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A Manchester, dans le nord-ouest de l'Angleterre, les élections locales anglaises de ce jeudi représentent une rare chance pour les Européens vivant sur place de peser sur la politique du Royaume-Uni, à moins d'un an du Brexit. Mais leur voix a parfois du mal à passer.
Les militants pro-UE ont exhorté les citoyens européens vivant au Royaume-Uni à user de leur droit de vote pour envoyer un message de mécontentement sur la direction prise par le gouvernement conservateur sur le Brexit, en mettant à leur profit la participation généralement faible dans ce type de scrutin local.
Membre du groupe The3Million, qui représente les intérêts des quelque 3,7 millions d'Européens au Royaume-Uni, Cristina Tegolo se présente sur la liste de l'europhile Parti libéral démocrate, dans le nord de Manchester. Cette architecte sicilienne a tenté de convaincre les immigrés européens de voter, et les partisans du maintien du Royaume-Uni dans l'UE de faire du Brexit l'enjeu central de ces élections locales.
Avec des résultats contrastés.
"Cela m'a rendue encore plus susceptible qu'avant de voter libéral-démocrate", a expliqué Charlotte Dalgarno, interrogée par l'AFP devant sa maison de Prestwich, où Cristina Tegolo faisait du porte-à-porte pour tenter de rallier les indécis à quelques heures de l'ouverture des bureaux de vote, prévue jeudi matin.
Dalgarno, 40 ans, une mère de famille de trois enfants mariée à un Italien, a fait une demande de passeports italiens pour toute sa famille. "Nous nous sommes dits, (...), après le Brexit, s'il se produit, qu'y aura-t-il ensuite?"
- Dépenses locales -
Cristina Tegolo, qui a fait une demande de nationalité britannique, a dit espérer que les militants pro-UE puissent "réellement faire la différence" en soutenant les partis europhiles, "qui sont en vérité les libéraux démocrates ou les Verts".
Mais de l'autre côté de la rue, le voisin de Dalgarno met en évidence un des problèmes auxquels sont confrontés les activistes pro-UE dans leur tentative de coordonner leur message.
"Je suis pour le maintien (dans l'UE), mais je ne voterai pas sur le Brexit", a dit depuis le seuil de sa maison cet homme qui a préféré garder l'anonymat. Pour lui, l'enjeu porte sur les dépenses locales.
La difficulté de convaincre les électeurs à "penser national" pour ce scrutin local est particulièrement forte auprès des électeurs britanniques, selon Cristina Tegolo. "Les Britanniques, ils ont parfois très honte de ce qui s'est passé avec le référendum, mais en réalité, ce n'est pas un enjeu majeur pour eux", a-t-elle dit. "Certaines personnes disent +Pourquoi voulez-vous avoir plus de droits que nous ?+".
- "Sentiment d'appartenance" -
Une autre difficulté est de motiver les citoyens européens à participer à la démocratie locale, particulièrement au sein de l'importante communauté originaire d'Europe de l'Est.
"D'après mon expérience, les Italiens, les Français et les Espagnols sont très informés, ils sont désireux de savoir", a expliqué la candidate. "Mais ayant frappé aux portes des communautés polonaises autour de Manchester (...), peu savaient ou comprenaient les problèmes auxquels ils pourraient faire face", a-t-elle ajouté, citant notamment la barrière de la langue.
Kuba Jablonowski, un étudiant polonais membre du groupe The3Million, estime simpliste l'affirmation selon laquelle les citoyens européens vont forcément prendre part au vote jeudi.
"Je ne pense pas qu'il y ait un message unique, je ne pense pas qu'il doive y avoir un message unique", a-t-il dit. "Ce n'est pas un corps électoral unique et cohérent (...), certains d'entre nous sont à gauche, certains d'entre nous sont à droite".
Il pense que les élections locales, qui pourraient être les dernières auxquelles les citoyens européens pourront participer avant le Brexit, sont en revanche essentielles à une bonne intégration.
"La question du sentiment d'appartenance est clé, parce que voter vous donne le sentiment d'appartenir à votre communauté locale, c'est pourquoi retirer massivement ce droit serait problématique".