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Votre nouvel album s'appelle "Augure", tout comme votre film sorti il y a quelques mois. Ici, vous avez composé quatre mini-albums qui sont inspirés de quatre personnages du film.
Augure est un film qui retrace le parcours de quatre personnages qui sont considérés comme des sorciers et des sorcières dans une espèce d'Afrique fantasmagorique. Ce que j'ai fait sur les albums, c'est que j'ai écrit quatre albums du point de vue des protagonistes, ce qui est un fabuleux exercice d'empathie en tant qu'auteur et en tant que scénariste, parce que ça te permet de questionner le point de vue et le regard de l'autre.
À la base, vous aviez prévu de faire une ou deux chansons pour le film et ça s'est transformé en quatre albums ?
Je pensais faire deux ou trois chansons par personnage parce que je trouvais que l'idée d'incarner et de raconter le point de vue de mes personnages, surtout les personnages féminins, c'était hyper important dans la narration. C'est un exercice qui a fait de moi une autre personne en fait, parce que tu es confronté au regard de l'autre.
Pour le titre "Matrone", vous avez collaboré avec Mayra Andrade. Vous avez également collaboré avec d'autres artistes comme : Metronomy et Jamila Woods. C'était une volonté de mettre le plus de monde possible dans votre album ?
Ce n'était pas spécialement le but de mettre le plus de monde possible, mais je voulais que ce soit un album collaboratif parce que je viens d'une famille nombreuse, puis j'ai fait partie d'un groupe de rap en Belgique qui s'appelle Starflam. Du coup, il y a toujours eu un rapport très collectif, et aujourd'hui, faire un film, c'est ce qu'il y a de plus collectif comme œuvre. Et donc j'ai voulu continuer dans cette dynamique par rapport à l'album.
Vous dites dans la chanson "Le nègre blanc" : "On ne naît pas noir, on le devient". Qu'est-ce que ça veut dire ?
C'est un reflet de notre société qui nous ramène à l'assignation, qui est dans le regard de l'autre, qui nous ramène à notre condition d'homme noir et ça a jalonné tout mon parcours. Par exemple, cette année, représenter la Belgique aux Oscars avec mon film contribue à déconstruire ce rapport-là qui amène aux gens issus de l'immigration à être conditionné à des rôles, et d'autre part, d'avoir toujours l'impression que s'il y a une place pour une personne issue de l'immigration et il n'y a pas de place pour une deuxième personne.
La Belgique vous a choisi pour aller représenter le pays aux Oscars alors que vous avez failli vous faire expulser, il y a une vingtaine d'années, car vous étiez sans papiers.
Je crois que c'est aussi ça qui portait cette candidature pour représenter la Belgique en sachant que j'ai eu un ordre de quitter le territoire. Ça permet de remettre en place pas mal de choses dans sa vie, comme de représenter la Belgique au Festival de Cannes, ça s'inscrit dans la même dynamique. Et donc c'est bien de pouvoir déconstruire des assignations dans lesquelles on nous met en tant que noir et en tant que personnes issues de l'immigration.
Vous êtes atteint de synesthésie. Qu'est-ce que c'est ?
C'est une maladie sensorielle qui fait que j'associe des sons et des couleurs. Et ça se retrouve dans le film, ça se retrouve dans l'album, ça se retrouve dans l'expo qui a lieu actuellement au Musée de la mode d'Anvers, où en fait, chaque personnage est traversé par une couleur, par du coup une certaine tonalité certaine et certains accords musicaux.
Écouter le point de vue de l'autre nous permet d'être dans un rapport d'empathie qui nous fait tous avancer dans la société, parce qu'on vit dans une époque où on doit choisir son camp constamment. C'est ça le message principal de l'œuvre dans sa globalité.
