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"C'est la vision d'une énorme boule de feu": le témoignage glaçant de Christelle Giovannetti, une victime, au procès des attentats de Bruxelles

"Je porte en moi l'image fantomatique des victimes décédées ce jour-là." Christelle Giovannetti, survivante de l'attaque terroriste dans la station de métro Maelbeek, est venue raconter à la cour ses souvenirs liés au triste 22 mars 2016. 

"Il faisait beau. J'avais rangé mon manteau d'hiver et sorti ma veste en cuir brun. En temps normal, je ne prends pas le métro mais, ce jour-là, j'avais une réunion alors j'ai pris le chemin de la station...", retrace la jeune femme. Une collègue l'informe qu'il y a eu une explosion à Zaventem. "Sur le quai, je me dis que tout le monde a les yeux rivés sur son téléphone. Les gens sont sans doute en train de se renseigner sur les attentats à l'aéroport." Christelle grimpe alors dans la première voiture et s'assied près de la fenêtre, dans le sens de la marche. Les portes se ferment, le métro démarre.

"Puis, c'est la vision d'une énorme boule de feu, d'un courant d'air qui passe à toute allure et le bruit assourdissant d'une explosion", détaille-t-elle. "Tout est noir, j'ai la bouche remplie de poussière et mon oreille gauche siffle." Quand elle s'extirpe du wagon, la jeune femme note autour d'elle les regards vides, les départs de feu, les panaches de fumée, le désastre. "Je comprends qu'un kamikaze s'est fait exploser", lâche-t-elle, lucide.

"Je continuais à chercher des vivants"

"En marchant, je regarde la voiture 2, je vois les décombres qui bougent. Alors je fais demi-tour et je dis à voix haute: 'Et merde, j'y vais", se souvient-elle. "Je cherche un passage, mais je me retrouve face à des corps sans vie, j'entends des râles et des gémissements et j'aperçois un bout de crâne coincé entre le quai et le métro." Malgré la terreur qui l'envahit, Christelle tente de venir en aide à plusieurs passagers prisonniers du métro: une dame dont les cheveux brûlent, une autre qui lui tend sa canne, un homme dont le pied est coincé sous les décombres.

"Je continuais à chercher les vivants au milieu de cet entrelacs, comme si une araignée avait tissé une grande toile de fer et de débris." Jusqu'à ce qu'on lui crie d'évacuer les lieux, de "dégager". Elle se demande alors comment marcher sur le sol sans piétiner des êtres humains. Christelle emprunte l'escalator auquel il manque des marches et se retrouve à l'air libre. "Arrivée sur le trottoir, je m'écroule, je suffoque. Les semelles de mes Converse sont pleines de sang et de chair. Je m'en veux", poursuit la rescapée.

À l'extérieur, elle trouve deux soutiens dans ce tableau apocalyptique: Pablo, un passant "au fort accent espagnol, guitare sur le dos", qui l'emmitoufle de sa grosse parka bleue pour lui tenir chaud, et Alex cet étranger devenu compagnon d'attentat. Ensuite, Christelle est prise en charge à l'hôtel Thon, converti en hôpital de fortune, avant d'être emmenée au CHU Brugmann. "Le soir, on m'a annoncé que je pouvais sortir. Pas de traitement, pas de suivi psychologique."

Les blessures sont toujours présentes

Depuis, les sept années qui se sont écoulées ont été un long combat, à la fois personnel, administratif, quotidien et physique. "Ma perte auditive est définitive, je souffre également d'hyperacousie, et les acouphènes ne partiront sans doute jamais", énumère-t-elle, regrettant les retombées familiales. "Mon mari et mes enfants sont des victimes collatérales de l'ombre. Mon homme a sacrifié sa passion pour la musique et les concerts par respect pour mes angoisses. Quant à mes enfants, je me sens démunie de ne pas les entendre appeler 'maman' la nuit."

À l'attention des accusés, elle adresse ce message: "Je porte en moi l'image fantomatique des victimes décédées ce jour-là. Vous m'avez pris mon insouciance et un peu de confiance, mais j'ai encore foi en l'humanité. Et j'ai entamé le chemin de la reconstruction. Peu m'importe le verdict, je fais confiance aux juges et aux jurés qui délibéreront sur cet acte criminel, barbare et ignoble", termine-t-elle, posant son regard sur les hommes assis dans le box, impassibles. "Je vous souhaite un bel avenir avec le troisième", a souri la présidente à la future maman. "C'est la vie qui revient."

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