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Quelque 25.000 hommes, d'obédience communiste, soupçonnés de se financer grâce au trafic de drogue: les rebelles Wa, plus puissante guérilla de Birmanie, sont déterminés à rester maîtres du territoire sur lequel ils règnent depuis 30 ans grâce à l'appui de Pékin.
17 avril 1989, des membres de l'ethnie Wa, expulsés du Parti communiste birman, négocient un cessez-le-feu avec le gouvernement et fondent l'Armée unie de l'Etat Wa (UWSA). Une région spéciale semi-autonome, de la taille de la Belgique, leur est octroyée près de la frontière chinoise.
30 ans plus tard, ils ont convié les médias internationaux dans cette zone isolée et montagneuse pour une démonstration de force.
Plusieurs milliers de soldats de l'UWSA, dont un peloton de femmes et une unité de tireurs d'élite en tenue de combat, ont défilé mercredi aux côtés de véhicules blindés à Pangshang, capitale de l'ethnie Wa.
"J'ai été enrôlé à l'âge de 13 ans environ. Mon plus jeune frère est également soldat", a déclaré à l'AFP une recrue de l'UWSA, aujourd'hui âgée de 32 ans, sous couvert d'anonymat.
Objectif de la démonstration: montrer à l'armée birmane et à la myriade d'autres ethnies qui peuplent le pays que le mouvement est toujours aussi puissant.
Aujourd'hui les 600.000 personnes qui habitent dans la région "sont les maîtres de leur propre destin", a lancé Bao Youxiang, le chef de l'UWSA, dans un discours en présence de hauts dignitaires chinois.
Alimentée par une pléthore de recrues - certaines à peine entrées dans l'adolescence, l'UWSA est parfois comparée au Hezbollah d'une taille similaire: tandis que l'Iran tire les ficelles derrière le parti chiite libanais, la Chine appuie les rebelles Wa, qu'elle arme et qu'elle entraîne.
Pékin considère cette partie du territoire birman, où sa monnaie -le Yuan- est la devise officielle, comme son arrière-cour.
Grâce à ce puissant allié, leur mouvement est particulièrement redouté: l'armée birmane n'intervient pas dans la zone, contrairement à d'autres régions du pays où elle est aux prises à de multiples factions rebelles.
"Nous n'avons pas connu de combats depuis des décennies et nous nous sommes développés au cours de ces trente dernières années", relève à l'AFP un officier de l'UWSA, sous couvert d'anonymat. "Mais nous devons être prêts", ajoute-t-il.
- étain et drogues -
Depuis qu'elle a obtenu une semi-autonomie, la région a connu un boom économique.
Elle recèle l'une des plus grandes mines d'étain au monde et d'énormes plantations de caoutchouc.
L'Armée unie de l'Etat Wa joue aussi un rôle central dans le commerce de la drogue, d'après les observateurs. Impliquée dans la fabrication d'héroïne, elle aurait transformé une partie de ses activités pour se concentrer sur la production de méthamphétamines dans les nombreux laboratoires qu'abrite la région.
Depuis des années, les responsables de l'UWSA ont promis d'éradiquer l'opium. Ils affirment que c'est chose faite aujourd'hui.
"La culture du pavot n'apparaîtra plus jamais", a déclaré Bao Youxiang, affirmant lutter contre toute production de drogue dans son Etat.
Des propos impossibles à vérifier dans une région entièrement verrouillée et où les visiteurs étrangers sont rares.
L'Etat autoproclamé est tenue d'une main de fer depuis des années par l'autoritaire Bao Youxiang, né en 1949.
"Dans le moule (du président chinois) Xi Jinping, Bao est le chef de l'armée, du parti et du gouvernement. Il a été confirmé à vie dans ces postes", relève Anthony Davis, spécialiste des questions de sécurité régionale et basé à Bangkok.
Les Wa ont participé à des pourparlers de paix entre les autorités birmanes et des factions rebelles dans ce pays déchiré par les conflits éthniques, mais le processus stagne et un accord de cessez-le-feu à l'échelle nationale n'a toujours pas été conclu.