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Pakistan: l'espérance engloutie par les inondations dans les villages pauvres du Pendjab

La rivière en crue a d'abord englouti le champ de maïs de Nasreen Bibi, puis le bétail qui s'en nourrissait et enfin la maison familiale, dans l'est du Pakistan.

Quand l'eau est montée suffisamment haut pour les menacer de noyade, ils se sont réfugiés sur le toit de leur habitation, avant de fuir dans un bateau en laissant le peu qu'ils possédaient derrière eux.

"Nous n'avons emporté aucune affaire avec nous. Tout ce que nous avons, nous l'avons abandonné là-bas", rapporte à l'AFP Nasreen - qui estime avoir une trentaine d'années - dans un camp de déplacés établi à l'intérieur d'une école du village de Mandi Ahmedabad, dans la province du Pendjab.

"Il ne reste plus rien à la maison", se lamente-t-elle. "La peur est instillée dans l'esprit de mes enfants", ajoute-t-elle en séchant des larmes, dans une tente qu'elle partage avec ses trois jeunes filles.

D'immenses étendues du Pendjab - la province la plus peuplée et le grenier à céréales du Pakistan - ont été inondées en août. Au moins 130.000 personnes ont dû être évacuées après la crue de la rivière Sutlej, qui a submergé des centaines de villages et des milliers d'hectares de terres arables.

Selon Mohsin Naqvi, le chef du gouvernement du Pendjab, le déversement par l'Inde de ses surplus d'eaux de mousson dans la Sutlej a causé les inondations en aval, du côté pakistanais de la frontière.

Alors que l'eau commence lentement à reculer dans les endroits les plus touchés, une armada de 40 bateaux vétustes continue deux fois par jour à apporter nourriture et aide diverse à environ 80 villages inondés.

Leur coque glisse sur une eau qui atteint encore près de 2,50 m de profondeur, se frayant un chemin au milieu de tiges de maïs gorgées d'eau et blanchies par le soleil.

- "Mon coeur ne le supportera pas" -

Des hommes sont perchés sur les toits des maisons, où ils surveillent leurs rares biens, détrempés.

Dans cette région rurale et pauvre du Pakistan, la sécurité financière d'une famille dépend le plus souvent de l'agriculture.

Falak De Bheni, un village d'une centaine d'habitations, est entouré de plantations de sésame et riz inondées. Les maisons en terre sont détruites, les murs effondrés gisant au milieu des flaques d'eau.

"Je ne veux pas planter de récolte ici l'année prochaine. Mon coeur ne le supportera pas", s'écrie Muhammad Tufail, 38 ans, qui se tient devant la porte ravagée de sa maison, pour constater les dégâts.

"Je ne sais même pas combien d'argent j'ai dépensé, combien de problèmes j'ai dû affronter pour planter ça. Mais les inondations n'ont rien laissé derrière."

Au moins 175 personnes sont mortes au Pakistan dans des inondations, des effondrements d'immeubles, des glissements de terrain et autres incidents provoqués par les pluies de mousson depuis fin juin.

Le pays tente toujours de se remettre des inondations dévastatrices qui ont touché près d'un tiers de son territoire en 2022, affectant plus de 33 millions de personnes et faisant plus de 1.700 morts.

Le Pakistan, cinquième pays le plus peuplé au monde, qui figure parmi les plus menacés par les phénomènes météorologiques extrêmes, a lié ces inondations au dérèglement climatique.

- "Nous mourons de faim" -

Les villages bordant la Sutlej avaient été épargnés l'an passé, mais ils sont maintenant confrontés aux pires inondations en 35 ans, selon les autorités.

A Dipalpur, la zone la plus touchée, 11 centres de secours et cinq camps ont été établis, et 4.600 trajets en bateau pour secourir la population effectués depuis le début, mi-août, de la montée des eaux.

Plus de deux semaines après, les villages de Dipalpur restent privés d'électricité.

La majeure partie du cheptel a été évacuée, mais le bétail restant n'a rien à manger.

"Le fourrage a été emporté par l'eau", constate Taj Bibi, 50 ans, qui peine à garder en vie avec des feuilles d'arbre un buffle, une vache et un veau.

"Notre bétail nous supplie de lui donner de la nourriture, mais nous n'avons rien", dit-elle. "Nous mourons de faim et nos animaux aussi."

A Bashir De Bheni, un petit hameau sur les rives de la Sutlej, des secouristes déposent des antibiotiques et des solutions de réhydratation pour un nourrisson fiévreux et ayant la diarrhée.

"Tous les problèmes imaginables nous sont tombés dessus", se désespère Muhammad Yasin, un villageois de 60 ans.

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