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Faut-il taxer les "très riches" pour renflouer l'Etat? Voici la réponse de la patronne du budget fédéral

Alexia Bertrand était l'invitée de l'émission Face à Buxant ce dimanche sur RTL TVI. Ancienne élue du Mouvement réformateur, elle est désormais au parti flamand libéral, l'Open VLD. La secrétaire d'Etat du gouvernement fédéral chargée du Budget s'est notamment exprimée sur le déficit de la Belgique. Interrogée par Martin Buxant, Alexia Bertrand assure qu'elle ne souhaite pas toucher par exemple aux montants des pensions et aux droits des patients des soins de santé, mais elle affirme qu'une solution sera de réformer ces secteurs pour les rendre plus efficaces. Enfin, elle estime que le capital est suffisamment taxé en Belgique et que la solution n'est pas de taxer davantage les "très riches".

Martin Buxant: Le budget (fédéral) n'est toujours pas voté. Ce gouvernement fédéral est assez mal en point. Être la patronne du budget fédéral, c'est en fait gérer la tirelire nationale. Sauf qu'il n'y a plus beaucoup de pièces en Belgique. Il n'y a pas d'argent. Un déficit de 20 milliards d'euros en 2023, comment on fait pour vivre avec ça?

Alexia Bertrand: On fait ça étape par étape. Il faut surtout rester calme et continuer. On a pris des engagements vis-à-vis de l'Europe et on s'y est tenu. Je suis fière de pouvoir dire ça, parce que l'Etat fédéral a terminé un exercice budgétaire où on a encore trouvé des sous. Ce n'est pas évident, mais on l'a fait. Et on s'est conformé à nos engagements européens, c'est-à-dire ce qu'on avait inscrit dans le programme de stabilité. Pourquoi? Parce que vous connaissez la règle des 3% (règle européenne indiquant qu'un pays n'est pas censé excéder 3% de déficit sur son budget annuel), on doit y arriver pour 2026 et l'Etat fédéral s'y est tenu.

Martin Buxant: Donc il faut rembourser ce déficit, retourner vers l'équilibre budgétaire. Il y a une charge de la dette qui pèse sur les épaules des Belges. Est-ce que dans les années à venir il y a des choix importants qui vont devoir être posés? Des compétences qu'on ne pourra peut-être plus financer?

Alexia Bertrand: Le but, ce n'est pas de toucher par exemple aux patients dans les soins de santé, ce n'est pas de toucher aux montants de pension. Ce n'est jamais ce qu'on a fait. C'est de réformer le système. Vous avez raison de le dire, c'est important parce qu'on va devoir arriver à un retour à l'équilibre. On doit avoir des recettes et des dépenses qui soient davantage en équilibre. Aujourd'hui, le problème du budget, ce n'est pas du côté des recettes… et ce n'est pas seulement moi qui le dit, c'est aussi le Fonds Monétaire International (FMI), c'est du côté des dépenses. Donc on va devoir être plus efficace. Il va falloir faire des réformes dans les pensions, dans les soins de santé, dans la fiscalité, pour qu'il y ait plus de gens qui travaillent, plus de gens qui financent le système et le rendent pérenne.

Martin Buxant: C'est qui les plus mauvais élèves budgétaires de la classe belge? Ce sont les Wallons, les Flamands ou les Bruxellois?

Alexia Bertrand: Aujourd'hui, dans le dernier programme de stabilité, ce que je peux vous dire, c'est que nous, on s'est tenu à nos engagements. 

Martin Buxant: Vous, c'est le fédéral.

Alexia Bertrand: Oui. Il y a d'autres régions qui ne se sont pas tenues à leur trajet. 

Martin Buxant: C'est qui ?

Alexia Bertrand: C'est en l'occurrence la Flandre. Mais on sait que la Flandre s'en sort beaucoup mieux budgétairement. Alors eux, ils vont retourner à l'équilibre plus tard, mais ils ont décidé de post-poser cet équilibre. Cette année-ci, pour 2024, ils ne se tiennent pas à leurs engagements. Ça veut dire que ça pèse sur ce qu'on va rendre à l'Europe et ça nous met un petit peu en difficulté. C'est Bruxelles aussi.

Martin Buxant: Ce sont les Bruxellois les pires élèves de la classe?

Alexia Bertrand: Mais il y a la Wallonie aussi, qui a quand même une dette très élevée, mais qui s'est tenue aux engagements qu'elle a fait au comité de concertation (NDLR: comité où le fédéral et les régions se coordonnent).

Martin Buxant: Est-ce que la région bruxelloise est en état de faillite virtuelle?

Alexia Bertrand: Je crois qu'il y a des défis énormes à la région bruxelloise. Vous savez que c'est un budget qui est beaucoup plus petit que le budget de l'Etat fédéral. Mais c'est une dette qui est quand même importante. J'ia un collègue qui travaille là pour essayer de réduire cette dette et ce déficit. Mais je pense que pour la législature prochaine, il faudra qu'il y ait des accords très clairs là-dessus.

Martin Buxant: Vous refinancez l'Etat, est-ce qu'il faut davantage taxer les riches? Et c'est quoi un riche?

