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Procès de 18 ex-policiers à Marseille: "On a été sali, traité de voyous"

"On a été sali, traité de voyous": au premier jour du procès "de la BAC Nord", les 18 prévenus, ex-policiers de la brigade anticriminalité de Marseille, ont exprimé leur colère face à l'étiquette de "ripoux" dont ils ont été affublés.

Accusés d'avoir volé ou extorqué des dealers de drogue et revendeurs de cigarettes de contrebande, ces hommes âgés de 37 à 60 ans encourent jusqu'à 10 ans de prison, les faits ayant été commis en réunion et par personnes dépositaires de l'autorité publique.

Neuf ans après les faits présumés, ils n'ont toujours pas encaissé les propos du procureur de Marseille de l'époque, Jacques Dallest, qui avait parlé de "gangrène", les accusant de "se payer sur la bête" et de "prélever leur dime". "Il n'y pas de place pour ceux qui salissent l'uniforme de la police", avait renchéri Manuel Valls, alors ministre de l'Intérieur.

"Ce mot de +gangrène+, je l'ai très mal pris", a témoigné lundi Bruno Carrasco, alors chef de groupe à la BAC Nord, à la barre du tribunal correctionnel de Marseille.

Au premier jour des débats, la parole était aux prévenus et à leurs défenseurs, pour les interrogatoires de personnalité.

L'objectif de ce procès sera "de réhabiliter ces hommes jetés en pâture", a soutenu Me Alain Lhote, le conseil de M. Carrasco, en affirmant que 67 à 70% des écoutes censées accuser les policiers étaient inaudibles.

Une "sonorisation", du 17 juillet 2012, semblait pourtant résumer l'esprit qui régnait dans le service: "On commence à avoir un bon petit groupe, où on sait qu'on ferme nos gueules. Ce qui se dit dans la voiture reste dans la voiture", se félicitait un prévenu.

Révoqué de la police suite à cette affaire, comme deux autres de ses collègues, M. Carrasco travaille aujourd'hui au centre de visiosurveillance d'Aubagne, près de Marseille.

Après avoir écrit un livre, "Sacrifié de la BAC Nord", il a été recruté comme conseiller sur "BAC Nord", le film de Cedric Jimenez consacré à cette affaire. Prévu sur les écrans le 23 décembre, ce long métrage a été repoussé, Covid oblige.

- "La BAC, c'est l'adrénaline" -

Lui aussi révoqué, Régis Dutto a "tout perdu, son salaire, son honneur". Après avoir passé le concours d'infirmier, il exerce désormais ... à la prison des Baumettes.

"On a été sali, montré du doigt, traité de voyous", insiste Mohamed Chenine, autre chef de groupe mis en cause et toujours policier, aux Pennes-Mirabeau, dans la banlieue de Marseille.

Tous regrettent leur ancien service. C'est pour "le prestige" de cette BAC Nord que Stéphane Joly s'était engagé. Toujours policier, après une exclusion de 12 mois ferme, il est désormais délégué syndical permanent, comme Sébastien Soulé. Et il espère "une réhabilitation": "Il faut qu'on nous enlève cette étiquette de +ripoux+ impossible à assumer".

Envoyé deux mois en détention provisoire, d'octobre à décembre 2012, comme six autres prévenus, M. Soulé n'a pas oublié: "Ca vous change un homme. Ceux qui vous disent le contraire, ils mentent", lâche-t-il, après un silence.

Après la BAC Nord, les 15 prévenus restés policiers ont souvent changé de terrain. Jean Fiorenti lui est toujours dans une brigade anticriminalité, toujours chef de groupe, mais à Vitrolles, près de Marseille. Ce qu'il aime, c'est "faire du flagrant délit, du terrain".

"La BAC, c'est l'adrénaline", confirme Nicolas Falquet, candidat pour retourner à la BAC Nord.

Le seul à avoir vraiment changé de vie, c'est Patrice Morio, le troisième policier révoqué. Mais après une formation de marin-pêcheur, il a vite craqué: "C'était la galère". Désormais formateur en secourisme et sécurité incendie, il aimerait "tourner la page définitivement".

Face aux policiers, la seule victime officiellement déclarée était absente lundi. Interpellé le 31 août 2012, cité Fontvert, à bord d'une Audi A3, en possession de cocaïne, de haschich et de milliers d'euros en petites coupures, Karim Menacer, qui accuse quatre policiers de la BAC Nord de lui avoir volé 9.000 euros, a cependant confirmé sa constitution de partie civile par courrier.

Les trois prochains jours du procès, prévus pour durer deux semaines, seront consacrés aux interrogatoires des prévenus sur les faits.

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