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Dans les corons de l'ex-bassin minier, la rénovation thermique "change la vie"

Consommation divisée par deux, pouvoir d'achat protégé, confort: dans les corons de l'ex-bassin minier, un vaste plan de réhabilitation thermique des logements sociaux, lancé en 2017, "change la vie" des habitants souvent précaires, alors que les prix de l'énergie explosent.

Une brume glacée baigne Bully-les-Mines, commune du Pas-de-Calais entourée de terrils. Attablée dans sa cuisine, Sylviane Niebojewski, 60 ans, caresse du regard sa vieille maison de mineurs, depuis peu "remise à neuf".

Habitante de la cité "depuis toujours", elle y a connu les corons "sans salle de bains, ni chauffage central", longtemps chauffés au charbon. Puis ce pavillon autrefois "difficile à chauffer".

"On avait un tout petit radiateur dans la cuisine, rien dans la salle de bains, un immense couloir glacé. L'hiver on était gelés, même en poussant le chauffage à 22-23°C. J'allumais aussi un poêle à pétrole", se remémore-t-elle.

Depuis 2021, et la réhabilitation menée par le bailleur Maisons et Cités, "avec le thermostat à 19°C, on a chaud, notre consommation de gaz a baissé de 40%", se réjouit-elle.

Cela représente "une économie de 50 euros mensuels, vraiment bienvenue", pour un couple aux ressources d'environ 1.100 euros, permettant de "partir un peu plus en vacances" ou s'offrir quelques loisirs.

Le chantier l'a contrainte à déménager six mois dans une maison voisine, comme la majorité des locataires de cette cité centenaire, rénovée dans le cadre de l'engagement pour le renouveau du bassin minier (ERBM).

- Passoires thermiques -

Initiée en 2017, cette politique prévoit la rénovation de 23.000 passoires thermiques sur dix ans, accompagnée d'une "requalification" de l'espace public, et d'actions pour l'emploi.

Elle vise à réparer ce territoire d'1,2 million d'habitants, aux taux de pauvreté record et corons vétustes, même si partiellement classés au patrimoine mondial de l'Unesco.

Estimée à 2 milliards d'euros, la réhabilitation thermique est financée par deux bailleurs sociaux, largement subventionnés, notamment par l'Etat (100 millions), la Région (30 millions) ou les intercommunalités (70-80 millions).

"Nous emmenons des maisons classées E, F, G, vers une étiquette C ou BBC (bâtiment basse consommation)", résume Jean-François Campion, directeur général de Maisons et cités, gestionnaire de 90% des logements.

Chaque logement est "refait du sol au plafond": les murs, curés, sont garnis d'un isolant de 12 cm, les revêtements, portes et fenêtres remplacés, des cloisons abattues. Le loyer "peut légèrement évoluer", d'une vingtaine d'euros pour un loyer de 400.

L'ERBM a permis de doubler le rythme des rénovations, "prioriser les cités les plus fragiles", et "aller plus loin sur le bouquet de travaux", salue Marie Cornillon, directrice générale adjointe du second bailleur, SIA Habitat.

Un projet précurseur: la loi "Climat et Résilience", votée en 2021, interdira de louer des logements classés G dès 2025, et F en 2028.

En France, 5,2 millions de résidences principales étaient en 2022 des "passoires énergétiques", selon l'Observatoire national de la rénovation énergétique. Le parc social reste le mieux loti: 9,5 % d’étiquettes F/G, contre 18,8% pour le privé.

- "Urgence à agir" -

Dans l'ex-bassin minier, à mi-parcours, fin 2022, environ 7.000 logements miniers étaient réhabilités, et plus de la moitié des chantiers lancés, selon plusieurs sources.

Bailleurs et élus reconnaissent un "léger retard", lié à la crise sanitaire ou aux "tensions" sur les métiers de la construction.

Mais "les engagements seront tenus", promet le préfet des Hauts-de-France, Georges-François Leclerc, qui pointe "l'urgence à agir", pour "soutenir" les ménages, "maintenir" ce patrimoine unique, et "répondre aux enjeux écologiques".

De Béthune à Valenciennes, les habitants interrogés par l'AFP saluent majoritairement le travail mené. Comme Claudie Trifi, 58 ans, heureuse d'être débarrassée de ses vieux châssis abîmés, ou de sa toiture nue, "sans rien entre le plafond et les tuiles".

C'est "beaucoup plus confortable, économe, moderne", se réjouit aussi Christelle Cauvez, 49 ans, fille de mineurs.

Partout, des façades vermillon éclatantes et jardinets clôturés tranchent avec les briques fanées des maisons voisines.

Ceux qui attendent leur tour sont souvent impatients. "Rénover? Il serait temps! L'été, on vit dans un four. L'hiver, je dors en pull", lâche à Lens Emilia Lequien, 41 ans. Elle craint "l'explosion des prix" du gaz, elle qui "y laisse déjà 2.500 euros" annuels.

- "Amortisseur" -

Avec l'isolement par l'intérieur, imposé par le classement Unesco, "c'est plus petit, les meubles ne rentrent plus", regrette toutefois, dans une rue voisine, Micheline Fruchart, 75 ans.

Quelques rares habitants déplorent eux des "malfaçons", essentiellement dans les premières cités rénovées. Président d'un collectif d'habitants à Hornaing, Jacky Saraïs a du "se battre" avec habitants et élus, pour faire réparer les défauts d'une cinquantaine de logements.

"On a essuyé les plâtres", mais les problèmes sont "quasiment résolus", tranche le maire Frédéric Delannoy, président de la communauté de communes du coeur d'Ostrevent.

En s'attaquant "vite et fort" aux cités les "plus dégradées, reléguées", cette politique lutte contre "le sentiment d'abandon" éprouvé localement, salue son homologue de la porte du Hainaut, Aymeric Robin.

Même si, avec la crise énergétique, "le gain de pouvoir d'achat attendu se transforme en amortisseur".

Béton de chanvre, laine de bois: les bailleurs ont aussi "expérimenté" des matériaux biosourcés. Mais seulement sur une "fraction" des volumes. Un regret pour M. Robin: "on aurait pu aller plus loin" trouver des "process innovants, écologiques" et "duplicables rapidement".

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