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Greenwashing: l'UE veut faire le grand ménage sur les étiquettes

Affirmations trompeuses, labels verts fantaisistes, bilans carbone douteux: la Commission européenne a présenté mercredi son plan pour éliminer l'écoblanchiment des étiquettes et des publicités, avec des sanctions "dissuasives" pour les entreprises faisant des déclarations infondées.

"T-shirt à base de plastique recyclé", "livraison neutre en CO2", "crème solaire respectueuse de l'océan"... la proposition législative, qui sera négociée par les Etats membres et les eurodéputés, vise à contrôler ces formules destinées à happer le consommateur soucieux de l'environnement.

Mais sans interdire complètement l'allégation "neutre en carbone", ce qu'ont vivement déploré les ONG environnementales.

"Nous sommes bombardés d'informations (...) Il est difficile pour le consommateur de distinguer la réalité de la fiction", a commenté le commissaire à l'Environnement Virginijus Sinkevicius, pour qui il s'agit de "renforcer la confiance des consommateurs".

Sur 150 allégations vertes (emballages, publicités) examinées par la Commission en 2020, la moitié (53%) contenaient "des informations vagues, trompeuses ou infondées": textile, cosmétiques, électroménager... aucun secteur n'était épargné. Et l'examen des quelques 230 "labels écologiques" existant dans l'UE montrait que la moitié étaient accordés avec des vérifications "faibles ou inexistantes".

Après avoir proposé en mars 2022 de bannir "les allégations environnementales génériques et vagues" ("produit vert", "éco-responsable"...), l'exécutif européen entend désormais interdire toute affirmation qui ne serait pas soutenue par des bases factuelles et scientifiques, accessibles via QR code ou site internet.

Les États devraient veiller à ce que les allégations écologiques concernant des produits et entreprises soient justifiées "par des preuves scientifiques largement reconnues" et identifient tous les impacts "significatifs" pour l'environnement, y compris négatifs.

Les systèmes de certification environnementale, soumis aux mêmes critères, devraient être transparents et régulièrement réexaminés (l'"Ecolabel" officiel conçu par l'UE serait exempté). Pour éviter leur prolifération, la création de nouveaux labels privés ne serait autorisée que s'ils garantissent "un niveau d'ambition environnementale supérieur aux systèmes existants".

Les entreprises devraient faire contrôler le bien-fondé des allégations par des "vérificateurs indépendants" accrédités, et en cas d'infraction, elles risqueraient "des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives".

- "Far-West" -

Les nouvelles dispositions s'appliqueraient aux produits et services non couverts par d'autres textes européens à visée similaire, les investissements "verts" étant ainsi déjà réglementés par une "taxonomie" dévoilée fin 2021.

"C'est un texte prometteur pour éliminer les allégations qui brouillent les pistes et empêchent de distinguer les entreprises s'efforçant de réduire leur impact environnementales et celles qui font simplement du +greenwashing+", a salué Blanca Morales, du Bureau européen de l'environnement (BEE).

"La Commission met les moyens pour faire cesser ce Far-West (...) les consommateurs ont besoin d'informations fiables", abonde Monique Goyens, directrice générale du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC).

Sujet d'inquiétude toutefois: les entreprises disposeront d'une marge de manoeuvre pour justifier leurs allégations, alors qu'une méthode de référence (PEF) adoubée par l'UE permet déjà de mesurer l'"empreinte environnementale" des produits.

"Nous introduisons des exigences communes, sans prescrire de méthode spécifique" car "une approche unique n'aurait pas été nécessairement appropriée" pour tous les secteurs et la diversité des allégations visées, fait valoir M. Sinkevicius.

- "Ecran de fumée" -

Les ONG déploraient l'absence d'interdiction des allégations de type "neutralité carbone" ou "zéro émission".

Dans son projet, la Commission prévoit seulement d'obliger les entreprises se revendiquant "neutres en carbone" à détailler clairement si elles achètent des crédits sur le marché du CO2 ou plantent des arbres pour compenser leur propre impact environnemental. Ces données et calculs "seront vérifiés de façon indépendante", insiste M. Sinkevicius.

"Des termes vagues et fallacieux comme +neutralité carbone+ sont une stratégie marketing pour verdir son image en continuant à polluer en toute impunité (...) La porte reste ouverte pour poursuivre de telles pratiques de +greenwashing+,", dénonce Carbon Market Watch, selon qui "il n'existe actuellement pas de crédits disponibles qui peuvent véritablement neutraliser des émissions".

"De telles affirmations suggèrent que des produits ou services n'ont aucun impact climatique, alors que c'est impossible scientifiquement", renchérit le BEE.

Pour le BEUC, c'est particulièrement problématique dans l'agro-alimentaire: "Aucune banane ou bouteille d'eau n'est neutre en CO2, c'est un écran de fumée (...) Planter des arbres mettant des décennies à pousser est beaucoup plus facile et moins cher, mais nettement moins efficace que de réduire ses émissions", s'indigne Monique Goyens.

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