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Joëlle réalise une simulation de la facture d'énergie de sa crèche: malgré les baisses de prix, "je suis dépitée"

En deux ans, la facture d’énergie de la crèche de Joëlle devrait passer de 2.500€ à 15.464€, selon une estimation réalisée sur le site de son fournisseur. Démunie, elle ne sait pas comment elle va payer sa facture en septembre et s’inquiète pour la suite. D’autant qu’avec des bébés, elle ne peut se permettre de réduire drastiquement le chauffage. 

"Qui peut nous aider?", c’est avec ces mots que Joëlle conclut son message laissé via le bouton orange Alertez-nous. La Bruxelloise gère une crèche privée depuis 36 ans et elle se retrouve dans une situation très compliquée. "J’ai relevé les index de gaz et d’électricité afin de faire une simulation de la facture annuelle et j’ai été stupéfaite", écrit-elle. Malgré la diminution des prix de l’énergie et l’augmentation de ses acomptes mensuels, elle va devoir payer un surplus de plus de 7.000 euros en septembre, "pour une consommation équivalente aux années précédentes"

En 2021, sa facture pour le gaz et l’électricité s’élevait à 2.527 euros. En 2022, elle est passée à 5.804 euros. Et celle de 2023, devrait donc s’établir autour de 15.464 euros, selon la simulation effectuée. "Si je compte bien, le prix de l’énergie a quintuplé. Je suis dans l’incapacité de payer ces 7.000 euros supplémentaires".

Quand j'ai vu le prix, je suis presque tombée

A 59 ans, Joëlle gère une crèche à Etterbeek, en région bruxelloise, avec une associée et une employée : "On est autorisé pour 25 enfants, mais on en garde 19 actuellement"
Comme pour tout le monde, ses factures d’énergies ont sacrément augmenté : "L’année dernière, j’avais un surplus de près de 3.800 euros. Et j’étais déjà un peu catastrophée". 

Ses acomptes mensuels ont été fortement augmentés : "Je payais 196 euros et à partir d’octobre, ils m’ont demandé 763 euros par mois"

Joëlle a fait une simulation et elle a découvert, avec effroi le montant qu’elle allait devoir payer en septembre : plus de 7.000 euros en plus des acomptes, soit 15.464 euros en tout. Quand le montant est apparu sur son écran, "je suis presque tombée. Je ne m’y attendais pas du tout. Quand j’ai relevé l’index, j’avais moins consommé. J’ai environ une consommation de 3.000 m3, donc mon index augmente de 3.000 chaque année et ici c’était 2.400. Donc, je me suis dit que j’étais dans le bon avec mes acomptes qui ont quadruplé et puis, j’ai vu le prix", confie-t-elle.

J’ai converti en francs belges, j’étais effarée

Son fournisseur Engie lui propose d’encore augmenter ses acomptes jusqu’au mois de septembre et de passer à 2.024 euros par mois. "C’est impossible. Moi, je ne peux pas payer 2.000 euros d’énergie par mois, d’autant que j’ai déjà un plan d’apurement pour l’année dernière, pour les 3.800 euros de surplus"

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Joëlle a un contrat d’énergie variable pour le gaz et l’électricité : "Ça fait 36 ans que je l’ai. Je ne savais même pas quel contrat j’avais à la base. Mais, maintenant, je m’en suis aperçue évidemment".

Elle a pris contact avec son fournisseur Engie pour voir s’il n’y avait pas une erreur : "J’ai parlé à un monsieur qui m’a redemandé mes index. Il m’a dit : c’est quand même un fameux coût, mais c’est tout à fait normal. C’est à cause du prix de l’énergie en hiver… ". Mais, de là à devoir payer 15.464 euros ? "Je suis à plus du double de l’année passée pour une consommation moindre", note-t-elle. "J’ai converti en francs belges, j’étais effarée".

On reste dans le froid et en plus, on nous demande des prix impayables

Et diminuer drastiquement sa consommation n’est pas une option : "J’ai des bébés, je ne peux pas leur mettre 15 degrés la journée, c’est impossible, je suis obligée de chauffer. On a déjà réduit notre consommation, c’est-à-dire que même à la sieste, on les met dans des gigoteuses, on met des grosses couvertures au grand et on réduit le chauffage. Mais nous, on a froid. On reste dans le froid et en plus, on nous demande des prix impayables".

