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C'est une entrée remarquée dans la pop française: Alexia Gredy sort son premier album, "Hors saison", peinture contemporaine d'un sentiment amoureux avançant en funambule.
La trentenaire a des références à faire pâlir bon nombre de ses pairs. Avant de lâcher son premier long-format, ce vendredi, l'artiste publie il y a cinq ans un mini-album ("L'habitude") couvé par des pointures comme Geoff Barrow (tête pensante de Portishead) et Baxter Dury, dandy-pop et fils de Ian (interprète du mythique "Sex and drugs and rock'n'roll").
Par le biais d'un éditeur discographique en commun, des démos (premiers jets) parviennent à l'époque à Baxter Dury. De fil en aiguille, il invite la jeune femme en résidence artistique, puis à chanter un morceau avec lui sur scène.
"On passait du temps ensemble, lui, sa copine, moi et mon copain. Et puis, il m'invite à Bristol pour enregistrer mes quatre premières chansons avec ses copains et parmi eux... Geoff Barrow", raconte l'auteure-compositrice-interprète à l'AFP. "Pour ma première expérience de studio, j'étais complétement en panique (rires), c'est une expérience qui restera à jamais".
- "Ecriture en ricochet" -
Alors que la plupart des artistes émergents enchaînent rapidement entre les premiers morceaux et le premier album, Alexia Gredy a pris le temps de "la réflexion". Un luxe permis par l'argent mis de côté après un passage par le mannequinat. Un "boulot alimentaire" pour financer des rêves musicaux qui prennent rapidement le pas sur des études de droit à la Sorbonne. "Pas pour être juriste mais être acheteuse d'art".
Pendant ses études, la guitare, offerte quand elle était gamine à Mulhouse et délaissée pendant l'adolescence, réapparaît entre ses mains (elle s'est mise au piano récemment). Les compositions initiales en anglais, pour se cacher, laissent place à l'écriture en français pour des premiers concerts dans des bars, organisés par des amis.
Pour chanter dans la langue de Françoise Hardy ou Marie Laforêt (dont les intonations trouvent un écho chez elle), le déclic est d'abord venu de lectures. "Françoise Sagan m'a beaucoup marquée, avec son style concis pour la dissection des relations amoureuses, et Boris Vian pour le côté rêveur, autour d'un imaginaire un peu rugueux". Côté disque, la bascule est signée Alain Bashung: "avec son écriture en ricochet, on ne saisit pas de quoi il parle, ça me permet d'inventer une histoire".
Chez elle, l'auditeur est ainsi convié à projeter ses propres images dans des textes à la poésie non corsetée comme "Hors saison", morceau-titre.
- "Vivre, écouter, regarder" -
Le motif des personnages qui se frôlent revient souvent, brossant des romances sur un fil. "Cette notion de +presque+ m'intéresse, c'est un champ des possibles qui s'ouvre", acquiesce-t-elle.
L'intensité des relations, "dans ce qu'elles peuvent avoir d'agréables ou pas", traverse la vidéo de "Vertigo" où les mains qui l'enserrent peuvent paraître sensuelles ou inquiétantes.
L'inspiration n'est pas seulement autobiographique, puisque, pour "raconter une histoire, il ne suffit pas de la vivre, il faut aussi écouter, regarder", comme elle le dit. Cette capacité d'observation irrigue le clip de "Un peu plus souvent" où on commence par la voir immobile au milieu d'une fête foraine en effervescence.
Musicalement, son disque brille de reflets de pop anglo-saxonne, avec quelques éclats d'électro. Il ne faut pas y voir qu'un legs de Geoff Barrow ou Baxter Dury. Parmi les musiciens à l'œuvre sur "Hors saison", on trouve Arnaud Pilard (du groupe français Aline, tourné vers l'Angleterre) ou encore, à la production, Benjamin Lebeau, moitié de The Shoes, fleuron de l'électro-pop. "Vertigo" bénéficie même d'un remix de Yuksek, autre tête chercheuse électro.
Avec de tels mécaniciens dans son stand, le bolide conçu par Alexia Gredy pourrait aller loin, pour reprendre la métaphore de la course automobile d'un de ses anciens clips, "Paradis".