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Infomaniak, alternative européenne sans pub et gratuite à Gmail, OneDrive, Zoom: faut-il se méfier?

Vous avez peut-être vu passer l'information sur les réseaux sociaux. Une entreprise suisse a décidé de transformer légèrement son activité principale pour offrir aux Européens (uniquement francophones dans un premier temps) une alternative durable et éthique à ce que proposent les GAFAM. Trop beau pour être vrai ? On a essayé les services d'Infomaniak, et discuté avec un responsable.

Année après année, les GAFAM (ces grandes entreprises américaines dominant l'économie numérique que sont Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) voient leur réputation se ternir. Le débat est vaste car ces entreprises ont des stratégies très différentes, mais globalement, on leur reproche: un monopole leur permettant de fixer les prix assez haut et un manque de transparence sur l'utilisation des données personnelles à des fins de ciblages publicitaires.

Une manière de voir les choses, c'est de dire: "Si ça ne vous plait pas, aller voir ailleurs" ou "Que l'Europe développe des alternatives de qualité équivalente". Et si la plupart des utilisateurs ou entreprises restent chez Microsoft ou Google, c'est parce qu'il n'y a pas toujours le choix.

Un communiqué de presse a attiré notre attention cette semaine: celui d'Infomaniak. "Adresse email, espace cloud collaboratif, outil de visioconférence: gratuit à vie, garanti sans publicité et avec respect de votre vie privée. Le tout, hébergé proprement en Suisse". Il faut se rendre sur cette page pour créer son compte.

Tout ça nous paraissait trop beau, alors on a discuté avec un responsable de la communication de cette entreprise.

C'est qui, Infomaniak ?

Infomaniak est une entreprise suisse basée à Genève. Son cœur de métier est l'hébergement de sites web, pour faire simple. Héberger un site web, c'est principalement faire tourner des centres de données remplis de serveurs informatiques, de logiciels spécifiques et de disques durs. Infomaniak a "de très gros clients un peu partout en Europe", ayant de gros besoins en espace de stockage et en services (accès, streaming, etc).

"On a une longue histoire…", nous a expliqué Thomas Jacobsen. "Tout a commencé en 1994, Infomaniak était un club informatique créé par Boris Siegenthaler, qui est le cofondateur. Et puis, tour à tour, Infomaniak est devenu un magasin d'informatique car Boris avait besoin d'argent pour financer le club. La société assemblait des ordinateurs avec des prix compétitifs pour l'époque. Ensuite, avec l'arrivée d'internet, qui fascinait les gens à l'époque, Infomaniak a été l'un des premiers fournisseurs de connexion internet, c'était gratuit dès qu'on achetait un ordinateur ! Les utilisateurs ont commencé à vouloir des pages personnelles, des adresses email: Infomaniak l'a fait, un peu pour rendre service et s'amuser. Jusqu'au jour où on leur a proposé d'être racheté pour une fortune. Là, les fondateurs se sont dit: il y a quelque chose qui se passe. L'activité d'hébergement a commencé à devenir l'activité principale".

Aujourd'hui, "c'est le dernier virage: on devient une société qui produit des services pour le grand public et les PME, avec des solutions comme @ik.me et kdrive (voir plus bas), du back-up pour permettre à des entreprises de sauvegarder un parc informatique dans le cloud, etc".

Ce qui différencie Infomaniak des autres entreprises ? "On n'est pas côté en bourse, on n'a pas levé des millions comme certaines start-ups: tout l'argent vient des fondateurs. Il y a certains collaborateurs ayant participé de manière significative au développement qui ont des parts. Le projet est de transformer Infomaniak en société coopérative où les clients et les collaborateurs pourraient acheter des parts". Le but est donc "de rester indépendant" et "continuer à développer nous-mêmes nos technologies". Infomaniak assure tout le logiciel en interne, elle a ses propres centres de données en Suisse, qui sont d'ailleurs très verts ("On est des fanatiques d'écologie": refroidissement à l'air naturel, projet d'utiliser la chaleur des serveurs informatiques en pompe à chaleur pour des habitations voisines, etc).  

