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La Belgique va enquêter sur la mort de Lumumba: "On vise les assassins"

Cinquante ans après les faits, la justice belge va lancer une enquête sur l'assassinat en pleine guerre froide du Congolais Patrice Lumumba, l'un des héros des indépendances africaines, toujours populaire en 2012. Sa famille met en cause dans sa mort d'ex-responsables de la Belgique, l'ancienne puissance coloniale.

La Belgique va enquêter sur la mort de Patrice Emery Lumumba cinquante ans après sa mort. Il fut le premier chef du gouvernement du Congo-Kinshasa de juin à septembre 1960. Le 30 juin 1960, jour de l'indépendance du Congo, il prononce devant le roi Baudouin, un virulent discours dénonçant les abus de la colonisation belge, marquant sa rupture avec l'ancienne métropole.

L'assassinat de Lumumba

Après la prise du pouvoir par Joseph-Désiré Mobutu, Lumumba fut assassiné, le 17 janvier 1961, par des responsables du Katanga (sud-est), région minière qui fit un temps sécession avec le soutien de la Belgique. Les forces de sécurité belges ont été accusées d'avoir à tout le moins couvert l'opération, voire de l'avoir commanditée ou coordonnée.

L'ombre de la CIA

En pleine guerre froide, l'ombre de la CIA a aussi plané sur l'opération fatale au charismatique dirigeant congolais, jugé trop proche de Moscou, mais qui se présentait avant tout comme un  leader nationaliste.

Une plainte contre des responsables belges

Une commission d'enquête parlementaire belge de 2001 avait conclu à la "responsabilité morale" de la Belgique. Le gouvernement de Guy Verhofstadt avait alors présenté les excuses de la Belgique au Congo. Mais en 2010, alors que se profilait le cinquantième anniversaire de l'indépendance du pays, les fils de l'ancien Premier ministre, considéré comme l'une des principales figures de la décolonisation des Etats africains, avaient annoncé qu'ils souhaitaient déposer plainte contre des responsables belges de l'époque.

"On vise les assassins"

"C'est un père que je cherche, un père que j'aime toujours, et je veux savoir pourquoi il a été tué", avait alors expliqué Guy Lumumba, le fils cadet du premier chef de gouvernement démocratiquement élu dans l'ex-Congo belge. "On vise les assassins. En Belgique, ils sont douze, ils sont vivants et nous voulons qu'ils répondent de ces actes ignobles devant la justice", avait ajouté Guy Lumumba, qui, avec son frère François, est l'un des membres de la famille Lumumba à l'origine de l'action.

Un an après

Mais il a fallu un an pour que l'action en justice se concrétise et que la plainte avec constitution de partie civile soit déposée devant le parquet fédéral à Bruxelles. Avant de pouvoir lancer l'enquête, le parquet fédéral devait toutefois encore obtenir le blanc-seing d'une juridiction d'instruction, la Chambre des mises en accusation.

"Compétence universelle"

Mercredi, celle-ci a jugé que la plainte remplissait bien les conditions prévues par la loi belge dite de "compétence universelle", qui autorise les tribunaux du royaume à poursuivre une personne soupçonnée de crimes de guerre, de crimes contre l'Humanité ou de génocide si les plaignants ou l'accusé ont un lien avec la Belgique.

Un crime de guerre

Dans son arrêt, elle considère que l'ex-Congo belge était alors plongé dans un conflit armé et que la mort de Patrice Lumumba pouvait dès lors être considérée comme un crime de guerre. En outre, les personnes mises en cause sont de nationalité belge, puisqu'il s'agit d'anciens policiers, politiques et fonctionnaires actifs à l'époque des faits.

Huit personnes toujours en vie

La liste des personnes soupçonnées n'a pas été rendue publique, mais selon l'agence Belga, huit seraient toujours en vie. L'agence de presse belge cite un homme d'affaires qui était en 1960 un jeune diplomate, et un ancien conseiller des sécessionnistes katangais. "Il faut aller plus loin que la reconnaissance d'une responsabilité morale. Il faut tirer de l'établissement des faits toutes les conclusions, d'ordre pénal et juridique", avait déclaré en 2011 François Lumumba.

Une action préméditée

"En plus de l'argent, la Belgique avait mis des moyens logistiques à la disposition des adversaires du Premier ministre. Cette action était donc préméditée, agencée, calculée: elle visait l'élimination politique et physique de Lumumba", avait-il ajouté. Lumumba, dont la grande statue s'élève dans Kinshasa, reste très populaire parmi les Congolais.

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