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La Cour suprême des Etats-Unis a infligé un nouveau camouflet jeudi aux opposants d'une loi du Texas qui, depuis quatre mois, interdit d'avorter dès six semaines de grossesse.
La haute juridiction, qui compte une solide majorité conservatrice (six juges sur neuf), a refusé, sans expliquer ses motifs, de renvoyer le dossier devant un juge fédéral qui, en première instance avait bloqué cette législation.
Concrètement, cela signifie que le dossier reste aux mains de la très conservatrice cour fédérale d'appel de la Nouvelle-Orléans, où la procédure est embourbée.
Les trois magistrats progressistes de la Cour suprême se sont dissociés de leurs collègues dans un texte au ton acide.
"Aujourd'hui, pour la quatrième fois, la Cour a refusé de protéger les femmes enceintes du Texas", a écrit la juge Sonia Sotomayor en leur nom. "La Cour regarde ailleurs" alors que le Texas "prive ses citoyens de leurs droits constitutionnels", a-t-elle ajouté.
Depuis le 1er septembre, cet Etat du Sud interdit d'avorter, même en cas de viol ou d'inceste, dès que les battements de coeur de l'embryon sont perceptibles, à environ six semaines de grossesse, quand la plupart des femmes ignorent encore être enceintes.
Une dizaine de lois comparables ont été invalidées dans le passé parce qu'elles violent la jurisprudence de la Cour suprême: celle-ci a reconnu en 1973, dans son arrêt historique "Roe V. Wade", et réaffirmé en 1992, le droit des Américaines à avorter tant que le foetus n'est pas viable, soit vers 22 à 24 semaines de grossesse.
Mais le Texas a imaginé un dispositif exceptionnel: sa loi confie "exclusivement" aux citoyens le soin de faire respecter cet interdit, en les encourageant à poursuivre au civil les personnes et organisations qui aident les femmes à l'enfreindre contre la promesse de 10.000 dollars de dédommagement.
Faute de responsable officiel à qui ordonner de ne pas appliquer la loi, ce mécanisme complique l'intervention de la justice fédérale. Saisie à plusieurs reprises, la Cour suprême s'est abritée derrière ces "questions nouvelles de procédure" pour rester à l'écart.
Son inaction, perçue comme le signe de l'influence des trois juges nommés par Donald Trump, montre qu'elle n'est pas disposée à défendre le droit à l'avortement.
Elle pourrait même y renoncer dans un dossier distinct émanant du Mississippi. Lors de l'audience consacrée à celui-ci, plusieurs de ses magistrats ont semblé prêts à annuler l'arrêt Roe v. Wade, ce qui autoriserait chaque Etat à faire ce qu'il veut en matière d'interruption de grossesse.