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Immense acteur de cinéma, Jean-Louis Trintignant, décédé vendredi à l'âge de 91 ans, n'avait jamais abandonné la scène, qui lui a offert ces dernières années une sorte de consolation, voire de "thérapie" après le décès de sa fille adorée Marie.
"Je préfère le théâtre, j'aurais pu passer ma vie à faire du théâtre", lance-t-il en mai 2017, à la veille du Festival de Cannes où il devait présenter "Happy End" de Michael Haneke, reconnaissant que "le cinéma c'était mieux payé".
Le théâtre, "c'est notre vrai métier; on fait du ciné un peu par vanité parce que c'est beaucoup plus reconnu", renchérit-il dans un entretien à l'AFP en 2018.
Ces dernières années, le comédien était remonté sur scène sous l'amicale pression de ses proches, pour des récitals de poèmes.
En mars 2017 à la salle Pleyel, puis au Théâtre de la Porte Saint Martin l'année d'après, il est apparu pour des lectures de poèmes de Prévert, Vian et Desnos, accompagné à l'accordéon par Daniel Mille et son quatuor à cordes jouant Piazzolla.
Trintignant avait commencé ses récitals poétiques à la fin des années 90 avec sa fille Marie. Ensemble, ils lisent notamment les "Poèmes à Lou", lettres d'amour d'Apollinaire à sa bien aimée, un spectacle qu'il donnera en 2005 au Festival d'Avignon en hommage à Marie, morte deux ans plus tôt des coups portés par son compagnon Bertrand Cantat.
L'amour du théâtre ne l'a jamais quitté: il avoue dans un entretien à l'Obs qu'il "n'a jamais aimé" Cannes et qu'il "n'aime pas trop le ciné".
Ces dernières années, il avait plusieurs fois annoncé son départ définitif de la scène, avant d'avouer: "je devrais m'arrêter, mais je ne veux pas. Les moments les plus heureux de ma vie, c'est quand je travaille, quand je fais du théâtre".
Jeune homme, Trintignant se rêvait coureur automobile, et c'est la découverte de la poésie puis du théâtre dans les arènes de Nîmes ("Jules César" de Shakespeare) ou encore "L'Avare" de Molière mis en scène par Charles Dullin qui l'orientent vers la scène.
- Un timide qui l'est resté -
Ce méridional "monte" à Paris où il suit les cours de Charles Dullin puis de Tania Balachova à Paris. Employé comme figurant au Théâtre national populaire de Jean Vilar, il côtoie un certain Gérard Philipe.
"Le théâtre est une thérapie extraordinaire pour un timide", dira-t-il, avouant n'avoir jamais totalement dépassé cette timidité.
Il débute en 1951 dans "A chacun selon sa faim" de Jean Mogin mis en scène par Raymond Hermantier. L'année suivante, il participe à l'aventure de la Comédie de Saint-Etienne, pionnière du théâtre populaire, avec "Macbeth" mis en scène par Jean Dasté.
En 1954, il décroche son premier grand rôle dans "Responsabilité limitée" de Robert Hossein, mis en scène par Jean-Pierre Grenier.
Parallèlement, il a commencé des études à l'Idhec, l'école du cinéma et fait ses débuts sur grand écran avec "Si tous les gars du monde" de Christian-Jaque (1956) et surtout "Et Dieu ... créa la femme" de Vadim qui le rend célèbre mais qu'il avouera plus tard "ne pas aimer beaucoup".
Le service militaire pendant la guerre d'Algérie, qu'il "l'a complètement démoli", le tient éloigné du théâtre et du cinéma.
Il retrouvera toute son énergie grâce à "Hamlet" mis en scène par Maurice Jacquemont au Théâtre des Champs-Elysées. Mais il sera rapidement happé par le cinéma (plus de 60 films en vingt ans!), délaissant la scène qu'il va retrouver dans les années 80 et 90. Il est à l'affiche des "Love letters", et de la pièce à succès de Yasmina Reza "Art" avec Pierre Vaneck et Pierre Arditi puis Pierre Vaneck et Jean Rochefort (1996 à 1998).
Vient ensuite le temps des lectures complices avec sa fille Marie.
A partir des années 2000, la poésie prend le pas sur le théâtre, comme si le comédien pouvait y laisser, et là seulement, libre cours à sa mélancolie.