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(Belga) La Chambre débat mercredi en séance plénière des conclusions de la commission d'enquête qui a examiné les circonstances qui ont conduit à l'adoption et à l'application de la loi du 14 avril 2011 sur la transaction pénale élargie, un mécanisme permettant l'extinction de poursuites judiciaires contre une somme d'argent, y compris en cours de procédure, pour des délits et même des crimes correctionnalisables.
Au coeur des travaux figuraient un certain nombre d'interrogations sur une possible intervention partisane extérieure ayant influencé les processus législatif et judiciaire dans l'affaire du "Kazakhgate". Ces interrogations étaient nées de révélations de la presse, d'informations tirées d'enquêtes en cours en France et en Belgique. En 2011, à l'époque du président Nicolas Sarkozy, alors que se négociait un important contrat militaire portant notamment sur la vente d'hélicoptères, l'Elysée s'était montré soucieux de rencontrer les doléances kazakhes de voir trois milliardaires proches du président Nazarbaïev, Patokh Chodiev, Alijan Ibragimov et Alexander Machkevitch, tirés du marasme judiciaire dans lequel ils étaient empêtrés en Belgique dans l'affaire Tractebel. Une équipe a été mise en place par l'avocate française Catherine Degoul. Le sénateur et ancien président de la Haute assemblée Armand De Decker l'a rejointe. L'Elysée a obtenu satisfaction en 2011. La loi de transaction pénale élargie a été votée en Belgique et appliquée au trio. Lors des travaux de la commission d'enquête, les déclarations de l'ex-secrétaire général de l'Elysée Claude Guéant furent les plus spectaculaires parmi celles entendues de la bouche des 170 témoins auditionnés. "Ils ont effectivement fait un beau travail, puisqu'ils ont obtenu, moyennant la transaction, l'arrêt des poursuites qui étaient engagées depuis déjà dix ou douze ans dans une affaire dite 'Tractebel', je crois. Cela arrangeait la France, c'est vrai", a-t-il admis. Avant de préciser: "Pourquoi? Parce que le président du Kazakhstan, M. Nazarbaïev, avait fait savoir qu'il lui serait agréable que les poursuites contre M. Chodiev soient interrompues, soient arrêtées, que cela ne pourrait que faciliter les relations commerciales que nous pouvions avoir avec ce pays". Cependant, M. Guéant a également indiqué "avec force" qu'"il n'y a pas eu d'initiative de la France pour modifier la législation belge" et la commission d'enquête n'est pas arrivée dans ses conclusions à la mise au jour d'une influence partisane extérieure effective sur le processus législatif en Belgique. Les pratiques qui ont été constatées "sont conformes à l'usage politique et contribuent au bon fonctionnement de l'Etat", a-t-elle jugé. S'agissant du volet judiciaire, elle en est en revanche venue à estimer "inacceptable que des autorités étrangères s'immiscent, de quelque manière que ce soit, dans une instruction judiciaire en cours en Belgique", une pierre dans le jardin de l'Elysée. La commission n'ira cependant pas au-delà. Le rôle du ministre d'Etat et député bruxellois MR Armand De Decker, encore vice-président du Sénat à l'époque (il dirigera même les travaux sur l'adoption d'une loi de transaction pénale dite réparatrice), est, lui, pointé du doigt pour des questions de conflit d'intérêts et de déontologie tant dans le volet législatif que judiciaire. Il lui est reproché d'avoir effectué une demande auprès du ministre de la Justice de l'époque Stefaan De Clerck et de son cabinet, qui "si elle avait été acceptée aurait enfreint la séparation des pouvoirs". M. De Decker les a interrogés, sans avoir annoncé sa qualité de conseil de Chodiev et consorts, au sujet de l'évolution de la législation sur la transaction pénale élargie, et du dossier judiciaire à l'instruction. "Armand De Decker a profité de son statut de vice-président du Sénat afin d'obtenir des avantages dans l'exercice de sa profession d'avocat", a estimé la commission d'enquête. Elle note aussi qu'"en dépit d'un conflit d'intérêts, M. Armand De Decker, tout en faisant partie de l'équipe d'avocats de M. Patokh Chodiev et consorts, a participé, sans signaler un tel conflit d'intérêts, au travail législatif qui a conduit à l'adoption du principe de la transaction pénale amiable et à l'adoption de la loi réparatrice". Même si - pour les épargner, dira-t-il - il ne s'est pas ouvert de ces contacts auprès de ses collègues de gouvernement, l'ex-ministre De Clerck n'est, lui, pas inquiété par le rapport. M. De Decker se voit quant à lui également reprocher une même faute déontologique pour avoir entrepris des actions auprès de la Sûreté de l'Etat. Des contacts avaient ensuite été noués avec les services français. (Belga)