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Un an de pouvoir pour le président Petro, dans une Colombie toujours aussi polarisée

Certains sourient, comme ces paysans qui ont reçu des terres, et d'autres pleurent, comme Yaneth, veuve d'un policier tué dans des violences: deux faces d'un pays toujours aussi polarisé, un an après l'arrivée au pouvoir de Gustavo Petro, le premier président de gauche de l'histoire politique de la Colombie.

Elu sur une promesse de "changement", M. Petro achève une première année marquée par des scandales de corruption, une insécurité pesante et une popularité en baisse (34% en juin), mais avec le soutien persistant des classes populaires qui continuent de croire en sa capacité à transformer l'une des sociétés les plus inégales d'Amérique latine.

- La question foncière -

À Villapinzon, à 80 km au nord de Bogota, Crisanto Heredia et Maria Romero, un couple de paysans, ont vécu au début des années 2000 les affrontements entre l'armée et la guérilla marxiste des FARC, aujourd'hui disparue. En raison du conflit, ils ont dû quitter leur petite exploitation.

En 2005, lorsque l'armée a repris le contrôle de la zone, ils ont entamé une procédure pour obtenir les droits sur leur terre. Mais c'est seulement fin juin qu'ils leur ont été reconnus. "Nous sommes très heureux de tenir ce titre entre nos mains", commente auprès de l'AFP Crisanto Heredia.

Pour Petro, l'Etat a une dette historique envers ces paysans. La répartition inéquitable des terres est au cœur d'un conflit qui, après six décennies, fait toujours rage dans plusieurs provinces, impliquant des dissidents des ex-FARC et de nombreux autres groupes armés souvent liés au narcotrafic.

Le chef de l'Etat se targue d'avoir déjà octroyé des titres pour plus d'un million d'hectares à des paysans modestes et des indigènes, contre 1,4 million d'hectares par son prédécesseur conservateur Ivan Duque pendant les quatre ans de son mandat (2018-2022).

- "Sécurité sacrifiée" -

Yaneth Calvo, de son côté, n'en finit pas de pleurer son mari, tué le 2 mars lors d'une manifestation d'indigènes et de paysans contre une entreprise pétrolière à San Vicente del Caguán (sud).

Les manifestants, accusés par le gouvernement d'être manipulés par des dissidents des ex-FARC, ont pris en otage près de 70 membres des forces de sécurité, dont Ricardo Arley Monroy, qui a été poignardé.

Peu avant sa mort, il avait fait part de son inquiétude à la mère de ses deux enfants. "Depuis le début de ce gouvernement, (il) sentait que les forces de sécurité étaient abandonnées et privées de moyens de se défendre", rapporte sa veuve à l'AFP.

Le président colombien a lancé un ambitieux plan de négociation avec les groupes armés, baptisé "Paix totale", visant à mettre fin au conflit. En un an, son gouvernement a conclu des cessez-le-feu ou négocie avec plusieurs guérillas, des groupes paramilitaires, divers gangs et cartels de narcotrafiquants.

L'opposition de droite lui reproche d'avoir livré le pays à la criminalité. "Ils ont trop donné aux groupes illégaux", fustige Yaneth Calvo, les yeux embués de larmes.

Dans le département du Meta (sud), le gouverneur Juan Guillermo Zuluaga s'alarme de l'influence croissante des groupes armés sur des territoires jusque-là épargnés. "Nous sommes les alliés du gouvernement dans la recherche de la paix, mais la +paix totale+, sans sécurité totale, n'existe pas", constate-t-il.

- "Redonner l'espoir" -

Petro a promis une transformation en profondeur d'une Colombie historiquement gouvernée par des élites libérales et conservatrices. Mais sa volonté se heurte à l'opposition acharnée de ces mêmes élites, à une mauvaise planification et à un environnement politique hostile.

La coalition présidentielle au Congrès avec les centristes et des libéraux s'est défaite et les scandales s'accumulent : le dernier concerne le fils aîné du président, Nicolas, qui vient d'avouer à la justice que de l'argent sale avait servi à financer la campagne présidentielle.

"L'arrivée de Petro a généré de très grandes attentes, les gens ont imaginé que tout allait changer et la désillusion est profonde", explique Eugénie Richard, analyste à l'Université Externado.

Pour certains, le "changement" promis s'est cependant concrétisé. Laura Ramirez, 25 ans, a participé en avril 2022 à Medellin (nord-ouest) à la vague de manifestations massives et fortement réprimées contre le président Duque. Accusée d'association de malfaiteurs et de terrorisme, elle a passé près de huit mois en prison.

Mais Petro a choisi le camp des manifestants et plusieurs des dirigeants emprisonnés ont depuis été libérés, comme Laura Ramirez, désormais employée au sein de la nouvelle administration. "On ne peut pas dire que tout soit parfait, mais Gustavo (Petro) a redonné de l'espoir aux jeunes", souligne-t-elle.

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