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Décryptage – Le bassin méditerranéen suffoque sous la sécheresse: va-t-on manquer d'eau douce?

L'année 2023 était la plus chaude jamais enregistrée, et 2024 pourrait bien être pire. De nombreux records de températures ont été enregistrés dans le bassin méditerranéen. A quelques mois de partir en vacances, une sécheresse critique s'installe dans toute la région, notamment à cause du déficit de précipitations, qui est devenu peu à peu la norme. En conséquence, le bassin méditerranéen suffoque, et cela a de nombreux impacts. 

Records battus concernant la chaleur des océans, l'élévation du niveau de la mer, le recul des glaciers, mais aussi de sécheresse... L'année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée, avec une température moyenne à la surface du globe de 1,45°C au-dessus du niveau de référence de l'ère préindustrielle. C'est ce qu'affirme un nouveau rapport de l'Organisation météorologique mondiale (OMM), une agence de l'Onu. 

Il s'agit par ailleurs de la décennie (2014-2023) la plus chaude jamais observée. La planète est "au bord du gouffre", alerte l'Onu dans son rapport. Et une région est particulièrement touchée par la sécheresse: le bassin méditerranéen. C'est toute la Méditerranée occidentale qui est affectée, de l'Afrique du Nord à l'Espagne en passant par l'Italie ou encore la France. 

Une sécheresse critique 

Après une année 2023 qui a battu tous les records, 2024 débute dans "des conditions critiques" de sécheresse dans le bassin méditerranéen. C'est ce qu'observent les scientifiques du Centre commun de recherche de la commission européenne (JRC) dans un rapport publié le 20 février. Ils évoquent même un état d’alerte pour le sud et l’est de l’Espagne, le sud de la France, la majorité de l’Italie, Malte, Chypre, une partie de la Roumanie, la Grèce, et la Turquie. Globalement, tout l’ouest du bassin méditerranéen. 

Le JRC insiste sur l’extrême gravité de la situation au Maghreb. En Tunisie, Algérie, Maroc et Libye, les précipitations se font rares, même l'hiver. Ces pays risquent de tomber d'ici 2030 sous le seuil de la "pénurie absolue" en eau (500 m3 par an et habitant), selon la Banque mondiale. Le Maroc est déjà à 600 m3, la Tunisie à moins de 400...

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Il n'a pas plu depuis 6 ans au Maroc © Belga Images

Le bassin méditerranéen se réchauffe 20% plus vite que le reste du monde 

Après l'Arctique, la Méditerranée serait même la région du monde la plus touchée par le réchauffement climatique. Le bassin méditerranéen se réchauffe 20% plus rapidement que la moyenne mondiale, avec des températures de 1,5 °C environ au-dessus des moyennes, contre +1,1 °C pour le reste de la planète, selon le rapport du réseau méditerranéen d’experts sur les changements climatiques et environnementaux (MedECC) publié en 2020. 

D'après les experts du MedECC, il y aura à l'avenir "une diminution constante des précipitations au cours du XXIe siècle". Ils annoncent même que "sans mesures d’atténuation supplémentaires, l’augmentation régionale des températures sera de 2,2°C en 2040, pouvant dépasser 3,8°C en 2100"

Les événements extrêmes comme les canicules, sécheresses, inondations et incendies deviennent donc plus fréquents dans cette partie du globe, où le déficit de précipitations est déjà presque devenu la norme. Le sud de l'Europe vit sa troisième année consécutive de sécheresse. Le Maroc, lui, affronte sa sixième année sans précipitations. 

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Carte du bassin méditerranéen montrant les zones touchées par la sécheresse © RTL info, sources: Copernicus, Chirps

Quel impact cette sécheresse extrême aura-t-elle sur le long terme? Existe-t-il des solutions? L'année 2024 sera-t-elle encore pire? Ces pays manqueront-ils d'eau? On fait le point. 

L'année 2024 battra-t-elle tous les records de chaleur? 

