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Conscription des ultra-orthodoxes en Israël: Netanyahu demande un nouveau délai

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a demandé jeudi à la Cour suprême un nouveau report pour permettre au gouvernement de s'entendre sur l'épineuse question de la conscription des juifs ultra-orthodoxes, un dossier qui fragilise sa coalition de droite.

Alors qu'Israël est en guerre contre le mouvement islamiste palestinien Hamas à Gaza depuis bientôt six mois, l'exemption dont bénéficient actuellement les juifs ultra-orthodoxes est de plus en plus critiquée au sein de la société.

Saisie de plusieurs appels exigeant une conscription immédiate des juifs ultra-orthodoxes pour respecter la loi sur l'égalité entre les citoyens, la Cour suprême avait donné jusqu'à mercredi au gouvernement pour formuler un projet de loi détaillé.

Dans une lettre adressée jeudi à la haute juridiction, M. Netanyahu sollicite un report de 30 jours invoquant "les conditions liées aux efforts de guerre", selon un communiqué de son bureau.

"La question de l'égalité des devoirs est d'une importance capitale pour la société israélienne", a argumenté le Premier ministre, ajoutant qu'il fallait "encore un peu de temps pour arriver à un accord" sur cette question.

Prenant acte de l'impossibilité du gouvernement à présenter un projet de loi en la matière, la Cour suprême a rendu jeudi soir un arrêt provisoire prévoyant le gel des fonds publics alloués aux étudiants des écoles talmudiques qui ne se présentent pas au service militaire.

- "Cruauté" -

En Israël, le service militaire est obligatoire, mais les juifs ultra-orthodoxes ("haredim" en hébreu) peuvent échapper à la conscription s'ils consacrent leur temps à étudier les textes sacrés du judaïsme, une exemption instaurée à la création de l'Etat d'Israël en 1948 et qui n'a jamais été changée depuis.

Selon un récent sondage, 70% de la population juive du pays estime désormais, alors que la guerre fait rage à Gaza, que les ultra-orthodoxes devraient faire leur service militaire comme les autres.

Tiraillée entre ses différentes composantes, la coalition gouvernementale peine à trouver un accord en raison notamment de l'opposition des partis ultra-orthodoxes qui ne veulent pas entendre parler de conscription.

La procureure générale Gali Baharav-Miara, dont le rôle est de conseiller le gouvernement sur les questions juridiques et de le représenter devant les juridictions judiciaires, a estimé jeudi qu'en l'absence de loi pour autoriser un report de la conscription, "à partir du 1er avril" il ne sera pas possible pour "les étudiants des écoles talmudiques de continuer à éviter les procédures" pour faire le service militaire.

La coalition gouvernementale de M. Netanyahu repose largement sur l'alliance avec les deux grands partis ultra-orthodoxes, Shass et Judaïsme unifié de la Torah, farouchement opposés à la conscription des haredim. Leur défection ferait tomber la coalition.

Réagissant à l'arrêt provisoire de la Cour suprême, le dirigeant du Shass, Arié Déri, a dénoncé une décision d'une "cruauté sans précédent" à l'égard des étudiants des écoles talmudiques.

- Défi d'un ministre -

En mai 2023, le gouvernement a voté pour les écoles talmudiques (yeshivot) un budget sans précédent de près d'un milliard d'euros (3,7 milliards de shekels).

Les deux grands partis ultra-ortodoxes avaient soutenu le projet controversé de réforme judiciaire de Benjamin Netanyahu en échange de son soutien à un projet de loi qui devait être discuté au Parlement avant la guerre sur la poursuite du report de la conscription pour les ultra-orthodoxes.

Mais fin février, le ministre de la Défense, Yoav Gallant, membre du Likoud, le parti du Premier ministre, avait défié ce dernier en annonçant une réforme du service militaire visant à inclure les haredim.

La pression d'une partie de la société en faveur de la conscription des ultra-orthodoxes est d'autant plus forte avec la guerre alors que l'armée demande un allongement de la durée du service militaire (32 mois pour les hommes et deux ans pour les femmes) et des périodes de réserve.

Depuis l'invalidation par la Cour suprême en 2012 de la loi Tal, assurant la pérennité de cet accord, les exonérations se sont poursuivies, régies par des accords entre les gouvernements successifs et les partis ultra-orthodoxes.

Les ultra-orthodoxes représentent environ 14% de la population juive d'Israël, selon l'Institut israélien pour la démocratie (IDI), soit près de 1,3 million de personnes. Environ 66.000 hommes ultra-orthodoxes en âge de servir bénéficient de ce report, selon l'armée.

En 1948, ce report permettait à 400 jeunes de préserver le monde des études des textes sacrés en grande partie décimé pendant la Shoah.

La plupart des haredim réclament le maintien de cette exemption pour leur communauté, estimant que leurs valeurs religieuses sont incompatibles avec celles de la société moderne, incarnée à leurs yeux par l'armée.

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