Le théâtre de Jean-Paul Sartre (1905-1980) sort d'un relatif purgatoire à Paris avec la comédie satirique "Nekrassov" au Théâtre 14, présentée jusqu'au 27 octobre, et le très philosophique "Huis clos", qui sera repris au Théâtre des Abbesses du 2 au 26 octobre.
"Nekrassov" est monté par Sea-Art de Jean-Paul Tribout, qui voudrait abolir la frontière entre théâtre intellectuel et divertissement, et "Huis clos" par le Théâtre du Point du Jour, animé à Lyon depuis 1995 par Michel Raskine.
"Huis clos" fut créée en 1944 à Paris au Vieux-Colombier et "Nekrassov" en 1955 au Théâtre Antoine, avec chaque fois en tête de distribution Michel Vitold (1915-1994). Ce dernier interpréta plus de mille fois en 20 ans Garcin, le macho déserteur et désabusé de "Huis clos", et il créa le rôle-titre de "Nekrassov", escroc de haut vol disciple d'Arsène Lupin traqué par la police.
"Huis clos" est considérée comme la pièce la plus réussie du théâtre non engagé politiquement de Sartre. "Nekrassov" a souffert du mauvais accueil à sa création de la critique de droite. Cette farce à thèse ne se moque-t-elle pas notamment de l'anti-communisme, tout en dénonçant malicieusement les pratiques d'une presse asservie aux puissances de l'argent et ses manipulations peu orthodoxes ?
La mise en scène de Jean-Paul Tribout pour "Nekrassov" ne cherche pas à actualiser par le décor et les costumes la pièce, qui reste liée à l'époque de la guerre froide. Sans amoindrir son côté vaudevillesque, elle souligne la permanence de pratiques qui annihilent la liberté et l'identité de l'individu. La distribution réunit neuf comédiens dont Xavier Simonin (l'escroc qui se fait passer pour le ministre soviétique Nekrassov) et quatre autres qui jouent plusieurs personnages, souvent caricaturaux comme chez Labiche.
Michel Raskine avait monté en 1991 "Huis clos", qu'il a repris avec une partie de la distribution, Garcin étant toujours interprété par Christian Drillaud et Inès par Marief Guittier. Sa nouvelle mise en scène est moins vaudevillesque que celle de 1991. Les protagonistes, davantage touchants, ne savent plus aimer, mais sont animés de désirs et d'une volonté de vivre dans cette démonstration que "l'enfer c'est les autres".
