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Gaza: Khan Younès, un centre-ville détruit, de la boue et des tunnels

Les chars israéliens passent et repassent, creusant inlassablement une terre meuble et instable. Dans ce quartier de Khan Younès, dans le sud de Gaza, il n'y a que désolation, boue et immeubles éventrés, criblés d'impacts, vidés de toute population.

Au milieu d'un cratère, l'entrée d'un tunnel. L'armée a emmené samedi un groupe de journalistes au coeur de la ville où les combats se sont concentrés depuis quelques semaines, pour leur montrer ce qu'elle affirme être un ancien centre de commandement souterrain du Hamas.

Les canons des chars sont pointés vers les bâtiments, de crainte que des combattants du mouvement islamiste palestinien s'y cachent encore.

Des soldats à pied, concentrés, ratissent les environs et surveillent les immeubles au loin à la lunette. Une pelleteuse travaille.

Cette scène de désolation se trouve à quelques centaines de mètres de l'avenue Salaheddine, qui parcourt la bande de Gaza du nord au sud. Un centre-ville, ou plutôt ce qu'il en reste.

Les soldats glissent leurs pieds dans le tunnel avant d'y entrer tout à fait et d’accéder à des couloirs bétonnés, juste assez hauts de plafond pour qu'un homme casqué puisse se tenir debout. Ils sont équipés de lunettes à vision nocturne.

Le couloir débouche sur une grande pièce, le centre de commandement présumé, qui se trouve selon l'armée sous un cimetière. Les journalistes ne l'ont pas vu avant d'entrer dans le tunnel. L'information est impossible à vérifier. Nul ne sait ce qu'il en reste.

"Nous sommes au milieu d'un cimetière à Khan Younès et ce cimetière est un complexe militaire. Un complexe militaire du Hamas, en surface et souterrain", affirme Dan Goldfus, un commandant israélien.

"Regardez le temps, l'argent et les efforts qui ont été investis dans ce tunnel", dit l'officier à la barbe poivre et sel en progressant dans le tunnel.

- 80% du réseau intact -

Dans une vaste cuisine, des assiettes sales ont été abandonnées, avec des boîtes de conserve vides et oxydées. Un peu plus loin, un lavabo relié à une tuyauterie qui monte vers la surface.

Des bruits d'explosion et de tirs retentissent. Les soldats continuent de chercher d'autres entrées au réseau de tunnels.

Le mois dernier, l'armée avait affirmé avoir découvert le plus gros réseau jusqu'à présent. Des couloirs assez larges pour qu'une petite voiture puisse circuler, selon un photographe de l'AFP qui avait pu y accéder.

Depuis la guerre de 2014, le Hamas a creusé des voies souterraines dans la bande de Gaza, surnommées le "métro de Gaza", dans lesquels les combattants du Hamas se terrent, parfois jusqu'à 30 ou 40 mètres sous terre, hors de portée des frappes.

Des systèmes de trappes permettent de sortir les lance-roquettes, de tirer quelques salves puis de les cacher à nouveau.

L'armée israélienne avait intensément bombardé le réseau en 2021. Si une partie de ces tunnels est probablement connue de ses services depuis cette époque, ils n'ont pu en établir une carte précise. Et les tunnels sont devenus une de ses cibles majeures depuis le début de la guerre.

Une étude publié le 17 octobre par le Modern War Institute de l'académie américaine West Point évoquait 1.300 tunnels, pour plus de 500 kilomètres de couloirs souterrains.

L'armée israélienne a affirmé pour sa part début décembre en avoir découvert plus de 800, dont 500 ont été détruits. Mais dimanche, le Wall Street Journal a cité des responsables américains et israéliens admettant que 80% du réseau était intact.

La guerre a été déclenchée par l'attaque sans précédent menée le 7 octobre par le Hamas, qui a entraîné la mort d'environ 1.140 personnes en Israël, majoritairement des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de chiffres officiels israéliens.

En riposte, Israël a juré d'"anéantir" le mouvement islamiste - qu'il classe terroriste comme les Etats-Unis et l'Union européenne - et lancé une vaste opération militaire à Gaza, qui a fait 26.422 morts, en grande majorité des femmes, enfants et adolescents, selon le dernier bilan dimanche du ministère de la Santé du Hamas.

"Chaque guerre a ses spécificités", conclut Dan Goldfus, une fois revenu à la surface. "Celles de cette guerre-là, c'est que les manoeuvres se font en surface et en sous-sol".

Il ajoute: "nous remplissons nos objectifs. Lentement".

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