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Vingt-cinq ans après, un premier procès s'est ouvert lundi dans la tentaculaire affaire de Karachi: trois politiques, un industriel et deux intermédiaires sont jugés au tribunal correctionnel de Paris, pour répondre de soupçons de commissions occultes en marge de la campagne présidentielle malheureuse d’Édouard Balladur en 1995.
Ces six hommes, parmi lesquels l'ex-directeur de campagne d’Édouard Balladur Nicolas Bazire, l'ancien ministre Renaud Donnedieu de Vabres et le sulfureux homme d'affaires franco-libanais Ziad Takieddine, sont accusés d'abus de biens sociaux ou de complicité et recel de ce délit, notamment au détriment de la branche internationale de la Direction des constructions navales (DCNI).
Tous sont présents, à l'exception d'Abdul Rahman Al Assir, un intermédiaire d'origine libanaise, résidant en Suisse.
Au cœur du dossier: des soupçons de rétrocommissions sur des sommes réglées à des intermédiaires, le "réseau K", en marge de la vente de frégates à l'Arabie saoudite (contrat Sawari II) et de sous-marins au Pakistan (Agosta).
Si le versement de pots-de-vins à des agents étrangers étaient alors la règle à l'international - les juges d'instruction évaluent à 327 millions d'euros le montant de ces commissions -, les rétrocommissions promises - estimées à environ 13 millions d'euros au profit du "réseau K" - étaient elles proscrites.
Pour l'accusation, ce sont ces rétrocommissions qui auraient alimenté les comptes de campagne d’Édouard Balladur dans un contexte très particulier: celui de la lutte fratricide qui opposait alors au sein de la droite française le Premier ministre sortant, sans appareil, au maire de Paris Jacques Chirac, qui avait lui le soutien du RPR.
L'affaire prend sa source dans l'enquête sur l'attentat de Karachi.
Le 8 mai 2002, une voiture piégée précipitée contre un bus transportant des salariés de la DCNI coûtait la vie à 15 personnes dont 11 Français travaillant à la construction des sous-marins dans le port pakistanais de Karachi.
L'enquête, qui avait au départ privilégié la piste terroriste, s'en était éloignée en 2009 pour explorer les possibles liens, non confirmés à ce jour, entre l'attaque et l'arrêt du versement des commissions après la victoire de Jacques Chirac à la présidentielle de 1995.
C'est exclusivement le volet financier du dossier qui est aujourd'hui jugé, mais en l'absence du principal intéressé, Édouard Balladur, et de son ancien ministre de la Défense François Léotard, qui viennent d'être renvoyés devant la Cour de justice de la République (CJR).