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Cachez ces camionnettes que je ne saurais voir.... Des prostituées garées devant des terrains de sport fréquentés par des enfants créent la polémique à Lyon, où élus et collectif de parents fustigent la mairie écologiste qui refuse de les déloger.
"Nous n'avons qu'un seul message, la sécurité des gosses!", tance Olivier M., membre d'un collectif de quelque 200 parents d'enfants qui jouent et s'entraînent sur cette "plaine des jeux" du quartier de Gerland.
Le long de la rue longeant cette aire, des dizaines de camionnettes blanches cabossées voient défiler à toute heure des cortèges de voitures de clients.
"Ca devient vraiment glauque quand la nuit tombe: les gamins ont vu des gens se masturber, des femmes se balader nues ou des ébats dans des véhicules aux portes ouvertes", peste Olivier, dont le fils a 13 ans.
Selon le collectif créé à la rentrée, les incidents se multiplient. Une pétition a recueilli près de 3.400 signatures.
"Un soir, une fillette de 11 ans a été suivie par un client, et une mère s'est vu réclamer une prestation devant l'entrée du stade", rapporte Laetitia B., également membre du collectif. "Des gamins sont même tombés sur une prostituée qui se douchait dans le vestiaire du terrain d'athlétisme".
- "Pas de cohabitation possible" -
Interpellée par des habitants et élus de l'opposition, la mairie refuse de chasser les prostituées à coups d'arrêtés anti-stationnement, levier privilégié sous l'ère du précédent maire Gérard Collomb (2001-2017 puis 2018-2020).
"Cela reviendrait à les exposer à la violence", explique Mohamed Chihi, adjoint à la sûreté. L'élu veut plutôt "inciter associations et services de l'Etat à les aider à sortir de la prostitution", car selon lui "une grande partie le souhaitent".
En attendant, la mairie a relancé la construction d'un muret surmonté d'une grille végétalisée le long de l'aire de jeu. En parallèle, le conseil municipal a mandaté l'association Cabiria, qui agit auprès des prostituées, pour mener une médiation.
Mais les parents refusent de transiger. "Il n'y a pas de cohabitation possible entre enfants et prostituées. Ces prostituées doivent être déplacées", insiste Olivier M., qualifiant le projet de clôture de "cache misère".
"Les prostituées sont d'accord pour discuter, par exemple des zones de stationnement ou des horaires de leurs activités, mais pour dialoguer il faut être deux", déplore Antoine Baudry, de Cabiria.
Selon lui, ces femmes, majoritairement des étrangères, "veulent simplement un endroit où travailler tranquillement", alors que leur quotidien est déjà très rude.
"Elles vivent, dorment, mangent, se lavent et font leurs besoins dans leur camionnette et font déjà souvent l'objet d'agressions. Si on les déplace, elles seront encore plus vulnérables", plaide-t-il en rappelant le décès d'une jeune femme retrouvée dans sa camionnette incendiée, en avril 2021 à Meyzieu (banlieue est de Lyon).
Pilar, prostituée équato-guinéenne de 37 ans, a expliqué à l'AFP s'être munie d'une bombe lacrymogène pour répondre aux agressions "fréquentes".
- Répression complexe -
L'apparition des camionnettes de la discorde date de la fin des années 1990, dans le quartier de Confluence, non loin du centre-ville. L'activité avait été repoussée vers Gerland au mitan des années 2000, à coups de mises en fourrière, mais depuis peu le parc grossit à vue d'oeil, affirme Olivier M.
Face à ce "sujet de tranquillité et de salubrité publique", la préfecture du Rhône explique que la police nationale mène "de une à trois opérations de contrôle de clients par semaine" sur les lieux. La loi de 2016 a supprimé le délit de racolage passif et pénalise les clients, mais cela implique un flagrant délit.
Par ailleurs, des enquêtes pour "proxénétisme et traite des êtres humains" sont en cours. Car s'il est difficile d'évaluer la proportion de prostituées sous contrainte, les berlines qui les déposent parfois devant les camionnettes témoignent a minima d'une organisation, selon plusieurs sources.
M. Chihi appelle l'Etat à renforcer les moyens d'enquête et les budgets pour l'accompagnement des prostituées: "le sujet mérite une réponse humaniste, la plus efficace sur le long terme".
Olivier M., lui, en a appelé à Brigitte Macron, au ministère de l'Intérieur et à la Défenseure des droits pour "régler le problème une bonne fois pour toutes". "On a peur qu'un parent pète un câble ou qu'il y ait une agression", prévient-il.