L'année 2024 semble bien partie pour battre encore des records de chaleur. Pour Hugues Goosse, climatologue à l’Université Catholique de Louvain, "l’année commence bien pour battre le record de 2023: janvier et février étaient déjà très chauds". Il est encore trop tôt pour l'affirmer, "mais toutes les conditions sont réunies pour battre un record, ce sera une année très chaude", met-il en garde.

En janvier, la France a connu des record de températures, allant du le long de la Méditerranée, de l'Aude jusqu'au Var, ainsi que dans les Hautes-Pyrénées, où le thermomètre a grimpé au-dessus de 22°C. "Depuis février 2022, tous les mois ont été au-dessus des normales, excepté avril 2023", qui était pour sa part tout juste conforme aux normales des années 1991-2020, indique Météo-France dans son bilan mensuel.

Mais la France n'est pas le seul pays du bassin méditerranéen à déjà avoir été touché par des températures records. L'Espagne, la Sicile ou encore le Maghreb ont aussi connu des températures très chaudes. 

De l’Espagne à l’Italie, en passant par les Pyrénées-Orientales, le bassin méditerranéen se trouve aujourd’hui confronté au manque d’eau. Et d'après les scientifiques, cette tendance devrait s’intensifier dans les décennies à venir. Toute la zone est menacée d’aridification, avec de graves conséquences pour les humains mais aussi pour les écosystèmes.

L'Italie, et plus particulièrement la Sicile, touchée par une sécheresse extrême

D’abord placée en alerte sécheresse au mois de janvier, la Sicile est depuis début février passée en état de catastrophe naturelle. Une cellule de crise a été ouverte afin de porter secours au monde agricole, sévèrement frappé par la pénurie. Car la sécheresse a ruiné les récoltes et vidé les réservoirs d’eau de l’île méditerranéenne. La Sicile a enregistré 8 mois d'"aridité presque totale", selon l'Observatoire des ressources hydriques (ANBI). 

Après des mois sans pluie, le niveau de presque tous les réservoirs de Sicile est tombé sous le seuil d’alerte, rendant impossible l’irrigation des terres. Le déficit pluviométrique a atteint 16,35 millions de m3 rien qu’entre les mois de novembre et décembre, soit l’équivalent d’un mois d’approvisionnement en eau potable pour toute l’île.

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Le blé n'a pas poussé cette année sur ce champ, complètement à sec à Lentini en Sicile © Belga Images

Selon l'agence régionale de météorologie, le second semestre de 2023 a été le plus sec depuis plus d'un siècle, alors que l'île avait déjà atteint en 2021 le record européen de température avec 48,8°C. En raison du changement climatique, les sécheresses et épisodes caniculaires sont appelées à être de plus en plus fréquents en Sicile, tout comme les fortes pluies et les vagues de chaleur.

Cette sécheresse extrême a de nombreux impacts, notamment sur les réserves en eau de l'île. Incapable de remplir ses réservoirs, la Sicile a été contrainte de rationner l'eau potable dans des dizaines de villes pour la première fois, ce qui a affecté les champs de blé, les orangeraies et les oliveraies. La sécheresse à laquelle l'île est confrontée depuis 3 ans a donc un gros impact sur l'agriculture et les récoltes.

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La sécheresse a entrainé des mesures de restrictions d'eau, ce qui impacte l'agriculture, et notamment les oranges, à Lentini en Sicile © Belga Images

Environ 70% du territoire de la Sicile est à risque de désertification, en raison de longues périodes sans précipitations, mais aussi à cause de l'urbanisation non contrôlée, selon l'ANBI. De manière générale en Italie, les cours de l’huile d'olives se sont mis à flamber et ont doublé en 1 an. En conséquence: une récolte compliquée par les épisodes climatiques extrêmes auxquels le pays est confronté. Et ça ne devrait pas s'arranger de sitôt...  

Des difficultés du même ordre sont constatées sur une autre île italienne, la Sardaigne, elle aussi en proie à la raréfaction de l'eau. Certains réservoirs peinent à atteindre 50 % de leurs capacités de réserve. En janvier, les images satellite du service européen Copernicus, dédié au réchauffement climatique, ont clairement montré une baisse significative du niveau du lac Alto del Flumendosa, qui fournit de l'eau douce à une grande partie de l'est de la Sardaigne.

