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L'ombre de lui-même. L'opposant et ex-président géorgien emprisonné Mikheïl Saakachvili est apparu jeudi grandement affaibli, le visage émacié, lors d'une audience dans un tribunal de Tbilissi à laquelle il participait par visioconférence.
Dominant naguère les foules par sa stature imposante, M. Saakachvili est apparu soutenu par un oreiller posé dans son dos, les mains tremblantes et les cheveux, qu'il avait autrefois noir de jais, devenus gris, selon les images retransmises par les chaînes de télévision géorgiennes.
L'ex-dirigeant de 55 ans participait à une audience qui vise à trancher sur son maintien ou non en détention, ses soutiens appelant à l'hospitaliser à l'étranger à cause de ses graves problèmes de santé.
M. Saakachvili purge une peine de six ans de prison pour "abus de pouvoir", une condamnation qu'il conteste et dénonce comme politique. Condamné en 2018 par contumace alors qu'il vivait en exil, il a été arrêté à son retour en Géorgie en octobre 2021.
Jeudi, quelques dizaines de partisans de l'ex-dirigeant s'étaient rassemblés devant le tribunal de Tbilissi, brandissant des pancartes appelant à "sauver le président" et à "libérer Saakachvili".
"Nous demandons que Mikheïl Saakachvili soit autorisé à se rendre à l'étranger pour recevoir des soins médicaux, comme le préconisent les médecins", a déclaré à l'AFP son avocat, Dito Sadzaglichvili. "C'est une question de vie ou de mort", a-t-il ajouté.
Dirigeant charismatique et pro-occidental, M. Saakacvhili a dirigé la Géorgie, ex-république soviétique du Caucase, de 2004 à 2013. Il était notamment au pouvoir lors d'une guerre à l'été 2008 avec la Russie qui s'était soldée par une rapide défaite géorgienne.
La santé de M. Saakachvili s'est fortement dégradée pendant sa détention, notamment sous l'effet de plusieurs grèves de la faim pour protester contre son incarcération. Les autorités l'ont transféré à l'hôpital, où il continue de purger sa peine.
- Médecins inquiets -
Des médecins basés aux Etats-Unis, qui ont examiné M. Saakachvili à la demande de ses avocats, ont affirmé mardi à l'AFP qu'il souffrait de complications dues à ses conditions de détention, et que sa vie était en danger.
L'un de ces médecins, le toxicologue américain David Smith, a même affirmé que des tests avaient révélé "la présence de métaux lourds" dans l'organisme de l'ancien chef de l'Etat et que les symptômes qu'il présente "sont le résultat d'un empoisonnement".
Ces médecins ont également estimé nécessaire un transfert de l'ex-président dans un hôpital à l'étranger pour y subir des interventions chirurgicales qui ne peuvent pas, selon eux, être effectuées en Géorgie.
Les Etats-Unis et l'Union européenne ont plusieurs fois exprimé leur préoccupation au sujet de l'état de santé de M. Saakachvili.
En octobre, le Conseil de l'Europe avait appelé à sa libération et dit le considérer comme un "prisonnier politique". L'ONG Amnesty International a qualifié le traitement réservé à M. Saakachvili de "vengeance politique apparente".
Les autorités géorgiennes ont, elles, assuré que Mikheïl Saakachvili bénéficiait de tous les soins nécessaires, la présidente Salomé Zourabichvili déclarant qu'il revenait à la justice de décider s'il devait être remis en liberté pour raisons de santé.
Lors de son exil, M. Saakachvili a notamment vécu en Ukraine, pays dont il a obtenu la nationalité et où il a occupé des responsabilités politiques.
Mardi, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a appelé le gouvernement géorgien à faire preuve de "compassion". "Ce qui arrive à Mikheïl aujourd'hui est cruel. Il faut que cela cesse", a-t-il déclaré.