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En février 2020, le ténor de la majorité Benjamin Griveaux abandonnait sa campagne pour la mairie de Paris après la diffusion de vidéos intimes. Plus de trois ans après, le procès de Piotr Pavlenski et d'Alexandra de Taddeo s'est ouvert mercredi.
Les deux prévenus sont renvoyés devant le tribunal pour avoir enregistré et diffusé, sans son consentement, des images à caractère sexuel de Benjamin Griveaux. Ils encourent deux ans d'emprisonnement et 60.000 euros d'amende.
L'artiste russe de 39 ans et la Française de 32 ans, retenus par les embouteillages selon leurs avocats, sont arrivés vers 10H35 dans une salle du tribunal correctionnel de Paris remplie de journalistes et de public.
La présidente, qui avait débuté l'audience sans eux, a appelé à la barre Piotr Pavlenski, tout de noir vêtu, et Alexandra de Taddeo, en longue robe bleue pailletée, tenant à la main le livre qu'elle vient de publier.
Alors que la magistrate commençait à décliner leur identité, l'artiste russe a lancé d'une voix forte: "Aujourd'hui aura lieu le jugement de mon huitième événement d'art sujet-objet, l'événement pornopolitique, je serai jugé pour mélanger le style élevé et bas..."
Pendant qu'il continuait, la présidente a tenté de l'interrompre à plusieurs reprises avant de suspendre l'audience. Des applaudissements ont retenti pendant que le tribunal quittait la salle.
Quelques minutes plus tard, le tribunal a fait revenir à la barre Mme de Taddeo pour lui énoncer ses droits, mais Piotr Pavlenski a refusé de se lever, lançant: "J'annonce la règle du silence, vous ne voulez pas m'écouter quand je voulais venir parler".
"C'est votre choix, la seule chose c'est que les débats doivent se dérouler dans la plus grande sérénité", a répondu la présidente.
Benjamin Griveaux, 45 ans, qui a quitté la politique pour le privé, n'était pas présent mais représenté par son avocat Me Richard Malka.
Sept personnes ont été citées comme témoin par la défense: trois étaient absentes, dont l'actrice Béatrice Dalle.
Après le résumé des faits, le tribunal a visionné à huis clos des extraits des vidéos.
Les deux prévenus sont renvoyés devant le tribunal pour avoir enregistré et diffusé, sans son consentement, des images à caractère sexuel de Benjamin Griveaux. Ils encourent deux ans d'emprisonnement et 60.000 euros d'amende.
- Vie privée -
Le matin du 14 février 2020, Benjamin Griveaux, alors candidat LREM (aujourd'hui Renaissance) à la mairie de Paris, avait annoncé son retrait de la campagne, fustigeant des "attaques ignobles mettant en cause (sa) vie privée".
Moins de 48 heures plus tôt, des vidéos d'un homme se masturbant avaient été publiées sur un site baptisé "Pornopolitique", dont le lien était relayé sur les réseaux sociaux. Les images étaient accompagnées d'un texte signé Piotr Pavlenski.
Ces vidéos avaient été adressées par Benjamin Griveaux à Alexandra de Taddeo lors d'une brève relation entre mai et août 2018. Elles avaient fait l'objet d'un montage avec des captures d'écran de messages échangés entre eux.
Cette démission de l'ancien secrétaire d'État, porte-parole du gouvernement et député, avait provoqué un scandale politique: gauche et droite avaient critiqué unanimement un "naufrage voyeuriste" et une "menace pour la démocratie".
Piotr Pavlenski, connu pour des "performances" extrêmes en Russie et réfugié en France depuis 2017, avait revendiqué cette action d'"art politique" visant à dénoncer l'"hypocrisie dégoûtante" de Benjamin Griveaux qui "utilisait sa famille en se présentant en icône pour tous les pères et maris de Paris".
Benjamin Griveaux avait rapidement porté plainte et une instruction avait été ouverte.
Au cours de la procédure, Alexandra de Taddeo a affirmé avoir conservé ces vidéos afin d'avoir des "preuves" si sa relation avec l'homme politique venait à se savoir, mais elle a assuré que Piotr Pavlenski, qu'elle a rencontré fin 2018, les a diffusées à son insu. Les juges d'instruction ont au contraire retenu son "implication directe".
En Russie, Piotr Pavlenski a réalisé plusieurs "évènements d'art politique": il s'est cousu les lèvres en soutien au groupe contestataire Pussy Riot, cloué les testicules sur la place Rouge et il a mis le feu à l'une des portes du siège historique des services de sécurité russes.
En janvier 2019, il a été condamné à trois ans de prison dont un ferme pour avoir incendié la façade d'une succursale de la Banque de France place de la Bastille, haut lieu de la Révolution française, un contre-sens historique selon lui.
Prévue sur une journée, l'audience pourrait se prolonger jeudi matin.