Alexia Bertrand: Le problème n'est pas tant du côté des recettes. C'est pas moi la seule qui le dit. Ce sont les taxes. On a des recettes fiscales qui correspondent à environ 150 milliards d'euros. Aujourd'hui, ce sont nos dépenses qui sont très élevées. Alors on peut dire qu'on va taxer les riches. La difficulté, c'est que le capital est très taxé en Belgique. On a la médaille d'or de bronze sur le podium européen. Le risque, je ne voudrais pas qu'on arrive à une situation où on va à nouveau taxer des petits indépendants, qui on travaillé toute leur vie, qui ont fait des investissements pour leur pension, qui ont mis de l'argent de leur côté. Ce n'est pas l'objectif.

Martin Buxant: Je vous pose aussi la question parce que vous êtes la fille d'un entrepreneur, d'un des investisseurs les plus riches de Belgique. Est-ce que vous pensez qu'il pourrait ou devrait payer davantage de taxes? Ou il en paie déjà suffisamment?

Alexia Bertrand: Je n'ai pas de tabou. On peut tout regarder. Dans la réforme fiscale d'ailleurs, le ministre des Finances avait mis sur la table la taxe sur les comptes-titres. Vous savez que c'est une taxe qui existe, qui est déjà financée par ceux qui gagnent le plus, ou en tout cas ceux qui ont mis le plus sur le capital. Je n'ai pas de tabou là-dessus. Ce que je défends, ce sont les gens qui travaillent, qui on travaillé et qui veulent travailler. Il faut diminuer la pression sur les bas et moyen salaires.

Martin Buxant: Donc on ne va pas regarder du côté des gens très riches, qui sont déjà taxés si je comprends bien?

Alexia Bertrand: A nouveau, il n'y a pas de tabou, mais si le but, alors, c'est d'arriver sur le podium avec la médaille d'or sur la taxation du capital, et d'avoir finalement des gens qui quittent le pays… on a besoin de gens qui entreprennent, on a besoin de gens qui créent de l'emploi et qui créent de la valeur. Ça, ça fait partie aussi de l'économie et de la prospérité belge.

Le capital est-il vraiment très taxé en Belgique?

Dans son interview, Alexia Bertrand assure que le capital est déjà très taxé en Belgique. Elle cite notamment la taxe sur les comptes-titres, c'est-à-dire les portefeuilles d'actions, d'obligations et de fonds dans lesquels on place son argent.

Avant d'aller plus loin, rappelons quelques-unes des taxes sur le patrimoine qui existent en Belgique:

  • droits de succession
  • taxes sur les revenus mobiliers
  • précompte immobilier
  • droits d'enregistrement et d'hypothèques à l'achat d'un bien immobilier

Le journal L'Echo a publié un article sur la taxation du capital en Belgique. Pour cartographier le sujet, nos confrères ont interrogé une brochette de spécialistes. "Cette cartographie, pour utile qu'elle serait, est impossible à réaliser, déplore Benoît Bayenet (professeur de finances publiques à l'ULB et à l'ULiège). "En matière de patrimoine financier, en l'absence de cadastre des fortunes, on ne dispose que de bribes. Imaginez: même le nombre de personnes concernées par la taxe sur les comptes-titres est ardu à obtenir!", peut-on lire.

La complexité du système fiscal belge, avec ses impôts fédéraux, régionaux et communaux, rend donc difficile tout résumé clair. Des instances internationales tentent de faire le point. L'OCDE indique que l'impôt sur le patrimoine pèse 3,56% du PIB en Belgique, davantage que l'Allemagne, les Pays-Bas ou la moyenne de l'OCDE (1,86%). De son côté, la Commission européenne affirme que la taxation sur le capital représente 10,6% du PIB, plaçant la Belgique en deuxième place des pays qui taxent le plus le capital.

Étienne de Callataÿ, économiste, nuance ces classements internationaux. "Ces chiffres ne veulent pas dire grand-chose. Ce qui est appelé revenu du capital chez nous est appelé revenu du travail ailleurs. En Belgique, plus que partout ailleurs, il existe des effets de composition", dit-il à L'Echo.

Conclusion des experts interrogés par nos confrères: la taxation du patrimoine en Belgique n'est ni excessive, ni trop faible, mais elle est mal répartie. Certains capitaux sont surtaxés, tandis que d'autres sont totalement exemptés de taxe, ce qui génère des inégalités.

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Commentaires

4 commentaires

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  • Qu'attendre de plus d'une traitresse à la wallonie

    Alain Schmit
     Répondre
  • Parce que nous avons déjà le taux de TVA le plus élevé d'Europe avec l'Italie ! De plus , elle dit clairement que le problème ne vient pas des recettes ( Dont la TVA ) qui sont suffisantes dans un des pays les plus taxés d'Europe , mais de la mauvaise gestion des dépenses, notamment par nos politiciens incompétents .

    marc cusenbol
  • Pourquoi ne pas augmenter la TVA de 21 à 22% ? C'est une mesure qui ne fait pas de discrimination entre les riches et les pauvres, qui n'est pas trop contraignante et qui est facile à percevoir et à contrôler par le fisc. A voir.

    André CESAR
     Répondre
  • Taxer mon papa milliardaire ? Non mais ça va bien la tête ?

    Pierre Gavroche
     Répondre