Partager:
La première fois qu'il a vu l'océan, Sibusiso Sizatu a été épaté par les dimensions gigantesques de ce qu'il a naïvement pris pour un lac. Vingt ans plus tard, le Sud-Africain, ancien gardien de troupeau, se prépare à traverser l'Atlantique à la voile.
Le 2 janvier, il s'élancera de la pointe sud du continent africain vers le Brésil pour la 17e édition de la Cape2Rio, quelque 3.700 milles nautiques (6.600 km) en équipage, pour la plus longue compétition à la voile de l'hémisphère sud.
Debout sur le quai en polo blanc, à côté de son voilier de dix mètres baptisé Alexforbes ArchAngel, le skipper de 30 ans estime avoir déjà remporté une victoire en atteignant la ligne de départ.
"Cela va ouvrir les yeux des jeunes", explique-t-il à l'AFP, espérant inspirer une nouvelle génération de navigateurs noirs. Après, "l'objectif est de finir la course" et même s'il ne doute pas du potentiel de son bateau, gagner serait un incroyable bonus.
Une quinzaine de navires sont inscrits, la plupart des monocoques. Le record de cette traversée, établi lors de la précédente édition en 2020, est de sept jours et vingt heures.
Aujourd'hui à la tête d'un équipage de quatre hommes et une femme, tous Sud-Africains, Sibusiso Sizatu se rêvait initialement footballeur professionnel. Originaire d'un coin rural de l'Eastern Cape, la région d'origine de Nelson Mandela, il s'est installé à neuf ans avec sa famille dans un township du Cap.
Dans son esprit d'enfant d'alors, la voile est un passe-temps de riches, généralement retraités et blancs. Loin du quotidien de son quartier déshérité.
- Paisible sur l'eau -
La goût du large lui est venu un peu par hasard. Une association est intervenue dans son école avec pour mission d'apprendre à naviguer à des gamins qui souvent n'appréhendent l'eau que tard ou même jamais, et sont régulièrement victimes de noyades.
Sa première sortie n'est pas une réussite. Mal de mer et trouille au ventre. Il saute à l'eau et regagne le rivage à la nage.
C'est finalement l'appétit de victoire qui le convainc, après avoir remporté une course dans laquelle un ami l'avait embarqué. Sibusiso Sizatu réalise alors qu'il ne s'agit pas seulement de "jouer sur l'eau", que barrer un bateau a tout d'un sport sérieux.
Il se révèle doué et se met à s'entraîner. Bien sûr, il n'a pas toujours l'argent pour se rendre aux événements, ni même payer la nourriture lors des déplacements. Et jusqu'à ses 20 ans, il n'a pas non plus de papiers d'identité, ce qui lui enlève toute chance de participer à des compétitions à l'étranger.
Mais il commence à se sentir dans son élément: "C'est paisible quand on est sur l'eau, on oublie tout le reste", décrit-il.
Le monde de la voile lui ouvre de nouveaux horizons, il a désormais pour ambition de pousser les frontières de la discipline: "J'aimerais voir plus de diversité (...) Il y a encore des gens qui ont du mal à nous accepter dans ce sport, le racisme reste présent".
Il est le premier élève du Royal Cape Yacht Club à se lancer dans le Cape2Rio. L’association a été créée il y a dix ans pour aider les jeunes issus de milieux défavorisés à s'imposer dans cet univers.
Son équipage, entre 21 et 30 ans, est composé de passionnés qui ont le même parcours que lui. Un seul a déjà participé à une transatlantique.
Les sponsors ne se sont pas immédiatement bousculés mais ils ont tenu bon. "Ça va être un sacré tremplin pour nous" cette aventure, anticipe déjà le jeune marin.