.
"En Belgique, il y a un réel problème pour arriver à percer dans ce sport au plus haut niveau. Après avoir essayé pas mal d’options (à l’étranger en autres), il se retrouve dans une situation très problématique (sans coach et sans patinoire) et doit trouver d’urgence une solution, car rester sans entrainements c’est "la mort" pour un athlète", nous a écrit sa maman Brigitte Parmentier via notre bouton orange
"On ne peut pas abandonner après tant de "sacrifices" et lui, c'est toute sa vie qui s'effondre", insiste-t-elle.
Sur la patinoire depuis ses trois ans
Une vie qu’il a entièrement dédiée à son sport. Conquis dès ses trois ans par la discipline, Timothée n’a plus lâché ses patins depuis lors et aspire toujours à atteindre les sommets d’un sport qui, en Belgique, ne compte pas sur un engouement important en comparaison avec d’autres pays européens.
Dès ses premiers pas sur la glace, l’alchimie a opéré et il s’est rapidement mis en tête d’un jour participer aux plus grandes compétitions.
"À trois ans et demi, je me suis rendu à la patinoire de Jambes avec mon parrain lors d’une séance publique et j’ai tout de suite accroché. J’ai demandé à mes parents pour y retourner et, j’ai intégré le club en 2000. De là, je n’ai plus arrêté de patiner jusqu’à présent", se remémore-t-il.
"À l’époque, c’était déjà fort tôt pour commencer car, nous ne l’avions pas amené du tout vers ce sport. Il avait ça en lui, il dit qu’il est né pour ça", confie sa mère.
Timothée a ainsi débuté sa formation au club de Jambes Arabesque et a disputé ses premiers championnats de Belgique à l’âge de six ans. En 2008, il s’envolera vers la patinoire Poséidon à Bruxelles tandis que la commune de Sombreffe lui décernera la même année le mérité sportif de la catégorie dédiée aux jeunes.
Alors qu'il est enfant, son coach se suicide
La première véritable épreuve est intervenue un an plus tard. Son coach, Laurent Vandenneuker s'est suicidé.
"Lors du décès de mon coach, j’ai arrêté quelques mois car c’était difficile d’encaisser cela. Je suis alors parti en France", raconte Timothée qui a été pris en charge par une patineuse française, Vanessa Sanesti (qui l’a découvert lors d’un gala à Charleroi). Il a ainsi poursuivi sa formation dans le club de Valenciennes.
A seulement onze ans, il a pris la décision de quitter le cocon familial, pour s’installer dans une famille d’accueil, avec comme ambition affirmée de faire du patinage son métier. À côté de sa scolarité au collège Carpeaux, il y a consacré tous ses temps libres, soit douze heures d'entraînement et trois heures de préparation physique par semaine.
Participation aux JO d'hier de la jeunesse
En 2012, il s’est familiarisé avec les anneaux olympiques lors de la première édition des JOJ (les Jeux olympiques d’hiver de la jeunesse) organisés à Innsbruck en Autriche. Sélectionné par le COIB (Comité olympique et interfédéral belge) parmi sept athlètes pour représenter la Belgique, il a côtoyé les meilleurs se son âge et a découvert un tout autre niveau que dans son pays natal. À noter que 1059 athlètes de 14 à 18 ans issus de 70 nations différentes ont participé à l’événement.
Fort de cette première expérience internationale, Timothée s’est rendu à un stage estival à Andorre et s’est vu offrir un nouveau défi par le professeur Eric De Mena: partir un an en... Norvège.
Il donne des cours de patinage en Norvège
Dans le pays scandinave, le jeune patineur a intégré un club local, le Bergen KK, où il a enseigné le patinage. "Je donnais des cours ce qui me permettait de payer mon patinage. Mais à partir d’un moment, ça n’était plus possible de continuer ainsi, car je donnais cours durant quatre heures sur les patins sans bouger puis, je devais m’entraîner quatre heures. Ça ne permettait plus de progresser, j’avais l’impression de stagner", explique-t-il.
De retour ensuite en Belgique en 2014, il s’est affilié au club de Liedekerke avec comme entraîneur un certain Kevin Van Der Perren (double médaillé de bronze aux championnats d’Europe et trois participations aux Jeux olympiques pour la Belgique).
"Malheureusement, il avait énormément d’élèves et, c’était difficile de pouvoir s’entraîner correctement dans ses conditions. Ça s’est malgré tout super bien passé entre lui et moi et, j’ai pas mal progressé", poursuit-il.
Le Namurois s’est alors tourné, il y a un an, vers sa coach actuelle, Carine Herrygers qui s’occupe également du champion de Belgique 2016, Jorik Hendrickx (neuvième aux derniers championnats du monde).
La patinoire où il s'entraîne doit fermer ses portes
Timothée habite à présent à Turnhout où il s’entraîne depuis quelques mois mais un problème majeur s’est récemment présenté à lui quelques semaines après son dernier titre national junior (acquis en décembre 2015). La patinoire qui existe depuis quarante ans fermera ses portes le 1er mai prochain.