Infomaniak a pour but de proposer des services à toute l'Europe, mais commence par les francophones, qui sont ses principaux clients, pour voir ce que ça donne. L'offre dont on parle est donc réservée actuellement à la Belgique, au Luxembourg et la France, et il faut donner un numéro de téléphone de ce pays pour s'inscrire (code par SMS).

Que pouvez-vous créer gratuitement ?

Revenons à ce qui vous intéresse sans doute le plus: en quoi Infomaniak est-il une alternative aux GAFAM?

En réalité, l'entreprise suisse est surtout une alternative à une partie des services web proposés par Microsoft, Apple et Google. Ik@meremplace Gmail, kDrive remplace OneDrive, kMeet remplace Google Meet ou une partie de Teams. Via kDrive, à l'instar de Google surtout, on peut créer des documents (genre Word), des tableurs (genre Excel) ou des présentations (genre PowerPoint).

Il y a également des outils pratiques comme Calendar et Contacts, qui sont donc des agenda et répertoire stockés en ligne.

Bien entendu, le nerf de la guerre, c'est la quantité de données que tout ça va représenter. Les Gigabytes (GB) que vous stockerez sur les serveurs d'Infomaniak, ça leur coûte de l'argent. Il y a donc une limite, et elle est de 3 GB pour le kDrive et de 20 GB pour la boite email ik@me. A titre de comparaison, gratuitement, Google offre 15 GB de stockage (pour email, drive, photo, etc).


 

Est-ce que ça fonctionne bien ?

J'ai utilisé kMeet pour discuter avec Thomas Jacobsen et à part une résolution d'image assez basse, tout s'est très bien passé. J'ai créé un document texte sur kDrive et stocké quelques infos, j'ai envoyé un email via ik@me. Tout s'est fait naturellement car Infomaniak n'a pas pris de risque dans la structure et l'affichage des menus, des fonctions, etc. Ceux qui utilisent Google ne seront pas perdus.

De manière générale, c'est donc tout à fait fonctionnel et utilisable. C'est une réelle alternative à ce que proposent Google, Apple et Microsoft. Et c'est garanti sans publicité, sans analyse des données personnelles à des fins de ciblage.


 

Est-ce que ça restera gratuit ?

Oui, Infomaniak nous l'a confirmé de vive voix. Contrairement à Google dont elle veut être une alternative européenne, l'entreprise suisse estime que certains utilisateurs préfèrent (ou préféreront) payer pour avoir accès à des services premium, que de laisser des données personnelles "exploitables" sur des serveurs lointains.

"Il existe déjà des formules payantes pour avoir plus de stockages sur kDrive, et on va proposer davantage de produits à l'avenir (avec des options payantes). Mais ce qui est gratuit le restera (le drive pourrait même augmenter), on ne mettra jamais de publicité, on n'utilisera jamais les données personnelles. Ce n'est pas dans notre ADN, on est une boite de développeurs avec un processus décisionnel horizontal (donc pas de hiérarchie forte qui impose sa loi, NDLR), personne ne laisserait passer de tels changements", promet le responsable communication d'Infomaniak.

Pourquoi un tel cadeau ?

"Le but, on ne se le cache pas, c'est de propager notre image de marque, de faire rayonner Infomaniak. Notre problématique, c'est qu'on doit avoir une taille critique pour continuer à développer nos propres technologies et montrer en gamme".

Logique: il faut des clients (certains passeront aux formules payantes avec plus d'options) et donc de l'argent pour engager les bons développeurs et continuer à proposer des alternatives aussi bonnes que ce que proposent Google ou Microsoft. "On a 170 personnes actuellement, et on sera probablement 200 d'ici la fin de l'année". Et ce ne sont quasiment que des développeurs, il n'y a que deux personnes pour le marketing et la communication, et pas vraiment de département 'commercial'. 

Trop beau pour être vrai ? "S'il y a trop de succès, au pire, on ferme les inscriptions, mais on a prévu le coup et on se limite à l'Europe francophone".

Pour répondre à la question du titre de l'article: non, il ne faut pas se méfier d'Infomaniak et si vous voulez diminuer votre dépendance aux géants américains du numérique, si vous ne voulez plus qu'une partie de votre activité en ligne soit analysée à des fins publicitaires (ou envahie de publicités...), vous ne perdez rien à vous inscrire...

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