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Assis les uns derrière les autres, des hommes s'activent sur de vieilles machines à coudre. Jusqu'à récemment, ces Palestiniens fabriquaient des jeans et des t-shirts mais ils s'attellent aujourd'hui à la confection de combinaisons et masques "made in Gaza" contre le coronavirus.
Dans cet atelier de l'enclave palestinienne aux frontières extérieures actuellement fermées, les masques bleus débordent des tables et les combinaisons, bleues également, sont empilées au sol.
"Nous avions l'intention d'importer des masques et des combinaisons de Chine mais l'importation pose des difficultés, alors nous avons décidé de les concevoir à Gaza", explique Hassan Alwan, le directeur de l'entreprise Queen Tex.
La bande de Gaza a officiellement enregistré 12 cas de nouveau coronavirus sur ses deux millions d'habitants.
Mais les experts craignent que ce nombre soit inférieur à la réalité, car les capacités de dépistage y restent limitées, et estiment qu'une propagation de l'épidémie serait désastreuse dans cette langue de terre densément peuplée (plus de 5.400 habitants au km2), à la pauvreté chronique et aux infrastructures sanitaires défaillantes.
Les employés de Queen Tex respectent les standards internationaux pour assurer une qualité maximale à leurs produits mais ils manquent de matériaux, avec pour résultat seulement 1.000 combinaisons sorties de l'usine jusqu'à présent, soutient M. Alwan.
La bande de Gaza est presque coupée du monde, Israël lui imposant depuis plus de dix ans un blocus quasi total pour, dit-il, contenir le mouvement islamiste Hamas au pouvoir. Les deux ennemis se sont livré trois guerres depuis 2007.
- Opportunité? -
Avant cette date, de nombreuses usines palestiniennes vendaient leurs produits en Israël. La crise du nouveau coronavirus pourrait s'avérer être une opportunité pour la fragile industrie textile de Gaza, espère Maher al-Tabbaa, de la Chambre de commerce locale.
"L'industrie textile de Gaza est caractérisée par la grande qualité de ses produits et peut se tailler un chemin sur le plan international si on lui donne la possibilité d'exporter", affirme-t-il.
Mais, pour l'heure, la priorité, c'est Gaza. Le Hamas a indiqué qu'aucun masque ou combinaison ne pourrait être exporté tant que les besoins du marché local ne seraient pas satisfaits.
Hassan Shehata, codirecteur de l'usine Hasanco, espère tout de même pouvoir vendre ses produits en Israël, comme il le fait déjà parfois.
"Des entreprises israéliennes nous ont envoyé du tissu (la semaine dernière) pour produire des masques médicaux", explique-t-il. "Ils ont besoin de millions de masques, nous voulons en produire trois millions."
Ses dizaines d'employés s'affairent dix heures par jour mais manquent de machines pour atteindre les objectifs, déplore M. Shehata.
- Semblant de vie normale -
L'émissaire de l'ONU pour le Proche-Orient Nickolay Mladenov a alerté le Conseil de sécurité lundi sur les risques que pose la crise sanitaire actuelle sur un territoire comme Gaza.
"Gaza est l'une des zones les plus peuplées du monde. Avec un système de soins déjà fragile, cela en fait un territoire particulièrement menacé en cas d'irruption de la maladie".
Pour l'heure, seuls deux hommes revenus d'un voyage au Pakistan, sept agents de sécurité ayant été en contact avec eux et une autre personne ont été recensés comme porteurs du virus à Gaza.
Plus de 1.500 personnes ont par ailleurs été placées en quarantaine dans le sud du territoire après être rentrées d'Egypte. Depuis, les points de passage avec l'Egypte, comme avec Israël, ont été fermés.
Le Hamas a pris des mesures, comme la fermeture des écoles, avant même l'apparition du virus sur le territoire, lorsque les cas de Covid-19 ont commencé à se multiplier en territoire israélien, dont l'enclave est séparée par une large barrière sécurisée.
Dans les rues de Gaza, l'arrivée d'équipements de protection a toutefois permis aux habitants de maintenir un semblant de vie normale.
Les étagères de Rami Azzam, barbier, sont désormais pleines de ciseaux, gel, mais aussi de spray désinfectant et de boîtes de masques et de gants.
"Les employés du ministère de la Santé viennent quotidiennement pour stériliser les salons, ils ont imposé des mesures strictes", explique cet homme qui porte un masque fabriqué à Gaza.
Souleimane al-Dahdour, 28 ans, s'est pendant un temps retenu d'aller dans un salon de coiffure, puis y est retourné après avoir entendu que les barbiers se protégeaient au maximum.
"Bien sûr qu'il y a de la peur", dit-il. "Mais comme vous pouvez le constater, le barbier porte masque et gants."