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Un vote prévu jeudi au parlement thaïlandais pour désigner un Premier ministre a été reporté sine die, a annoncé mardi le président de l'Assemblée nationale, prolongeant l'impasse politique dans laquelle se trouve le royaume depuis les élections législatives de la mi-mai.
"Nous devons annuler", a déclaré aux journalistes Wan Muhamad Noor Matha. Impossible, a-t-il précisé, de voter avant que la Cour constitutionnelle ne statue sur Pita Limjaroenrat.
"Si nous tenions la séance le 27 juillet, avant que la Cour n'ait statué, cela pourrait poser des problèmes", a-t-il précisé.
La Thaïlande n'a pas de Premier ministre plus de deux mois après des élections législatives qui ont porté en tête le parti réformiste Move Forward (MFP) de Pita Limjaroenrat.
Sa candidature au poste de Premier ministre a été rejetée par deux fois au Parlement en raison de l'opposition des sénateurs, nommés par l'armée.
La Cour constitutionnelle doit se prononcer maintenant sur une plainte des partisans du MFP qui contestent la légalité du deuxième rejet. La plainte a été déposée auprès du médiateur, une instance chargée de régler les conflits avec les services publics.
"Le médiateur a accepté de demander à la Cour constitutionnelle d'émettre des mesures temporaires pour retarder le processus de vote au poste de Premier Ministre jusqu'à ce que la Cour se prononce", a précisé Keirov Kritteeranon, secrétaire général du Bureau du médiateur.
Move Forward a remporté à la surprise générale le scrutin du 14 mai, fort du soutien d'électeurs jeunes et urbains avides de changements profonds dans la société thaïlandaise gouvernée par les militaires depuis quasiment une décennie.
Mais sa promesse de réformer la monarchie et de s'attaquer au pouvoir des élites a suscité une vive opposition de la part des conservateurs fidèles au roi et à l'armée.
En particulier, l'engagement de Move Forward en faveur d'une réforme de la loi sur la diffamation royale, qui protège le roi et sa famille de toute critique, lui a aliéné les milieux conservateurs.
"Je suis au courant du report de la session du parlement", a réagi devant la presse le leader de Move Forward. "Il n'y a pas grand-chose que je puisse faire, si ce n'est retourner sur le terrain. (..) Les problèmes des gens sont toujours là."
- Terrain politique inconnu -
Agé de 42 ans, Pita a été suspendu de son mandat de député le jour même de sa deuxième tentative pour se faire élire Premier ministre, pour des irrégularités présumées durant la campagne. Il est accusé d'avoir possédé des actions dans un média, ce qui est interdit par la loi électorale.
Pour débloquer la situation, son parti a accepté de laisser la place à un autre candidat au sein de sa coalition qui serait issu du parti Pheu Thai, arrivé en deuxième position.
Le Pheu Thai est un poids lourd de la politique thaïlandaise, dirigé en sous-main par la famille Shinawatra et qui compte parmi ses membres deux anciens Premiers ministres évincés par des coups d'Etat militaires en 2006 et 2014.
Le PT n'a pas encore officiellement choisi son candidat au poste de Premier ministre. Mais s'il veut gouverner, Pheu Thai pourrait être forcé de s'allier avec des mouvements proches de l'armée ou plus conciliants avec elle. Le nom de l'homme d'affaires au profil consensuel Srettha Thavisin, 60 ans, l'une des deux principales figures du PT, a circulé.
Pour devenir chef de gouvernement, il faut être approuvé à la majorité par les deux chambres du Parlement, les 500 députés élus et les 250 sénateurs nommés par l'ancienne junte.
Pita a obtenu 324 voix dans les deux chambres lors du premier vote mi-juillet, mais seulement 13 au Sénat.
Le rejet de la candidature de Pita a fait resurgir le spectre de manifestations massives comme en 2020 après la dissolution du parti Future Forward, ancêtre de Move Forward.