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Lac Alto del Flumendosa, qui fournit l'eau douce à une grande partie de la Sardaigne, a significativement baissé © Union européenne, Copernicus Sentinel-2 imagery

Le Maroc et son barrage, le deuxième plus grand du pays, presque à sec 

Au Maroc, la situation est critique. Le pays enchaîne sa 6e année consécutive de sécheresse, et donc d'approvisionnement en eau. Selon les ministres marocains de l'eau et de l'agriculture, les précipitations s'avèrent inférieures de 70 % au niveau moyen enregistré chaque année. 

Le barrage Al-Massira, deuxième plus grand réservoir d’eau du pays, est à sec. L'eau a laissé place à une vaste étendue de terre craquelée. Il n'y a pas si longtemps, ce lieu abritait un immense lac. La situation est critique, au point de faire peser une menace sérieuse sur l’approvisionnement en eau potable des villages et des villes.

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Le barrage Al-Massira, deuxième plus grand réservoir d'eau du Maroc, est à sec © Belga Images

La période de 2019 à 2022 a été la plus sèche depuis les années 1960, selon la direction générale de la météorologie, tandis que 2023, également marquée par une faible pluviométrie, a connu cinq vagues de chaleur, dont un record absolu de 50,4 °C à Agadir en août.

La hausse des températures accroît l’évaporation de l’eau dans les barrages, qui ne sont plus remplis qu’à 23 %. A Al-Massira, c’est 1 %. En conséquence, les prélèvements sont de plus en plus profond dans des nappes souterraines qui ne se renouvellent pas. 

A Berrechid, province marocaine historiquement riche en blé, les champs de céréales sont à sec à cause du manque de précipitations dans la région. Plus de 88 % des vastes terres agricoles de Berrechild ne sont pas irriguées, les agriculteurs dépendant plutôt de la pluie, qui se fait de plus en plus rare, selon le ministère marocain de l'Agriculture.

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Un champ de céréales à sec dans la province marocaine de Berrechid © Belga Images

La Catalogne en état d'urgence, l'Espagne touchée par la sécheresse 

Habituée aux fortes températures, l'Espagne est confrontée à des épisodes de chaleur de plus en plus nombreux et rapprochés, parfois en dehors des mois d'été, ce qui inquiète les scientifiques. Au mois de janvier dernier, des températures avoisinant les 30°C degrés ont été enregistrées, selon l'agence météorologique (Aemet), inquiète face à cette "anomalie".

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En Catalogne, l'église engloutie du lac-réservoir de Sau entièrement mise au jour à cause de la sécheresse © Belga Images

La Catalogne, elle, est confrontée à sa "pire sécheresse depuis 1 siècle" d’après le président du gouvernement régional. La région est d'ailleurs placée en état d’urgence depuis le 1er février, ce qui implique des mesures de restrictions d'eau. Une ressource qui se raréfie de plus en plus. La région fait face à 32 mois sans pluies significatives... 

En conséquence, le lac-réservoir de Sau est quasiment à sec, comme on peut le voir sur l'image ci-dessous. L'église engloutie est d'ailleurs entièrement mise au jour à cause de la sécheresse... 

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Le lac-réservoir de Sau, plus important réservoir d'eau de Catalogne, à sec en ce début d'année © Belga Images

Ces fortes chaleurs et cette sécheresse ont un impact sur l'agricutlure. L'Espagne est le premier producteur mondial d’olives, mais la récolte s'est effondrée dans le pays. 

Et la Belgique? 

La Belgique n'est pour l'instant pas concernée par une vague de sécheresse suite à un hiver bien humide. De manière générale, "la Belgique est moins sujette aux sécheresses car le climat y est différent que dans le bassin méditerranéen", explique Hugues Goosse, climatologue à l'UCL. Malgré un climat censé être plus humide, la Belgique a déjà connu des épisodes de sécheresse dans le passé. "Et ça pourrait se reproduire, mais on n'aura pas des situations critiques comme en Espagne", précise-t-il. 