Alors, peut-elle répercuter cette augmentation sur les parents ? "Les parents ont un contrat fixe, donc moi, je n’augmente pas. Ils rentrent avec un tarif, ils sortent avec le même tarif.  C’est forfaitaire"

On n’a pas droit au chômage. Donc arrêter, c’est impossible

Comment l’indépendante va-t-elle faire pour payer cette facture ? "A part pleurer… ", souffle-t-elle. Elle a fait appel à Infor GazElec, un centre d’information pour les consommateurs bruxellois d’énergie, pour l’aider à décortiquer ses factures et vérifier qu’il n’y a pas d’erreur. "De toute manière, on va demander un plan d’apurement. Mais, c’est chaque fois un plan d’apurement, un plan d’apurement, Plus nos factures intermédiaires qui augmentent".

Face à ses factures qui n’arrêtent pas d’augmenter, Joëlle se sent démunie : "Je suis dépitée, vraiment… Je me suis dit, il va falloir qu’on arrête. On ne peut plus avec les hausses successives, les augmentations de salaires. Le salaire de notre employée a été indexé et tout suit le même mouvement, les courses augmentent aussi. On ne sait plus faire face. J'adore mon boulot. Mais, ce n'est plus vivable."

A 59 ans, sa situation est compliquée : "En tant qu’indépendante, on n’a pas droit au chômage, Donc arrêter, c’est impossible. Moi je suis seule, je ne peux pas arrêter de travailler. Je ne peux pas prendre ma pension. J’ai droit à rien", dit-elle des sanglots dans la voix. Et "pour quatre ans qui me restent encore au bas mot à travailler, je ne sais pas ce que je peux faire. C’est vrai qu’on est locataire en plus, donc je ne peux pas dire: moi je mets la clé sous la porte, parce qu’il y a le bail qui continue. Franchement, je ne sais pas vers qui me tourner".

A quelle aide Joëlle a-t-elle droit ?

Sa crèche est reconnue par Kind en Gezin, le service qui s’occupe de l’accompagnement des jeunes enfants, au sein de l’agence flamande Opgroeien (Grandir en français). Et à ce titre, elle a reçu l’année dernière une aide de 3.000 euros pour les factures d’énergie, soit 120 euros par place autorisée. 

1.900 structures d’accueil ont bénéficié de cette subvention en 2022. 

Nous avons contacté l’agence Opgroeien qui nous a confirmé que l’objectif était de renouveler cette aide pour l’année 2023. Mais, "le gouvernement flamand doit encore prendre la décision formelle", indique Nele Wouters, la porte-parole. 

Comment expliquer que les factures continuent d’augmenter alors que les prix baissent ?

Stéphane Bocqué, porte-parole de la Fédération belge des entreprises électriques et gazières, apporte une explication : "Les prix sur les marchés de gros baissent graduellement et quasi en continu depuis le pic de prix constaté en août 2022. Cela dit, les prix restent encore actuellement globalement deux fois plus élevés que la moyenne d’avant crise". Il rappelle en outre que "la majorité de la consommation de gaz a lieu sur les 6 mois allant d’octobre à mars".

Du côté du fournisseur Engie, on ne dit pas autre chose : "Les prix diminuent bien, mais il s’agit des prix actuels et/ou des estimations pour le futur. Les factures que les clients reçoivent pour l’instant couvrent des consommations entre avril 2022 et avril 2023, donc ce sont les prix des 12 derniers mois (plus élevés) qui s’appliquent".

De nombreux consommateurs risquent encore de déchanter en recevant leur facture de régularisation. C'est pourquoi le porte-parole d'Engie, Olivier Desclée ajoute : "Nous conseillons à nos clients de vérifier régulièrement le niveau de leur acompte mensuel pour éviter les éventuelles mauvaises surprises"

Qu’en est-il du cas de Joëlle?

Revenons au cas de Joëlle, son acompte mensuel a bien été augmenté à l'automne 2022. Alors comment expliquer l'important différentiel avec sa prochaine facture de régularisation? 

Après une vérification poussée réalisée par son fournisseur Engie, il s'avère que le résultat obtenu lors de la simulation effectuée sur le site internet n'est pas correct. Le fournisseur explique cette erreur dans la simulation par le fait que le sytème n'a pas pris en compte les anciens index de gaz et d'électricité, comme le compte client de Joëlle vient d'être créé.

D'autres clients pourraient-ils avoir le même problème avec leur compte ? Difficile à savoir, car cela ne peut potentiellement arriver que si le consommateur est dans le même cas : il vient de créer son compte et il réalise une simulation.

Les simulations réalisées par Engie montrent au contraire que Joëlle ne devrait rien avoir à payer en septembre. Elle pourrait même bénéficier d'un remboursement. Enorme soulagement pour cette gérante de crèche qui note tout de même que "ni le service client d'Engie, ni le conseiller d'Infor GazElec, n'ont pu (ndlr : dans un premier temps) détecter cette erreur".

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