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L'Afghanistan, pays "oublié", à l'affiche de deux nouveaux documentaires

Si la guerre en Ukraine attire toute l'attention, deux documentaires entendent braquer les projecteurs sur l'histoire de victimes du conflit en Afghanistan, plus d'un an après le brusque retrait des troupes américaines.

Le documentaire "Retrograde", produit par National Geographic et diffusé aux Etats-Unis début décembre, suit un général afghan qui a tenté en vain de contenir l'avancée des talibans à l'été 2021. Le film "In Her Hands: un destin afghan", déjà disponible sur Netflix, retrace quant à lui l'histoire de l'une des plus jeunes femmes maires en Afghanistan, qui a dû fuir le pays lorsque les islamistes ont pris le pouvoir.

"Nous avons oublié ce qu'il s'est passé" en Afghanistan, souligne le réalisateur de "Retrograde", Matthew Heineman. "Il n'y a pas grand monde qui parle de ce pays que nous avons laissé derrière nous", regrette-t-il.

Zarifa Ghafari, l'ancienne maire à l'affiche de "In Her Hands", a estimé auprès de l'AFP que sous le règne des talibans, l'Afghanistan est "le seul pays au monde aujourd'hui où une femme peut vendre son corps, ses enfants, tout ce qu'elle veut, mais ne peut pas aller à l'école".

Mais, déplore-t-elle, "l'Afghanistan n'est plus le sujet des discussions" dans les réunions diplomatiques internationales.

Les deux films commencent quelques mois avant le retrait des troupes américaines, alors que les protagonistes tentent de bâtir un avenir meilleur pour leur pays. Ils se terminent avec ces derniers, contraints de regarder de l'étranger les talibans détruire ce qu'il ont tenté de construire.

Dans "Retrograde", le général afghan Sami Sadat a accepté que les caméras de Matthew Heineman le suivent alors qu'il dirigeait les opérations pour repousser les talibans, après que les Américains ont quitté une base dans le sud du pays.

"Tous les signes disaient +arrêtez, abandonnez, c'est fini+, et il avait cette foi aveugle que peut-être, juste peut-être, s'il s'accrochait à (la ville de) Lashkar Gah ou à (la province de) Helmand, ils pourraient vaincre les talibans ", se souvient le réalisateur.

Sami Sadat a finalement dû s'enfuir dans le chaos de l'aéroport de Kaboul en août 2021, filmé par l'équipe de tournage, alors que les Afghans se massaient aux grilles, espérant trouver une place dans les derniers avions américains en partance.

"C'était l'une des choses les plus difficiles dont j'ai été témoin dans ma carrière", raconte Matthew Heineman, nommé aux Oscars pour "Cartel Land", sorti en 2015.

- Prise pour cible -

Zarifa Ghafari a survécu à des tentatives d'assassinat et a vu son père abattu par les talibans avant de quitter elle aussi l'Afghanistan lorsque les islamistes se sont installés.

"En parlant de ce moment, je ne peux toujours pas m'arrêter de pleurer...", confie l'élue, elle qui s'est attirée l'ire des talibans en défendant l'accès des filles à l'éducation après avoir été nommée maire de Maidan Shahr, près de Kaboul, à 24 ans.

Les réalisateurs de "In Her Hands: un destin afghan" sont retournés depuis en Afghanistan pour filmer Massoum, ancien chauffeur de Zarifa Ghafari désormais au chômage, se rapprocher des talibans, même après qu'ils eurent visé sa cliente dans le passé.

"L'histoire de Massoum est celle de l'Afghanistan, où les gens se sentent trahis", ajoute Zarifa Ghafari.

- Partager leur douleur -

Bien que les conflits en Afghanistan et en Ukraine soient de nature très différente, les deux films offrent un récit édifiant sur ce qui peut arriver lorsque l'Occident se détourne d'un affrontement pour un autre.

"Il est évident que cela s'est produit tout au long de l'histoire et que cela continuera à se produire à l'avenir. Et donc, que pouvons-nous apprendre de cette expérience?" s'interroge Matthew Heineman.

"Peu importe ce qui se passe en Ukraine et ce qui s'est passé en Ukraine, nous vivons la même chose qu'eux depuis 60 ans" en Afghanistan, affirme Zarifa Ghafari. "Nous partageons leur douleur".

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