"L'effet le plus clair et le plus marquant du changement climatique, c'est les vagues de chaleur. C'est ce qui arrive déjà, et ça va continuer", ajoute le climatologue.

Selon les projections de l’IRM, les vagues de chaleurs vont s’intensifier et les périodes de sècheresse en Belgique vont se multiplier d'ici au milieu du XXIᵉ siècle. C’est pour cette raison qu’il est important d’adopter dès à présent des gestes simples du quotidien pour préserver notre or bleu, l’eau, qui se fait de plus en plus rare sur tout le pourtour méditerranéen.

Quelles solutions?

En Espagne, Barcelone s’apprête à aller chercher de l’eau douce par bateau jusqu’à Valence et se dote de deux grandes usines de dessalement d’eau de mer pour approvisionner ses habitants. Dans tout le Maghreb, les gouvernements annoncent eux aussi de nouvelles infrastructures de ce type. 

Le Maroc compte déjà 12 stations de dessalement dont l'eau est destinée à 25% à l'agriculture, secteur crucial pour le pays. Sept nouvelles sont prévues avec l'objectif "à court terme" de dépasser le milliard de m3 annuels, selon le ministère de l'Eau. 

Dans le monde, il existe 17.000 stations de dessalement d'eau de mer. La moitié de la production a lieu dans les régions soumises aux températures les plus extrêmes, comme le Moyen-Orient ou l'Afrique du Nord. A l’échelle mondiale, plus de 300 millions de personnes sont directement dépendantes de ces technologies. C'est donc un enjeu important de développement ou de maintien d’activités agricoles dans bien des pays du monde.

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Usine de dessalement de l'eau de mer en Australie

Le dessalement d'eau de mer, la fausse bonne idée? 

Le dessalement d'eau de mer "est la seule solution" pour obtenir de nouvelles ressources en eau potable, explique à l'AFP le PDG sortant de l'entreprise des eaux tunisienne Sonede, Mosbah Helali évoquant une situation "alarmante". En France aussi, quelques communes dessalent l'eau de mer pour alimenter leurs habitants en eau potable.

Sur le papier, l'idée paraît alléchante pour "contourner" les problématiques de sécheresse. Dans les faits, plusieurs limites s'opposent à sa généralisation.

D'abord, l'impact environnemental de ces usines est de plus en plus critiqué, notamment par l'Onu qui lançait une alerte en 2019. En cause, le rejet de saumure (ndlr, eau très chargée en sel) et son impact sur l'environnement. Selon plusieurs études, elle serait en partie responsable de l'augmentation de la température des océans.

Ensuite, une telle opération demande aussi énormément d'énergie pour pouvoir être assurée jour et nuit. Autre point: le prix d'un m3 d'eau produite de cette façon, qui est quatre fois plus élevé que la moyenne. 

A cause du réchauffement planétaire global, de nombreux pays devront faire appel de plus en plus à ces technologies pour avoir accès à l’eau douce. Il faudra en complément prévoir une vraie gestion de l’impact écologique, afin de ne pas accélérer le réchauffement climatique et augmenter les gazs à effet de serre. Face à l'or bleu qui se raréfie, une bonne gestion de l'eau est primordiale afin de maintenir la vie sur Terre. 

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Commentaires

3 commentaires

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  • Je ne suis pas expert ni sûr à 100% que ce ne soit pas un effet naturel qui va se corriger de lui même mais le climat change, avant on avait de la neige chaque année et ça fait 5 ans que je n'en vois plus par exemple, les températures ne descendent plus si bas qu'il y a quelques années et ça on ne peut pas contredire donc à voir dans le futur.

    keykeybe greg
  • le réchauffement climatique, c'est une grosse arnaque pour que les état débloque des fonds et sorte de nouvelle lois ou type de voiture ou différentes facon de taxé les peuples. il n'y a pas de réchauffement climatique, c'est des conneries

    yaman eylul
     Répondre
  • faudra juste leurs vendre le prix de l'eau douce ...au prix du pétrole et du gaz ...ça va venir !! ....patience !

    abdoule carolo
     Répondre