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Strasbourg expose Käthe Kollwitz, figure de l'expressionnisme allemand

La première rétrospective en France consacrée à Käthe Kollwitz, figure de l'expressionnisme allemand encore méconnue en France, s'ouvre vendredi à Strasbourg avec pour ambition d'exposer les multiples facettes d'une œuvre engagée et protéiforme, entre gravure, dessin et sculpture.

"Je veux agir dans ce temps" : la citation, tirée du journal intime de l'artiste, sert de titre à l'exposition du musée d'Art moderne et contemporain de Strasbourg (MAMCS) où sont regroupées jusqu'au 12 janvier 170 œuvres de l'artiste (1867-1945), témoin des convulsions de la première moitié du XXe siècle.

Organisée avec le Käthe Kollwitz Museum de Cologne, cette rétrospective est "la première en France" consacrée à la plasticienne, explique Paul Lang, directeur des musées de Strasbourg. Avec une trentaine de pièces, ceux-ci détiennent la plus importante collection d’œuvres de Kollwitz en France.

Ce pays a "tardé à la reconnaître", abonde Estelle Pietrzyk, conservatrice du MAMCS. Son œuvre, "immensément connue en Allemagne" où deux musées lui sont consacrés (Cologne et Berlin), a pourtant joui d'une renommée internationale, rappelle-t-elle.

"Il était temps que la France se réapproprie" cette artiste, estime Mme Pietrzyk.

- Antinazie -

Réparties sur 600 m2 et huit salles, les œuvres sont proposées dans un ordre chronologique, des premiers pas de la jeune Kollwitz, marqués par le naturalisme, aux œuvres de la fin de sa vie, hantées par la mort, en passant par son adhésion au mouvement d'avant-garde "Berliner Secession" et ses gravures dénonçant les horreurs de la guerre.

Plusieurs dessins érotiques ou de nus sont également exposés, aux côtés de sculptures, notamment une "Pieta" représentant une mère qui tient son fils mort, et dont une reproduction est visible dans le célèbre monument berlinois "Neue Wache".

Son passage à Paris, en 1901 et en 1904, influencera beaucoup son travail : elle y étudie la sculpture et fréquente "tous les grands artistes de l'époque", comme le sculpteur Auguste Rodin ou le peintre Théophile Alexandre Steinlen, note encore Alexandra von dem Knesebeck, l'une des commissaires de l'exposition et spécialiste de l'oeuvre de Käthe Kollwitz.

Boudée par les instances officielles de l'Allemagne impériale, l'artiste connait une reconnaissance officielle sous le régime démocratique de Weimar (1918-1945), qui fait d'elle la première femme à entrer à l'Académie prussienne des arts, institution dont le régime national-socialiste la forcera à démissionner quelques années plus tard.

- "Art engagé" -

En 1936, cette antinazie est interrogée par la Gestapo qui la menace de l'envoyer en camp de concentration. Ses œuvres sont confisquées, elle est interdite d'exposer mais poursuit malgré tout son travail, avant de s'éteindre le 22 avril 1945, quelques jours avant la capitulation de l'Allemagne nazie.

Plusieurs pièces majeures de son œuvre exposées à Strasbourg témoignent de son ancrage social et historique, comme la "Révolte des Tisserands" (son premier grand cycle de gravures, achevé en 1897 et inspiré d'un soulèvement qui a ensanglanté la Silésie en 1844) ou "La Guerre des Paysans" (terminé en 1908, il évoque une révolte paysanne dans l'Allemagne de Luther).

Autre thème majeur de l’œuvre de Käthe Kollwitz : la guerre, qui lui aura pris l'un de ses fils, tombé au début du premier conflit mondial. Pacifiste ardente, Käthe Kollwitz a milité pendant la République de Weimar pour la paix, un engagement qui a imprégné ses travaux, à l'image de sa célèbre affiche montrant une femme levant la main et barrée du slogan "Nie Wieder Krieg" ("Plus jamais de guerre").

Cette exposition "est l'occasion de prendre la mesure de cet art (...) engagé, très sensible à son temps", note Paul Lang : "quand on naît en 1867, et qu'on meurt en 1945 en Allemagne, on vit, évidemment, beaucoup de drames..."

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