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Superprofits: le gouvernement sous la menace d'un retour de bâton

Gare à l'effet boomerang: le débat sur la taxation des "superprofits" a pris une tournure inattendue ces derniers jours, l'exécutif se retrouvant accusé d'être lui-même un "superprofiteur" par le biais de rentrées fiscales supérieures à ses attentes.

Invité vendredi sur BFM TV/RMC, le ministre des Comptes publics Gabriel Attal a une nouvelle fois dû démentir l'existence d'une "cagnotte" au sein de l'Etat, alors que les accusations d'enrichissement excessif pesaient jusqu'ici plutôt sur de grandes entreprises comme TotalEnergies ou CMA-CGM.

"Il y a des recettes (fiscales) supplémentaires mais on dépense beaucoup plus pour protéger, accompagner les Français", a-t-il ainsi martelé.

Avec la forte inflation ces derniers mois - accélérée par le conflit entre la Russie et l'Ukraine - et la bonne résistance de l'emploi et de la croissance en France, les rentrées fiscales sont de fait très dynamiques.

Dans un communiqué sur la situation budgétaire de l'Etat, le ministère des Finances a d'ailleurs indiqué vendredi qu'à fin juillet 2022, "les recettes fiscales nettes s'(établissaient) à 172,5 milliards d'euros contre 144,1 milliards à fin juillet 2021".

Les rentrées liées à l'impôt sur les sociétés progressent de près de 16 milliards d'euros sur un an, et celles issues de la TVA de 7,7 milliards.

De quoi accréditer la thèse du patron du Medef Geoffroy Roux de Bézieux, qui avait estimé lundi que "le plus grand superprofiteur, c'est l'Etat" ?

Pas pour Gabriel Attal, qui prend l'exemple de la TVA sur l'essence.

"Avec l'augmentation des prix sur l'essence", l'Etat a perçu un supplément de TVA de "3 à 4 milliards d’euros". Or "on a dépensé 7 milliards d'euros pour la ristourne carburant", a soutenu le ministre des Comptes publics.

"L’Etat ne s’enrichit pas dans la situation, au contraire", a-t-il poursuivi, dans la droite ligne de propos déjà tenus par Elisabeth Borne.

Lundi, la Première ministre avait répliqué au président du Medef que "non, il n'y (avait) pas de surprofits du côté de l'Etat".

Malgré ces démentis, au cours de la semaine qui vient de s'écouler le gouvernement a du faire face à un périlleux retour de bâton sur un dossier qui l'empoisonne depuis cet été.

- Compromis -

A l'origine, ce sont en effet quelques grandes entreprises aux résultats financiers exceptionnels qui étaient dans le viseur de l'opposition de gauche.

Mais plutôt que de les taxer comme réclamé par les oppositions, le gouvernement les a incitées à baisser leurs tarifs, un appel entendu par TotalEnergies et CMA CGM.

"Une taxe n'a jamais amélioré la vie de nos compatriotes. Nos compatriotes ont besoin d'argent dans leur poche, pas dans les poches de l’Etat", insistait le ministre de l'Economie Bruno Le Maire devant le Parlement en juillet.

Au retour de la pause estivale, sa ligne n'a pas changé et le N.2 du gouvernement fait désormais des appels du pied aux secteurs bancaire et assurantiel pour qu'ils réduisent les frais bancaires ou les primes d'assurance.

Mais les partisans d'une taxe n'ont pas pour autant abandonné.

"On n'a pas l'impression que le code de la taxation soit à même de répartir justement (les profits), surtout depuis le Covid", a jugé Esther Duflo vendredi sur France Inter. Donc "la taxe sur les superprofits, c’est une vraie bonne idée", a poursuivi la colauréate du prix Nobel d'économie 2019.

A Matignon, le ton est devenu légèrement plus conciliant au sujet d'une telle taxation.

"Je pense que les entreprises vont faire preuve de responsabilité" en agissant pour le pouvoir d'achat des Français, a estimé jeudi Elisabeth Borne.

Mais "si certaines ne le faisaient pas, nous ne fermons pas la porte" à une taxation exceptionnelle des superprofits, a dit la Première ministre.

La question promet de revenir dans les débats sur le projet de budget 2023, que le gouvernement doit présenter à la fin du mois.

Des députés du camp présidentiel plaident déjà pour un compromis, sous la forme d'un fonds de financement de la transition énergétique alimenté par les "superprofits" des entreprises.

Une idée "intéressante" pour Bruno Le Maire. Reste à la vendre aux oppositions, décidées à négocier chèrement leurs voix alors que le gouvernement ne dispose que d'une majorité relative à l'Assemblée nationale.

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