Jacques Attali a troqué lundi ses habits de pourfendeur de la crise économique pour ceux de prévenu au procès de l'Angolagate où il est accusé d'avoir usé de son influence, contre rémunération, pour torpiller un contrôle fiscal de la société d'armement de Pierre Falcone et Arcadi Gaydamak.
Après trois mois d'audience, le tribunal correctionnel entamait l'examen du rôle de l'ancien conseiller de François Mitterrand dans cette affaire de commerce d'armes de guerre de l'ancien bloc communiste, vendues de 1993 à 1998 pour quelque 790 millions de dollars à un Angola en pleine guerre civile par l'homme d'affaires Pierre Falcone et Arcadi Gaydamak.
Pour l'accusation, Pierre Falcone aurait fait appel à Jacques Attali en novembre 1997, via son avocat fiscaliste Allain Guilloux, parce que ZTS Osos, la société slovaque qui vendait les armes à l'Angola faisait l'objet d'un redressement fiscal. Et pas des moindres puisque le fisc demandait près de deux milliards de FF (environ 300 millions d'euros).
Contre des interventions auprès de Hubert Védrine, alors ministre des Affaires étrangères, Jacques Attali aurait touché 160.000 dollars tandis que son cabinet-conseil signait en juillet 1998 un contrat de 200.000 dollars pour instaurer du micro-crédit en Angola, ce en quoi les enquêteurs n'ont vu qu'un "habillage pour justifier la rémunération" de l'économiste de 65 ans.
Jacques Attali dément avoir rencontré Pierre Falcone via Allain Guilloux et encore plus être intervenu dans les problèmes fiscaux de ZTS Osos.
Le vendredi 14 novembre 1997, "Pierre Falcone est venu me voir pour me parler des réformes qu'il était nécessaire de faire en Angola", raconte celui qui est aujourd'hui président de la Commission pour la libération de la croissance française (CLCF).
A cette époque, lui rappelle le président Jean-Baptiste Parlos, des articles de presse ont déjà accusé Pierre Falcone d'être un trafiquant d'armes.
"Il m'avait dit qu'il était intermédiaire sur le marché pétrolier et je n'avais pas de raison de ne pas le croire", réplique Jacques Attali.
Deux jours plus tard, le dimanche 16 novembre, il rencontre Allain Guilloux, l'avocat dont il est un "ami".
Rien à voir, se défend Jacques Attali. "Il habitait à côté et passait quasiment tous les dimanches matins chez moi".
"Vous parliez de procédures fiscales?", demande le président à l'avocat.
"Très souvent oui, ce sont des prismes révélateurs du fonctionnement des sociétés", répond Me Guilloux.
Dès le lundi, la société de Jacques Attali faxe "pour avis" au cabinet Guilloux un projet de contrat triennal avec l'Angola, contre une rémunération annuelle de trois millions de dollars.
C'était un simple projet, un "contrat type", assure Jacques Attali, soulignant que ce contrat-là ne sera d'ailleurs jamais signé.
Quant aux émoluments prévus, "il s'agissait d'obtenir pour Luanda une réduction de dette de 10 milliards de dollars et tous les autres prenaient deux zéros de plus".
Ce même lundi, un mémo de la secrétaire de Pierre Falcone mentionne le versement de 300.000 FF en cash et 200.000 en virement à "avocat Osos".
Allain Guilloux reconnaît le virement mais nie avoir reçu du liquide. Celui-ci était pour les avocats angolais, assure Pierre Falcone.
Le mardi 18 novembre, Allain Guilloux envoie un courrier à Pierre Falcone: "J'ai rencontré Jacques Attali ce dimanche. Je vous demande de bien vouloir m'appeler".
A la barre, Allain Guilloux dit qu'il ne s'en "souvient plus".
