(Belga) Alors qu'elle publie mardi son Classement mondial de la liberté de la presse, l'ONG Reporters sans frontières (RSF) identifie cinq crises qui mettent en péril l'avenir du journalisme: géopolitique, technologique, démocratique, de confiance et économique. A ce tableau sombre, s'ajoute la crise sanitaire liée au coronavirus, qui risque de peser sur le métier de journaliste, prévient RSF.
Le journalisme est confronté à une crise géopolitique, l'une des "plus saillantes (...) alimentée par les dirigeants et les régimes dictatoriaux, autoritaires ou populistes, qui déploient leurs efforts pour réprimer l'information et imposer leur vision d'un monde sans pluralisme ou journalisme indépendant", prévient RSF. L'ONG vise en particulier les régimes autoritaires, à l'instar de la Chine (177e), l'Arabie saoudite (170e) et l'Égypte (166e), "les plus grandes prisons au monde pour les journalistes". La crise technologique pourrait également mettre en péril le futur des journalistes, alors que "l'absence de régulations appropriées (...) a créé un véritable chaos informationnel", estime RSF. "Propagande, publicité, rumeurs et journalisme se trouvent en concurrence directe", déplore l'ONG. Les "garanties démocratiques pour la liberté d'opinion et d'expression" s'en trouvent déséquilibrées. Reporters sans frontières s'alarme que ce contexte favorise l'adoption de lois qui, "sous couvert de limiter la diffusion de fausses nouvelles, permettent une répression accrue d'un journalisme indépendant et critique". RSF pointe aussi du doigt une "crise démocratique" générée par "l'hostilité, voire la haine à l'encontre des journalistes". Elle entraîne "des passages à l'acte plus graves et plus fréquents" avec "un niveau de peur inédit dans certains pays". L'ONG dénonce que les présidents américain Donald Trump et du Brésil Jair Bolsonaro "continuent de dénigrer la presse et d'encourager la haine des journalistes dans leur pays respectif". Les Etats-Unis pointent à la 45e place tandis que le Brésil se situe à la 107e position. L'ONG s'inquiète également d'une "crise de confiance", la population mondiale semblant de plus en plus méfiante envers les médias, soupçonnés de diffuser des informations non fiables. Enfin, la crise économique pourrait avoir raison du journalisme, "la mutation numérique laissant dans de nombreux pays le secteur des médias exsangue". Les ventes baissent, les recettes publicitaires chutent et les coûts de fabrication et de distribution augmentent. Or, "des journaux dont la situation économique est affaiblie ont naturellement des capacités moindres de résistance aux pressions". Les phénomènes de concentration se sont par ailleurs accentués, tout comme les conflits d'intérêts "qui menacent le pluralisme et l'indépendance des journalistes". A ce tableau déjà très sombre, s'ajoute désormais une crise sanitaire, le coronavirus, s'inquiète RSF. L'ONG s'alarme notamment de dispositifs de censure massifs installés en Chine ou en Iran. En Irak, la licence de l'agence de presse Reuters a été suspendue pour trois mois, "quelques heures après avoir publié une dépêche remettant en cause les chiffres officiels des cas de coronavirus". En Hongrie, le Premier ministre Viktor Orban a fait voter une loi permettant d'infliger jusqu'à cinq ans de prison pour la diffusion de fausses informations. "La crise sanitaire est l'occasion pour des gouvernements autoritaires de mettre en œuvre la fameuse 'doctrine du choc': profiter de la neutralisation de la vie politique, de la sidération du public et de l'affaiblissement de la mobilisation pour imposer des mesures impossibles à adopter en temps normal", prévient Christophe Deloire, secrétaire général de RSF, appelant à la mobilisation de la population. (Belga)
