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Le procès d'un ancien gendarme rwandais, Philippe Hategekimana, naturalisé français en 2005 sous le nom de Philippe Manier, s'est ouvert mercredi devant la cour d'assises de Paris où il est jugé pour "génocide" et "crime contre l'humanité".
"Je m'appelle Manier Philippe", a dit l'accusé d'une voix claire quand le président de la cour d'assises, Jean-Marc Lavergne, lui a demandé de décliner son identité à l'ouverture de l'audience.
L'interrogatoire sur le fond de l'accusé n'est pas attendu avant le 20 juin. Les premiers témoins, anciens membres de la gendarmerie rwandaise, supérieurs et collègues de l’accusé, certains détenus au Rwanda, seront entendus à partir du 16 mai.
Au premier jour d'audience, la cour a rejeté les demandes de la défense qui réclamait un renvoi du procès et un supplément d'information au bénéfice de leur client.
Ancien adjudant-chef à la gendarmerie de Nyanza, dans la préfecture de Butare (sud du Rwanda), Philippe Manier, 66 ans, est soupçonné des meurtres de nombreux Tutsi dont le bourgmestre de Ntyazo, Narcisse Nyagasaka, qui résistait au génocide dans sa commune.
Selon l'accusation, Philippe Manier, qui conteste les faits, est aussi suspecté d'avoir ordonné l'érection de barrages routiers "destinés à contrôler et à assassiner les civils tutsi".
Philippe Hategekimana aurait, selon les plaignants, "joué un rôle important dans la perpétration du génocide des Tutsi". Il aurait "usé des pouvoirs et de la force militaire qui lui étaient conférés par son grade afin de commettre et participer en tant qu'acteur, coauteur et complice au génocide" notamment en participant "activement" à "l'organisation des exterminations à Nyanza et dans les villages alentour".
Outre le meurtre du bourgmestre de Ntyazo, l'accusation lui reproche également d'avoir participé, en donnant des ordres, voire parfois en étant directement impliqué sur le terrain, à trois massacres dont celui de la colline de Nyabubare, où quelque 300 personnes ont été tuées le 23 avril 1994 et celui, quatre jours plus tard, de la colline de Nyamure, où s'étaient réfugiés des milliers de Tutsi.
Une centaine de parties civiles, dont le Collectif des Parties civiles pour le Rwanda (CPCR), la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) et des rescapés ou proches de victimes, se sont constituées dans ce dossier, selon un décompte effectué mercredi à l'ouverture de l'audience.
- Naturalisé en 2005 -
L'ancien adjudant-chef est le cinquième accusé renvoyé aux assises en France pour des crimes commis au cours du génocide au Rwanda, qui a fait plus de 800.000 morts selon l'ONU, essentiellement des Tutsi exterminés entre avril et juillet 1994.
Longtemps, le sort judiciaire des suspects réfugiés en France a été un des points de tension dans la relation compliquée entre Paris et Kigali, empoisonnée par la question du rôle de la France dans le génocide.
Le ton est désormais à l'apaisement depuis le rapport de la commission d'historiens présidée par Vincent Duclert, qui a conclu en mars 2021 à des "responsabilités lourdes et accablantes" de Paris lors des massacres.
Dans le cadre des efforts de normalisation des relations franco-rwandaises, Emmanuel Macron s'est engagé "à ce qu'aucune personne soupçonnée de crime de génocide ne puisse échapper à la justice".
Parti du Rwanda après le génocide, Philippe Hategekimana était arrivé en France en 1999, où il avait obtenu le statut de réfugié sous une fausse identité.
Domicilié dans la région de Rennes, il avait été naturalisé français en 2005.
Il avait quitté la France pour le Cameroun en novembre 2017, quelques mois après le dépôt d'une plainte à son encontre par le CPCR.
Interpellé fin mars 2018 à Yaoundé et extradé un an plus tard vers la France, il a été mis en examen le 15 février 2019 et est en détention provisoire depuis cette date.
Durant l’enquête, il a notamment affirmé n'avoir eu qu'un rôle de "gestion du personnel" dans sa compagnie.
Il a soutenu avoir été muté avant les massacres de Nyamure en arguant qu'il "ne voulait pas que des Tutsi soient tués".
Le procès est prévu jusqu'au 30 juin.
Philippe Manier encourt la réclusion criminelle à perpétuité.