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John Bolton, le conseiller déchu de Donald Trump à la sécurité nationale, a étalé lundi ses désaccords avec la stratégie nord-coréenne du président américain, accusé de laisser son "ami" Kim Jong Un fabriquer des bombes atomiques en toute impunité.
Sur ce sujet comme sur d'autres, les différends étaient connus, et ils avaient été soulignés par le milliardaire républicain lorsqu'il s'était séparé du plus va-t-en-guerre de ses conseillers, le 10 septembre. Depuis, le bouillonnant diplomate était resté silencieux.
Lundi, lors d'une conférence organisée par le cercle de réflexion Center for Strategic and International Studies à Washington, il s'est dit "ravi" de pouvoir enfin "parler sans détours de la menace grave et de plus en plus grande" que représentent à ses yeux les armes nucléaires de la Corée du Nord.
L'ex-conseiller à la célèbre moustache, réputé pour sa fermeté à l'égard de Pyongyang, a contesté point par point le rapprochement spectaculaire engagé en 2018 par le président américain avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un. Une politique qui risque selon lui d'être vouée "à l'échec".
Après trois rencontres, Donald Trump vante désormais son "amitié" avec l'homme fort nord-coréen, auquel il dit faire "confiance". L'hôte de la Maison Blanche s'appuie sur un vague engagement en faveur d'une "dénucléarisation complète", pris lors de leur premier sommet en juin 2018 à Singapour mais jamais suivi de la moindre avancée concrète.
Pour John Bolton, les dés sont pipés: les Nord-Coréens "n'honoreront jamais cet engagement".
"La Corée du Nord n'a pas pris la décision stratégique d'abandonner ses armes nucléaires", a-t-il estimé. "C'est plutôt le contraire", a-t-il poursuivi, accusant Kim Jong Un de "faire tout son possible pour conserver des armes nucléaires opérationnelles" et "continuer à les développer".
"Il peut faire quelques concessions" pour obtenir un relâchement des sanctions, "mais dans les circonstances actuelles, il n'abandonnera jamais ses armes nucléaires de son plein gré", a-t-il insisté.
- Options extrêmes -
Du coup, tout le positionnement de Donald Trump est mis en cause.
Les affirmations présidentielles selon lesquelles "rien ne presse" malgré l'impasse des négociations? "Quand on dit cela, on dit en gros à la Corée du Nord": "prenez votre temps" pour "programmer, tester, produire et déployer ces armes".
L'arrêt des manoeuvres militaires à grande échelle avec la Corée du Sud? Un coup porté à la capacité de dissuasion contre le Nord, sur lequel le Pentagone "ou une enquête parlementaire" porteront un jour leur "jugement".
Quant aux récents tirs de missiles de courte portée nord-coréens, qualifiés de "normaux" par Donald Trump, John Bolton a assuré qu'ils représentaient bien une "menace".
"La Corée du Nord viole les résolutions" de l'ONU, a martelé l'ex-conseiller. "Quand les Etats-Unis, après avoir bataillé pour ces résolutions, disent +finalement on s'en fiche+, d'autres pays peuvent en déduire qu'ils n'ont pas besoin de respecter les sanctions", a-t-il prévenu.
Sa solution? Le fameux "modèle libyen", qu'il avait défendu au début du processus. Cela consisterait pour la Corée du Nord à renoncer en bloc à toutes ses bombes atomiques et missiles, en échange d'une levée des sanctions.
Cette comparaison avec la Libye de Mouammar Kadhafi, ultérieurement tué lors d'un soulèvement soutenu par des bombardements de l'Otan, avait provoqué la fureur de Pyongyang qui n'a jamais caché à quel point ce "faucon" était sa bête noire. Et Donald Trump lui-même a estimé que cette comparaison avait "sérieusement fait reculer" les négociations avec la Corée du Nord.
A défaut de modèle libyen, John Bolton a retrouvé les accents de quand il était chroniqueur pour la chaîne Fox News, avant d'être embauché par le 45e président des Etats-Unis: Washington, a-t-il plaidé, doit envisager des options extrêmes, parmi lesquelles "un changement de régime" ou le recours à "la force militaire" contre le pays reclus d'Asie de l'Est.
"Voilà les questions sur lesquelles nous devons nous concentrer, plutôt que sur un autre sommet avec Kim Jong Un", a-t-il lancé, dans un réquisitoire implacable de la diplomatie toute personnelle de son ex-patron. "L'heure ne doit pas être au désengagement ou au retrait. L'heure doit être à davantage d'implication et de leadership américains sur la péninsule coréenne, en Asie et partout dans le monde. Plus, pas moins."