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Promis à la victoire lors du second tour de la présidentielle au Brésil, Jair Bolsonaro a séduit des millions d'électeurs avec un discours sécuritaire qui a fait mouche, malgré ses dérapages racistes, misogynes et homophobes.
L'ex-capitaine de l'armée à la rhétorique sulfureuse affiche sans complexe sa nostalgie des "années de plomb" de la dictature militaire (1964-1985).
Mais le candidat d'extrême droite, crédité de 59% des intentions de vote dans les derniers sondages, s'est défendu d'être une menace pour la démocratie, promettant d'être "esclave de la Constitution" et de gouverner "avec autorité, mais sans autoritarisme".
Regard bleu perçant, ce député de 63 ans épargné par les scandales de corruption qui rongent le Brésil a pour projet-phare de libéraliser le port d'arme pour permettre aux "gens bien" de se faire justice eux-mêmes.
Ironie du sort, Jair Bolsonaro a été lui-même victime de violence: le 6 septembre, il a frôlé la mort après avoir été poignardé à l'abdomen par un déséquilibré lors d'un bain de foule.
De quoi entretenir encore plus son image de "mythe" - le surnom que lui donnent ses plus ardents supporters - à présent assortie de celle d'un martyr.
Hospitalisé trois semaines, il n'a pas pu reprendre sa campagne dans les rues ni participer aux débats télévisés, mais est resté très actif sur les réseaux sociaux, où il fait un tabac, avec près de 14 millions d'abonnés sur Facebook, Twitter et Instagram.
- "Trump tropical" -
Le format concis et direct du numérique lui va comme un gant. Loin d'être un grand tribun -- il s'exprime avec une syntaxe approximative et a un cheveu sur la langue -- il sait s'adresser directement à l'électeur internaute avec des petites phrases qui font mouche.
Sa ligne politique est floue, en témoignent ses nombreux changements d'étiquette au fil des années.
Même s'il avoue ne rien comprendre à l'économie, il est parvenu à gagner la confiance des marchés grâce à son gourou Paulo Guedes, un "Chicago Boy" ultra-libéral, dont il veut faire un "super ministre".
Souvent surnommé le "Trump tropical", il cite fréquemment le président américain, qu'il admire.
Mais contrairement à Donald Trump, Jair Bolsonaro a déjà une longue carrière politique derrière lui: il siège à la Chambre des députés depuis 1991.
"Il parle des 'politiciens' comme s'il ne faisait pas partie de ce monde. Il a réussi à faire passer l'image d'un homme fort, adepte de la ligne dure, qui va combattre la corruption", explique Michael Mohallem, professeur de droit à la Fondation Getulio Vargas.
C'est ainsi qu'il s'est assuré le soutien de puissants lobbys au Parlement, notamment ceux de l'agro-business et des évangéliques.
De confession catholique, il est pourtant épinglé par certains sur le fait que ses cinq enfants (dont trois sont des hommes politiques) sont le fruit de trois unions.
En 2017, Jair Bolsonaro a fait étalage de sa misogynie en affirmant qu'après avoir eu quatre fils, il a "faibli" en engendrant une fille.
Un discours qu'il a tenté d'adoucir pendant l'entre-deux tours, avec notamment une vidéo de lui, les larmes aux yeux, évoquant la façon dont cette même fille, Laura, a "changé sa vie", alors qu'il pensait ne plus avoir d'enfants.
- Dérapages en série -
Bolsonaro est né en 1955 à Campinas, près de Sao Paulo, dans une famille d'origine italienne, et sa carrière militaire a été émaillée d'épisodes d'insubordination: il a même été accusé dans les années 80 d'une tentative d'attentat à la bombe pour obtenir une augmentation de solde.
À l'armée, il était également connu pour sa force physique, au point d'être surnommé "Cavalao", le grand cheval.
Jair Bolsonaro a fait l'essentiel de sa carrière politique à Rio, où il a été élu conseiller municipal en 1988 et a obtenu son premier mandat de député fédéral trois ans plus tard.
En tant que parlementaire, il s'est davantage illustré par ses dérapages dans l'hémicycle que pour les projets de loi qu'il a fait approuver, seulement deux en 27 ans.
En 2014, il avait fait scandale en prenant violemment à partie la parlementaire de gauche Maria do Rosario, lui lançant qu'elle "ne méritait pas" qu'il la viole car elle était "trop moche". Deux ans plus tard, il a fait l'éloge d'un tortionnaire de la dictature militaire (1964-1985).
M. Bolsonaro a également multiplié les déclarations homophobes: dans un entretien au magazine Playboy en 2011, il a affirmé qu'il préférerait avoir un fils "tué dans un accident" plutôt qu'homosexuel.