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Le Premier ministre belge Alexander De Croo a annoncé vendredi l'interdiction pour six mois de l'usage de l'application TikTok sur des téléphones de fonction fournis par l'Etat fédéral, avançant un risque de détournement de données sensibles au bénéfice de la Chine.
"Nous ne devons pas être naïfs: TikTok est une entreprise chinoise qui est aujourd'hui obligée de coopérer avec les services de renseignement chinois. C'est la réalité", a justifié le dirigeant libéral flamand dans un communiqué. Un argument que réfute farouchement le réseau social, propriété du géant chinois ByteDance.
Ces dernières semaines, emboîtant le pas aux autorités fédérales américaines, la Commission européenne et le Parlement européen ont déjà banni TikTok des appareils de leurs salariés, tout comme le parlement danois.
L'interdiction annoncée par M. De Croo concerne la navigation sur la plateforme de vidéos avec un smartphone ou une tablette professionnels par les fonctionnaires, membres de cabinet ou ministres de l'Etat fédéral belge, mais pas l'usage sur leurs appareils personnels.
Si ces appareils personnels sont utilisés à des fins professionnelles, il est néanmoins "recommandé (...) de ne pas installer l'application", précise le communiqué.
"Nous sommes déçus de cette suspension, basée sur des informations erronées", a réagi TikTok, assurant "ne pas être une société chinoise" et affirmant que sa maison mère, "située en-dehors de la Chine", est "majoritairement détenue par des investisseurs institutionnels internationaux".
"Les données des utilisateurs de TikTok sont hébergées aux États-Unis et à Singapour, et non en Chine (...) Le gouvernement chinois ne peut pas obliger un autre pays souverain à fournir des données conservées sur son territoire", a fait valoir un porte-parole.
"Nous sommes disponibles pour rencontrer des représentants officiels (belges) afin de répondre à toute préoccupation et de dissiper tout malentendu", a-t-il ajouté.
Soucieux de rassurer les autorités européennes, TikTok avait annoncé mercredi que les données de ses utilisateurs en Europe seraient stockées à partir de cette année dans trois centres, deux en Irlande et un en Norvège.
L'interdiction décidée vendredi par le gouvernement belge durera six mois et sera ensuite "réévaluée". Elle a été décidée sur la base d'une analyse produite conjointement par le Centre national pour la Cybersécurité (CCB) et la Sûreté de l'Etat (renseignement civil) qui évalue les risques d'espionnage.
La Flandre, la région la plus peuplée du pays (le nord néerlandophone), avait déjà pris jeudi une décision similaire, imitée vendredi par la région de Bruxelles-Capitale.
La semaine dernière, la ministre belge de la Défense Ludivine Dedonder, qui utilise TikTok pour sa communication politique, avait assuré que l'application était installée sur un téléphone uniquement dédié à cet usage.
La Belgique, qui accueille les sièges de l'Otan et de nombre d'institutions européennes, est "une cible très attirante pour l'espionnage et les activités d'influence chinois", relevait en janvier le dernier rapport annuel de la Sûreté de l'Etat.
Le texte mentionnait la situation "particulièrement problématique" des employés ou lobbyistes liés à des intérêts chinois, qui "souvent ne réalisent pas à quel point l'entreprise ou l'institution pour laquelle ils travaillent est liée aux objectifs géopolitiques stratégiques de la Chine".
Aux Etats-Unis, où une loi a déjà banni TikTok des appareils des agents publics, un projet de législation soutenu par la Maison-Blanche pourrait déboucher sur l'interdiction totale de l'application à travers le pays.