"Je vis ça comme un drame car, j’ai progressé avec ma coach actuelle et au championnat national, j’ai eu plus de points et je réussis tous mes triples sauts. Ça m’embête de devoir la quitter", regrette-t-il.
S’il doit retrouver un nouveau lieu d’entraînement ainsi qu’un nouveau coach, Timothée doit également faire face à un autre obstacle: le budget important qu’il doit consacrer chaque mois pour continuer à vivre sa passion.
"Cela commence à devenir très cher. Le mois dernier a coûté 1.300 euros, ce qui comprend mon logement et les frais au patinage sans compter la nourriture et l’essence. Le tout sans aide extérieure. Mais parents ont beau travailler, c’est compliqué", explique-t-il.
Sa famille a bien été aidée par la fondation Little Dreams, co-créée par Phil Collins (l’auteur-compositeur-interprète britannique et leader du groupe Genesis), en recevant quelque 2.000 euros pour une année. Un chef d’entreprise dans la région namuroise a aussi sponsorisé le jeune athlète (3000 euros par an) durant quelques années mais, ce n’est plus le cas actuellement.
"35 euros chaque jour, rien que pour payer la glace"
Timothée s’entraîne cinq à six jours par semaine à Turnhout mais aussi à Eindhoven (Pays-Bas) depuis l’annonce de la fermeture de la patinoire belge. "Cela me revient à 35 euros au quotidien rien que pour payer la glace", détaille-t-il. "Ma coach que je quitterai bientôt demande 35 euros de l’heure (il s’entraîne quatre heures par jour) divisés par le nombre d’élèves sur place et on se retrouve souvent à deux ou trois." À ces frais déjà importants, il doit ajouter le remplacement de sa paire de patins une fois par an (900 euros) et se rendre chez un kiné tous les trois mois. Sans oublier les séances de préparation physique (20 euros par semaine) du côté de Geel (province d’Anvers).
Ses parents ont donc dû consentir de nombreux sacrifices pour lui permettre de poursuivre sur cette voie. "Mes parents (sa maman est institutrice et son père boulanger) sont derrière mois depuis pratiquement le début. Ainsi que mes deux sœurs plus âgées qui ont été d’accord de se priver pour m'offrir l’opportunité de vivre de ma passion."
"Comme un footballeur qui a besoin de toucher le ballon le plus souvent possible"
Malgré l’aspect financier très contraignant pour évoluer au plus haut niveau du patinage artistique, le récent champion de Belgique junior ne veut pas s’arrêter si près du but.
"Je suis amoureux de cette discipline. Il n’y a pas moyen de faire sans. Je ne peux pas m’arrêter trois ou quatre jours. J’ai besoin de retourner sur la glace et faire mes sauts", livre-t-il à cœur ouvert.
"Je pense que c’est le même sentiment pour beaucoup de sportifs. Comme des footballeurs qui ont envie de toucher le ballon le plus souvent possible."
Pour tenter de trouver davantage de soutien qu’en Flandre, où il ne se sent pas reconnu, il est en pourparlers avec la fédération francophone de patinage artistique pour la réintégrer (il est en ce moment affilié dans le club de Liedekerke et à la fédération néerlandophone).
Son objectif: bénéficier du statut de sportif de haut niveau auprès de l'Adeps qui soutient les fédérations et les athlètes accomplis ou en devenir via différentes aides (accès gratuit à des infrastructures, avantages financiers, accès à des services d'aide à la performance sportive). Pour cela, la fédération dans laquelle le sportif est inscrit doit introduire une demande de statut.
"Le président de la fédération francophone (Christian Pieman) va essayer de me construire un dossier pour voir ce que je pourrai avoir comme aide et être reconnu", indique Timothée.
Nous avons contacté Christian Pieman pour évaluer les chances du patineur de Boignée d’être reconnu comme sportif de haut niveau.
"On est là pour le soutenir"
"C’est un bon junior qui a besoin de progresser. On va essayer de l’aiguiller et l’aider au niveau financier", assure-t-il. "La fédération ne peut pas l’aider directement parce qu’on ne vit qu’avec les cotisations des patineurs."
"Pour subventionner, un athlète de haut niveau, la solution viendra de l’Adeps. Les sponsors ne s’intéressent pas à notre sport", déplore-t-il avant d’ajouter: "Pour devenir espoir ou sportif de haut niveau, il faut pouvoir prouver qu’on a fait des résultats. Dans ce cas-ci, il a réalisé plusieurs premières places aux championnats de Belgique en junior national donc, ça peut jouer pour lui. On est là pour le soutenir."
Également secrétaire de la fédération, Christian Pieman, qui va donc s’occuper directement du dossier de Timothée, prévient toutefois: "L’Adeps essaye d’aider mais, il n’y a pas que le patinage. Ils doivent essayer de garder l’église au milieu du village. Leur aide devrait pouvoir couvrir une bonne partie des frais liés à cette discipline mais pas totalement."
De son côté, Timothée continue de voir les choses en grand et aimerait se qualifier aux championnats du monde en 2017 et peut être réalisé un jour son rêve ultime en participant aux Jeux olympiques.
Si vous ne voyez pas la vidéo sur votre smartphone ou tablette,

