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Un tribunal de l'ONU basé à La Haye a indiqué mercredi que Félicien Kabuga, financier présumé du génocide au Rwanda en 1994, aujourd'hui octogénaire, était "inapte" à être jugé au cours d'un procès classique en raison de capacités mentales "considérablement détériorées".
Dernier suspect principal du génocide à être traduit en justice, l'ancien homme d'affaires, autrefois l'un des plus riches du Rwanda, est accusé d'avoir mis sa fortune et ses réseaux au service des massacres, livrant des machettes en masse et dirigeant une radio qui appelait au meurtre des Tutsi, la tristement célèbre Radio télévision libre des Mille collines (RTLM).
Son procès s'était ouvert en septembre, plus d'un quart de siècle après le génocide qui a fait plus de 800.000 morts, essentiellement au sein de la minorité tutsi.
Les juges de l'ONU avaient déjà annoncé la suspension du procès en mars, le temps de décider si M. Kabuga - né en 1935 selon le tribunal mais âgé de 90 ans selon d'autres sources - était en assez bonne santé pour rester sur le banc des accusés.
Le tribunal a désormais "conclu que M. Félicien Kabuga est inapte à participer de manière significative à son procès et qu'il est très peu probable qu'il retrouve la forme à l'avenir", a déclaré la juridiction dans un document daté de mardi.
Le tribunal a précisé être à la recherche d'une alternative "qui ressemble le plus possible à un procès, mais sans possibilité de condamnation", pour "garantir le respect de ses droits" tout en atteignant les objectifs de la juridiction.
- "Douloureux" -
Arrêté en 2020 près de Paris après 25 ans de cavale, M. Kabuga est notamment accusé d'avoir participé à la création des milices hutu Interahamwe, bras armé du régime génocidaire hutu.
Trois experts médicaux mandatés par la justice ont constaté que les capacités mentales de M. Kabuga s'étaient "considérablement détériorées" depuis le début du procès, le rendant incapable de suivre les débats, d'instruire ses avocats ou de témoigner.
Mais le tribunal a déclaré qu'il était "inapproprié" d'abandonner complètement les poursuites, estimant qu'il était important pour les victimes, les survivants et la communauté internationale que les accusations portées contre M. Kabuga, détenu au quartier pénitentiaire des Nations unies à La Haye, soient malgré tout traitées par la justice.
La décision des magistrats a été qualifiée de "mauvaise, consternante et décevante" par l'association faîtière de survivants Ibuka.
Lorsque M. Kabuga a été arrêté, "nous étions heureux et pensions que justice allait enfin être rendue", a déclaré son secrétaire exécutif Naphtali Ahishakiye.
Mais "les tactiques dilatoires de sa famille et de ses avocats ont eu plus de poids que la douleur qu'il a causée", a ajouté M. Ahishakiye auprès de l'AFP.
"Rien n'est plus douloureux que de voir cet homme, cerveau et financier du génocide, mourir sans faire face à la justice et donc mourir sous la présomption d'innocence", a-t-il poursuivi.
M. Kabuga a plaidé non coupable des accusations selon lesquelles il avait été impliqué dans la radio RTLM ayant exhorté à tuer des "cafards" tutsis lors du massacre. Il a également nié avoir fourni des machettes ou d'avoir soutenu autrement les milices hutu Interahamwe.
M. Kabuga est jugé devant le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux (le "Mécanisme"), chargé d'achever les travaux du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), qui a condamné 62 personnes.
Fulgence Kayishema, un des quatre derniers fugitifs recherchés pour leur rôle dans le génocide, a été arrêté en mai en Afrique du Sud.
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