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Ne pas sentir, ne pas toucher: à Brantôme, un marché de la truffe "pas simple"

Masque sur le nez et gants en latex, interdiction de toucher et de sentir : le marché aux truffes de Brantôme dans le Périgord s'est adapté aux normes Covid. "Pas simple" pour les acheteurs et les contrôleurs.

Il fait encore nuit quand les "apporteurs" montrent leurs truffes aux contrôleurs sous les lumières installées exceptionnellement dans une des grottes troglodytiques à l'arrière de l'abbaye, plus grande et aérée que l'habituelle salle de l'office de tourisme.

"On a un petit souci, c'est qu'on n'a pas le droit de les sentir donc on ne fait que les toucher, on est obligé de changer de gants à chaque personne, chaque lot. On ne pèse jamais à nu, toujours dans des sachets", explique Martine Rougier, contrôleuse de l'association Terre de truffe.

Malgré les gants "on va sentir la peau, on va sentir l'enveloppe de la truffe mais on n'a pas le toucher normal", regrette-t-elle.

S'ajoute à cela l'espace choisi en plein air: "les arômes se diluent dans l'atmosphère. Vous emprisonnez la truffe dans vos mains pour qu'elle ait un peu de chaleur humaine et après vous sentez. Mais cette année c'est pas la peine, on ne peut pas faire ça. Donc c'est aux yeux et à la confiance du trufficulteur", dit la contrôleuse.

Une fois les truffes contrôlées, le vendeur peut s'installer sur l'une des tables dressées sous le regard de Dieu le Père, célèbre bas-relief de la grotte du Jugement dernier. Quinze vendeurs sont présents.

"L'inconvénient c'est qu'on peut mettre moins d'apporteurs puisqu'il y a une distance à respecter. Pour le premier marché, ça ne pose pas de souci parce qu'il n'y a pas suffisamment d'apporteurs mais quand la saison va arriver ça va poser problème", estime Bernard Longieras, responsable du marché.

- "T'as pas le choix" -

Habituellement ils sont entre 35 et 40 vendeurs, cette année, la jauge a été fixée à 20.

"On a proposé aux gens de se regrouper entre voisins, entre apporteurs, ils viennent avec des lots de deux ou trois et ça permettra d'essayer de vendre ses truffes", explique M. Longieras.

La saison des marchés de la truffe, le "diamant noir" de la gastronomie, s'ouvre ainsi avec les restrictions sanitaires mais sans les principaux clients, les restaurateurs.

A 9h, une petite cloche annonce l'ouverture du marché. On est loin de la bousculade des grandes années. Deux courtiers, intermédiaires entre les vendeurs et les restaurateurs ou négociants, sont cependant présents.

Ils suivent le parcours imposé entre des barrières et au départ duquel une affiche rappelle "Merci de ne pas sentir les truffes".

"Chaque truffe est mise dans une poche et pesée, elle ne peut pas être mise à nu sur la balance et l'acheteur donne son nom au vendeur, si jamais il y a un problème on peut remonter à la trace où il a acheté la truffe", détaille M.Longieras

Alors comment choisir une truffe qu'on ne peut ni sentir, ni toucher ?

"C'est pas simple", reconnaît un courtier souhaitant rester anonyme. "On regarde, on essaye de sentir", on sent "moins bien mais on arrive à voir les belles truffes", ajoute-t-il refusant d'en dire plus.

"T'as pas le choix, t'achète des lots. Et en rentrant chez toi, peut-être que tu t'es fait b....", lance un autre courtier pressé qui vient d'acheter la majorité des truffes en quelques minutes.

"Ca, ça va être le problème, de ne pas pouvoir les sentir", reconnaît Marie-Claire Desport, trufficultrice. Et pourtant, si ces premières truffes ont manqué de gel et ne sont pas encore au meilleur de leur qualité elle "sentent meilleur que les autres années", assure-t-elle.

L'apporteuse a tout vendu mais "moins bien que l'année dernière", "500 euros le kilo, l'année dernière 650". "D'habitude je vendais beaucoup à des restaurateurs... et ça, ça va nous porter tort. C'est peut-être pour ça que ça casse les prix", se demande-t-elle.

"Les gens mangent quand même. Peut être que s'ils font des économies par ailleurs ils pourront se faire plaisir et on leur dit de se faire plaisir et d'acheter des truffes", espère Bernard Longieras.

Pour cette première journée, les 5,6kg de truffes proposés ont été vendus.

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