Partager:
Denis nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous car il est inquiet : de nombreux champs autour de chez lui sont devenus de couleur orange. A quoi cela est-il lié ?
"Je vous contacte car je suis inquiet de voir que de nombreux champs qui nous entourent sont devenus orange", écrit Denis en appuyant sur le bouton orange Alertez-nous.
5 hectares atomisés en moins de 20 minutes
Le septuagénaire a fait cette étrange constatation en se promenant dans les champs qui bordent son village. Curieux, il s’est renseigné sur cette étrange couleur. "Il semble que la mode cette année soit à la pulvérisation d’un anti-herbe sur la totalité de la parcelle. Et nous voilà donc avec des milliers d’hectares arrosés de glyphosate mortel qui pourra s’infiltrer en toute tranquillité dans notre eau potable !!"
"Pourtant, les monstrueux pulvérisateurs aux immenses roues étroites et chargés de 10 tonnes de mort bafouent les règles allègrement et en toute impunité. Les 5 hectares près de chez moi ont été atomisés en moins de 20 minutes !"
Denis n’en revient pas. Pour lui, la situation n’est pas normale. "Et dire que moi, si je pulvérise mes 10 m² de graviers en façade je risque une amende et je serai alors un 'mauvais' citoyen peu respectueux de l’environnement… Jamais je ne comprendrai cette 'logique'. Pauvre planète", conclut-il d’un ton amer.
Le glyphosate, une solution utile
Pour être sûr que cette couleur jaunâtre est bien une conséquence du glyphosate, nous avons rencontré Gilles. Cet agriculteur fait "de la grande culture", des "céréales, chicorée, pomme de terre, oignon, carottes, épinards et des vignes aussi".
Pour son exploitation, Gilles utilise ce produit et nous confirme que "les premiers signes d’un traitement au glyphosate, c’est sûr que c’est un jaunissement des plantes. Forcément après elles commencent à faner et à se dégrader."
S’il a fait le choix d’utiliser le glyphosate, c’est pour "limiter le travail du sol ainsi que le labour qui perturbe la structure du sol". "C’est la solution la plus utile pour éviter de labourer", ajoute-t-il.
Une utilisation raisonnée
Il n’en reste pas moins que le glyphosate est l’herbicide le plus utilisé dans le monde. Il est aussi le plus contesté.
La manière d’utiliser ce produit diffère fortement en fonction des pays et des lois en vigueur.
"On n’est pas comme aux Etats-Unis où on va diffuser du glyphosate directement sur les cultures. On ne pulvérise qu’à un stade précis des cultures", explique Thibaut de Clerck, conseiller production végétale à la Fédération Wallonne de l’Agriculture.
"L’utilisation de produits phytopharmaceutiques est très encadrée", ajoute-t-il. "Les agriculteurs sont soumis à des formations tous les ans."
"On peut parler d’utilisation raisonnée", affirme encore le conseiller de la FWA.
Un produit interdit pour les particuliers
À ce stade de notre article, il semble judicieux de rappeler que le glyphosate est un produit toléré pour les professionnels, mais interdit pour les particuliers. Une décision qui vient des autorités fédérales, dont le SPF Santé.
"Depuis 2018, monsieur et madame tout le monde ne peuvent plus utiliser de glyphosate. Ce sont uniquement des professionnels qui ont reçu notre autorisation", détaille Olivier Guelton du service de l’autorisation des produits phytopharmaceutiques. "C’est une décision de principe qui veut retirer de la vente tous les herbicides qui n’imiteraient pas des substances naturelles. On estimait qu’il valait mieux ne plus laisser les particuliers les utiliser."
Reconnu par l’OMS comme cancérogène probable
On vous l’a dit, ce produit est très controversé. Depuis des années, les études scientifiques rendent des verdicts différents, certaines auraient été financées par Bayer.
Nous avons donc d’un côté ceux qui affirment que "le glyphosate est considéré comme un produit dangereux", comme Greenpeace. "Il a été reconnu par l’OMS comme un cancérogène probable (en 2015, ndlr). L’entreprise Bayer (qui produit l’herbicide, ndlr) a été condamnée plusieurs fois par des plaignants qui ont développé des cancers à cause de son désherbant", détaille Albane Aubry, chargée de campagne agriculture et alimentation pour la branche belge de l’ONG.
De l’autre côté, ceux qui assurent que le produit est sous contrôle : "Le glyphosate est une des molécules les plus étudiées. On a parfois des résultats contradictoires, mais quand on rassemble l’ensemble des données de toutes les études disponibles, il n’y a pas de raison de le considérer comme cancérigène", affirme Olivier Guelton du SPF Santé.
Un avis qui rejoint la décision de l’Echa, l’Agence européenne des produits chimiques, qui estime que les preuves scientifiques disponibles ne permettaient pas de classer le glyphosate comme cancérogène.
Bref, ce n’est pas clair et le débat est plus ouvert que jamais puisque l’avenir du glyphosate en Europe se joue en fin d’année. "On attend la décision (de la Commission Européenne, ndlr) qui sera prise d’ici la fin de l’année", explique Oliver Guelton. "Si en décembre, on décide d’interdire le glyphosate, cette règle sera effective en juin 2025 partout en Europe".
Rendez-vous donc à la fin de l’année pour (peut-être) connaître le fin mot de l’histoire.