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Réforme des retraites: la concertation s'achève sans illusion

Syndicats et patronat ont un ultime rendez-vous la semaine prochaine avec le haut commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, mais après la conférence de presse d'Emmanuel Macron, ils ont compris que le projet de loi ne répondrait pas à leurs attentes.

Ce sera leur dernière séance, mais le rideau est déjà tombé. Le chef de l'Etat a tranché le débat sur l'âge légal de la retraite, qui divisait l'exécutif depuis un mois, et a confirmé son intention de mener "une réforme beaucoup plus large" avec "un nouveau système par points".

"Delevoye a gagné: l'âge légal restera à 62 ans" et "ceux qui plaidaient pour y toucher en sont pour leur grade", observe Dominique Corona (Unsa).

Une manche remportée par le haut commissaire contre Bercy et Matignon, mais à quel prix ? Le président de la République a en effet évoqué un allongement de la durée de cotisation et un "système de décote" pour financer son projet.

"Ca ne mange pas de pain de maintenir l'âge légal", puisque "les gens auront une trop petite retraite pour partir à 62 ans", prédit Catherine Perret (CGT). Pour "la moitié (qui) n'est plus en emploi à cet âge", la réforme qui se profile sera "une double peine", ajoute-t-elle.

"Une triple peine", renchérit Philippe Pihet (FO), pour qui un système en points avec une décote en fonction de la durée d'activité "fabriquera des retraités pauvres à la chaîne". Le syndicat, qui a quitté la concertation avant la dernière réunion, se considère "conforté" dans son choix. "Delevoye n'avait jamais parlé de décote", souligne Philippe Pihet, avant d'asséner: "La concertation est morte, c'est le président qui l'a tuée".

- "impréparation" et "faux débat" -

Même chez ceux qui ont joué le jeu de la discussion, le malaise est palpable. "Faire cotiser plus longtemps, ce n'est pas la bonne solution", estime Pascale Coton (CFTC).

Outre le taux de "seniors sans emploi", elle pointe le fort chômage des jeunes et s'inquiète d'une mesure qui "va encore fragiliser la situation des femmes", déjà nombreuses à prolonger leurs carrières au-delà de l'âge légal.

Sous le couvert de l'anonymat, une source déplore "l'impréparation" de M. Macron: "La décote, ça existe dans le système actuel, on n'a pas besoin de réinventer l'eau tiède. Et maintenir une durée de cotisation dans la réforme, ça n'aurait pas de sens", puisque la retraite sera calculée en fonction des points acquis et non plus des trimestres cotisés durant la carrière.

A moins que le chef de l'Etat ne tente une improbable synthèse pour réconcilier son camp. "Le problème dans ce dossier, c'est que les querelles internes à la majorité parasitent la concertation", s'agace Frédéric Sève (CFDT).

Côté patronal aussi, les négociateurs restent sur le qui-vive. "L'âge légal était un faux débat. L'essentiel c'est la valeur du point, pour savoir quel sera le montant de la retraite à 62 ans", explique Alain Griset (U2P).

En attendant que M. Delevoye rende ses conclusions en juillet, puis que le gouvernement présente son projet de loi en septembre, le porte-voix des artisans et des libéraux prévient: "Si c'est Bercy qui fixe la valeur du point, on sera tous plumés un jour ou l'autre".

Les intentions de l'exécutif restent floues sur la question. Même sur l'âge, le président "maintient les 62 ans mais en même temps les détourne" par "un tour de passe-passe", relève Eric Chevée (CPME), qui aurait préféré "passer l'âge légal à 63 ans minimum". Il estime qu'on a, pour autant, "quand même progressé avec cette concertation", espérant parachever l'exercice par "une réunion conclusive multilatérale".

Un souhait partagé par le haut commissaire, qui n'a cependant pas prévu, ou pas reçu l'autorisation d'organiser pareil raout avant la remise de son rapport.

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