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L'ex-roi d'Espagne Juan Carlos règle son ardoise fiscale mais sape un peu plus l'image de la monarchie

En réglant cette semaine une ardoise fiscale de près de 680.000 euros, l'ex-roi d'Espagne Juan Carlos tente d'éviter des poursuites embarrassantes, mais sape un peu plus l'image de la monarchie, sujet de discorde au sein de la coalition de gauche au pouvoir.

Le communiqué de deux paragraphes envoyé par son avocat est tombé mercredi soir: Juan Carlos, exilé aux Emirats Arabes Unis depuis août et visé par trois enquêtes judiciaires, "a présenté aux autorités fiscales une déclaration spontanée" qui a entraîné un redressement de 678.393,72 euros, "déjà réglé".

Cette déclaration "spontanée" est liée à une enquête anti-corruption révélée en novembre portant sur l'utilisation par l'ancien monarque de cartes de crédit liées à des comptes bancaires aux noms d'un entrepreneur mexicain et d'un officier de l'armée de l'air espagnole.

Selon des sources judiciaires, cette enquête vise à déterminer s'il a utilisé des prête-noms pour blanchir de l'argent après 2014, date de son abdication et donc de la fin de son immunité de chef d'Etat.

En reconnaissant pour la première fois avoir soustrait des revenus au fisc, Juan Carlos tente d'éviter des poursuites, mais cette annonce fait "un mal énorme" à la réputation de la monarchie, déjà largement ternie par les frasques de l'ancien roi, selon Euprepio Padula, consultant politique.

Car Juan Carlos est visé par deux autres enquêtes.

La première porte sur des soupçons de corruption dans le cadre de l'attribution à des entreprises espagnoles d'un contrat pour la construction d'un train à grande vitesse en Arabie saoudite en 2011.

Au centre de cette affaire figure un virement de 100 millions de dollars que Juan Carlos aurait, selon le journal suisse La Tribune de Genève, reçu en 2008 de l'ancien roi saoudien Abdallah sur un compte en Suisse.

Enfin, une troisième enquête a été ouverte à son encontre après un rapport du service de prévention du blanchiment de capitaux et confiée au Tribunal suprême, seul habilité à juger un ancien souverain, avait annoncé le mois dernier la justice espagnole sans donner de détails.

- Monarchie fragilisée -

Depuis des années, les scandales liés au train de vie fastueux de l'ancien roi, aux soupçons de détention d'une fortune opaque à l'étranger ou à l'incarcération de son gendre pour corruption ont fragilisé l'institution monarchique.

Ils ont aussi donné des arguments au parti de gauche radicale et républicain Podemos, partenaire depuis janvier des socialistes de Pedro Sanchez au sein du gouvernement, alors que la royauté était auparavant défendue par l'ensemble de la classe politique.

Le chef de Podemos, Pablo Iglesias, a récemment déclaré dans le quotidien Publico qu'il y avait "un débat croissant (en Espagne) sur l'utilité de la monarchie et sur un nouvel horizon républicain comme issue".

Vendredi, ce parti a demandé une nouvelle fois la mise en place d'une commission d'enquête parlementaire sur la situation de Juan Carlos, mais ses démarches en ce sens ont toujours échoué par le passé face au refus des socialistes.

Après l'annonce de la déclaration fiscale de Juan Carlos, Pedro Sanchez est, lui, monté au front sur la chaîne Telecinco pour réitérer le soutien indéfectible des socialistes à la monarchie, assurant avec force qu'elle "(n'était) pas en danger".

Selon Euprepio Padula, "la monarchie n'est pas en question en tant qu'institution de l'Etat" pour les socialistes et son avenir "n'est pas en jeu en ce moment", dans la mesure où elle est, par ailleurs, défendue bec et ongles par la droite et l'extrême droite.

Mais le fils de Juan Carlos, le roi Felipe VI, "devrait faire une déclaration à ce sujet", pense l'expert, pour prendre un peu plus ses distances avec un père qu'il a déjà privé en mars d'une allocation estimée à près de 200.000 euros par an et dont il a renoncé à l'héritage.

Au-delà de ce débat sur la monarchie, l'Espagne s'interroge actuellement sur un détail beaucoup plus concret: Juan Carlos reviendra-t-il pour Noël, maintenant qu'il a payé cette ardoise fiscale ?

"C'est au Palais royal de communiquer son avis sur un éventuel retour ou non de l'ancien roi", qui fêtera le 5 janvier ses 83 ans, a déclaré mercredi Pedro Sanchez.

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