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Une BD aux mots bleus, ultime traversée au côté de Bernard Giraudeau

"Ce que j'ai partagé avec Bernard Giraudeau m'a bouleversé à jamais, la BD était presque secondaire", confie à l'AFP le dessinateur Christian Cailleaux à l'occasion de la sortie de leur deuxième album en commun et ultime récit de l'acteur écrivain disparu l'été dernier.

"Dès 2005, quand nous nous sommes connus, il y avait un troisième compagnon au-dessus de nos épaules, la maladie, mais nous en parlions peu", raconte-t-il.

"Nous avions une langue unique, à deux voix", relève Christian Cailleaux qui publie "Les longues traversées" (Dupuis) le 20 mai, dix mois après le décès de Bernard Giraudeau le 17 juillet 2010.

Quand notre premier album, "R97 les hommes à terre" (Casterman), a été terminé, "on a décidé d'en faire un autre. On a tricoté notre nouvelle histoire de mer et d'aventures ensemble. On était en plein dans la vie..."

"Une semaine avant son décès, Bernard avait fini tous les textes. Les dessins crayonnés l'étaient aussi. Bien sûr, j'aurais aimé continuer avec lui. Mais cela a été une bénédiction que le bouquin ne soit pas terminé, cela m'a aidé à rester avec lui. Cela a été beaucoup plus lourd au moment de me défaire de cet album", avoue-t-il.

"Les longues traversées" devaient sortir en octobre 2010 mais Dupuis n'a pas voulu "profiter de l'émotion suscitée par la mort de Bernard et m'a laissé tout le temps nécessaire pour l'achever", se félicite l'artiste.

On y retrouve les personnages de "R97", du nom de l'immatriculation du porte-hélicoptères Jeanne d'Arc sur lequel Bernard Giraudeau avait servi : Théo, devenu écrivain, Diego l'Angolais, et une nouvelle venue, femme pirate fantasmée ou réelle. Et puis Lisbonne, les Caraïbes...

Aventures vraies, imagination : "Bernard adorait cette idée de mystère, de s'approprier les histoires des autres en même temps que ses propres souvenirs. C'était tout le sel de la chose", remarque le dessinateur qui vit aujourd'hui à Bordeaux après avoir bourlingué en Afrique et au Canada.

Dix ans après un coup de foudre pour le film de Bernard Giraudeau "Les Caprices d'un fleuve", il lui envoie trois de ses albums, espérant sans trop y croire travailler avec lui. Très vite, ils se retrouvent aux Etonnants Voyageurs à Saint-Malo. Une amitié est née.

"L'Afrique qui nous a tant marqués lui et moi, les rencontres, les voyages et les femmes, la BD était au service de tout cela".

"Ce que j'ai partagé avec lui m'a bouleversé à jamais. Bernard était une belle personne", dit-il. "On avait vingt ans d'écart. J'étais le contemplatif du duo, il était d'un dynamisme extraordinaire".

"Nous n'avons pas sillonné les mers pour cet album, contrairement au premier, Bernard était trop faible. Mais on voyageait dans nos têtes. On oubliait le poids du corps !", se souvient-il.

Le récit est d'une poésie brutale. "Je voulais que ses mots soient présents dans la BD, qu'il n'y ait pas juste des bulles. C'est pourquoi Théo écrit. Et Théo, c'est beaucoup Bernard".

"Il noircissait des carnets depuis toujours, avec une pudeur d'autodidacte, jusqu'au jour où il a rencontré l'éditrice Anne-Marie Métailié. Plus que la reconnaissance de son talent de comédien, celle en tant qu'écrivain lui était précieuse". Et la Royale, où il s'était enrôlé à 15 ans, l'avait aussi adoubé "écrivain de marine" !

Aujourd'hui, ajoute le dessinateur, "je pense à un album à venir où Théo, vieilli, rencontrerait quelqu'un de plus jeune que moi, afin de mener cette histoire à son terme, de nos jours".

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